II. Les Dieux voulant instruire un fils de Jupiter. POUR MONSEIGNEUR LE DUC DU MAINE (1). Jupiter eut un fils qui, se sentant du lieu Dont il tirait son origine, Avait l'âme toute divine. L'enfance n'aime rien: celle du jeune dieu Des doux soins d'aimer et de plaire. Devancèrent le temps, dont les ailes légères Il semblait qu'il n'agît que par réminiscence, Jupiter cependant voulut le faire instruire. (1) Louis-Auguste de Bourbon, DUC DU MAINE, fils de Louis XIV et de madame de Montespan, et élève de madame de Maintenon, né à Versailles le 30 mai 1670, mort le 14 mai 1736. (2) Allusion au goût du jeune prince pour la botanique. (3) Ceci doit faire allusion à quelque petite pièce de société, représentée devant le roi, dans son intérieur, où M. le duc du Maine avait sans doute bien joué le rôle d'amoureux. (CHAMFORT.) Seul et sans compagnon, jusqu'ici l'univers; Qu'aux nouveaux dieux je distribue. Il faut qu'il sache tout. Le maître du tonnerre Aux honneurs de l'Olympe, et grossi cet empire Son maître à surmonter les vices, A dompter les transports, monstres empoisonneurs, Il apprendra de moi les sentiers peu battus Il dit qu'il lui montrerait tout (1). L'Amour avait raison. De quoi ne vient à bout (1) L'amour est un grand maître. Le Proverbe. La Fontaine est souvent revenu sur cette pensée. Il dit dans ses contes : Maître ne sais meilleur pour enseigner Que Cupidon. Le Muletier. Je ne connais rhéteur ni maître ès arts Tel que l'Amour. La Confidente sans le savoir. III. - Le Fermier, le Chien, et le Renard (1). Les poules d'un fermier; et, quoique des plus fins, Se moque impunément de moi! Je vais, je viens, je me travaille, Pourquoi sire Jupin m'a-t-il donc appelé Il choisit une nuit libérale en pavots: Commit une sottise extrême. Le voleur tourne tant, qu'il entre au lieu guetté, Parurent avec l'aube: on vit un étalage De corps sanglants et de carnage. (1) Abstemius, 149, de Patre familias succensente cani ob gallinas raptas. Peu s'en fallut que le soleil Ne rebroussât d'horreur vers le manoir liquide Apollon, irrité contre le fier Atride, Joncha son camp de morts; on vit presque détruit Ajax, à l'âme impatiente, De moutons et de boucs fit un vaste débris (2), Par qui l'autre pemorta le prix. Le renard, autre Ajax aux volailles funeste, Son raisonnement pouvait être (1) L'armée. (2) Allusion à la colère d'Ajax qui, ayant disputé sans pouvoir les obtenir les armes d'Achille, se jeta sur un troupeau, croyant se jeter sur les Greas dont la division l'avait privé des armes du héros. (3) Tous les discours sont des sottises Parlant d'un homme sans éclat. Ce seraient paroles exquises Si c'était un grand qui parlåt. (MOLIÈRE.) Tot done, qui que tu sois, ô père de famille (Et je ne t'ai jamais envié cet honneur), T'attendre aux yeux d'autrui quand tu dors, c'est erreur. Couche-toi le dernier, et vois fermer ta porte. Que si quelque affaire t'importe, Ne la fais point par procureur (1). (1) La donnée de cette fable est la même que celle de la fable xxı du liv. IV, L'Œil du Maître. IV. - Le Songe d'un Habitant du Mogol (1). Jadis certain Mogol vit en songe un vizir Qui touchait de pitié même les malheureux. L'interprète lui dit : Ne vous étonnez point; C'est un avis des dieux. Pendant l'humain séjour, Cet ermite aux vizirs allait faire sa cour. Si j'osais ajouter au mot de l'interprète, (1) Saadi, Gulistan, ou l'Empire des roses, traduit par André du Ryer, sieur de Malezair; Paris, chez Antoine de Sommaville, 1634, in-8°, p. 88. Voyezaussi d'Herbelot. |