Page images
PDF
EPUB
[ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors]

d'un mefme endroit, ce jugement, &c. Je ne
doute pas que ce ne foit le veritable fens.En ef-
fet comme chaque nation dans fa langue a une
maniere de dire les chofes, & même de les
imaginer, qui luy eft propre, il est constant
qu'en ce genre, ce qui plaira en même temps à
des perfonnes de langage different, aura veri-
tablement ce merveilleux & ce Sublime.

Mais ces cinq fources prefuppofent comme Ch. VI. pour fondement commun. ] Longin dit, mais pag.33. ces cinq fources prefuppofent comme pour fond, comme pour lict commun la faculté de bien parler. Monfieur D*** n'a pas voulu fuivre la figure, fans doute de peur de tomber dans l'affectation.

que

pag.36,

Et le tenir toujours plein, pour ainfi dire,du- ch. VII. ne certaine fierté, &c.] Il me femble le mot plein & le mot enflé ne demandent pas cette modification, pour ainfi dire, nous difons tous les jours, c'eft un esprit plein de fierté, cet bomme eft enflé d'orgueil. Mais la figure dont Longin s'eft fervi la demandoit neceffairement. J'aurois voulu la conferver & traduire, & le tenir toûjours, pour ainsi dire, gros fierté noble & genereufe.

d'une

Quand il a dit à propos de la Deeffe des tenebres. Je ne fçai pas pourquoi les Interpretes d'Hefiode & de Longin ont voulu que Axaus foit ici la Deeffe des tenebres. C'eft fans doute la Trifteffe,comme Mr. le Févre l'a remarqué. Voici le portrait qu'Hefiode en fait dans le Bouclier au vers 264. La Trifteffe tenoit prés de là toute baignée de pleurs, pafle, Jeche, defaite, les genoux fort gros & les ongles fort longs. Ses nari nes eftoient une fontaine d'humeurs, le fang couloit de fes joues, elle grinçoit les dents, & couvroit fes épaules de pouffiere. Il feroit bien difficile que cela puft convenir à la Deeffe des P 7

Tenc

Pag.38.

Pag.40.

Pag.42.

Pag.43.

Tenebres. Lors qu'Hefychius a marqué xμέρα αλεπόν, ila fait allez voir que &χλὺς peut fort bien estre prise pour 2oz tristesle. Dans ce meime chapitre Longin s'est servi de ¿%20s pour dire les tenebres, une epasse obscurite: Et c'eft peut-eftre ce qui a trompé les Interpretes.

Des qu'on le void marcher fur fes liquides plaines.] Ces vers font fort nobles & fort ́beaux; mais ils n'expriment pas la pensée d'Homere, qui dit que lorfque Neptune commence à marcher, les Baleines fautent de tous costez devant luy & reconnoiffent leur Roy, que de joye la mer fe fend pour luy faire place. Monfieur D dit de l'eau ce qu'Homere a dit des Baleines, & il s'eft contenté d'exprimer un petit fremissement qui arrive fous les moindres barques comme fous les plus grands vaisseaux, au lieu de nous representer aprés Homere des flots entr'ouverts & une mer qui se separe.

Ajoutez que les accidens qui arrivent dans Iliade font deplorez souvent par les Heros de Todyfee.] Je ne croy point que Longin ait voulu dire que les accidens qui arrivent dans I'Iliade, font déplorez par les Heros de l'Odyffée. Mais il dit: Ajoutez qu' Homere rapporte dans l'Odyffee, des plaintes des la mentations, comme connues des long-temps à Ses Heros. Longin a égard icy à ces chanfons qu'Homere fait chanter dans l'Odyflée fur les malheurs des Grecs & fur toutes les peines qu'ils avoient eues dans ce long fiege. On n'a qu'à lire le Livre VIII.

Nous pouvons dire que c'est le reflux de fon efprit, &c.] Les Interpretes n'ont point rendu toute la penfée de Longin qui à mon avis n'auroit eu garde de dire d'Homere qu'il

s'éga

s'égare dans des imaginations & des fables. incroyables. Monfieur le Févre eft le premier qui ait connu la beauté de ce paffage, car c'eft luy qui a découvert que le Grec eftoit defectueux, & qu'aprés undes, il faloit fuppléer, ὅτῳ ὁ παρ' Ομήρῳ. Dans ce fens-là on peut traduire ainfi ce paffage: Mais comme l'Ocean eft toûjours grand, quoi qu'il fe foit retire de fes rivages, & qu'il fe foit refferré dans fes bornes, Homere auffi aprés avoir quitté l'Iliade, ne laiffe pas d'eftre grand dans les narrations mefme incroiables fabuleuses de l'Odyffee.

Je n'ay pas oublié pourtant les defcriptions 1bid. des tempeftes.] De la maniere dont Monfieur D***a traduit ce paffage, il femble que Longin en parlant de ces narrations incroiables & fabuleufes de l'Odyffée, n'y comprenne point ces tempêtes & ces avantures d'Ulyffe avec le Cyclope, & c'est tout le contraire, fi je ne me trompe, car Longin dit: Quand je vous parle de ces narrations incroiables fabuleuses, vous pouvez bien croire que je n'ay pas oublié ces tempeftes de l'Odyffée, ni tout ce qu'on y lit du Cyclope, ni quelques autres endroits, &c. Et ce fout ces endroits mêmes qu'Horace appelle Speciofa miracula.

Il en eft de même des Colombes qui nourrirent Pag.44. Jupiter.] Le paffage d'Homere eft dans le XII. Livre de l'Odiff. v.62.

ἐδὲ πέλειαι Τρήρωνες, ταὶ τ ̓ ἀμβροσίζω Διὶ πατρὶ φέρεσιν.

Ni les timides Colombes qui portent l'Ambrofie à Jupiter. Les anciens ont fort parlé de cette fiction d'Homere, fur laquelle Alexandre confulta Ariftote & Chiron. On peut

[merged small][merged small][merged small][ocr errors]

voir Athenée Livre II. pag. 490. Longin la traite de fonge; mais peut-eftre Longin n'éftoit-il pas fi favant dans l'antiquité qu'il étoit bon Critique. Homere avoit pris ceci des Pheniciens qui appelloient prefque de la mesme maniere une Colombe & une Prestresse; ainsi quand ils difoient que des Colombes nourrisfoient Jupiter, ils parloient des Prêtres & des Prêtreffes qui lui offroient des facrifices que l'on a toûjours appellé la viande des Dieux. On doit expliquer de la même maniere la fable des Colombes de Dodone & de Jupiter Ammon.

Mais que fon ame eft un rendez-vous de toutes les paffions.] Noftre langue ne fauroit bien, dire cela d'une autre maniere; cependant il est certain que le mot rendez-vous n'exprime pas toute la force du mot Grec ozod qui ne fignifie pas feulement affemblée mais choc, combat, & Longin luy donne ici toute cette éténduë;car il dit que Sapho a ramaffe & uni toutes ces circonftances, pour faire paroistre non pas une Seule paffion, mais une affemblée de toutes les paffions qui s'entrechoquent, &c.

Archiloque ne s'eft point fervi d'autre artifi ce dans la defcription de fon naufrage. ] Je fçay bien que par fon naufrage Monfieur D*** a entendu le naufrage qu'Archiloque avoit décrit, &c. Neanmoins comme le mot fon fait une equivoque, & que l'on pourroit croire qu'Archiloque luy-mefme auroit fait le naufrage dont il a parlé, j'aurois voulu traduire, dans la defcription du naufra ge. Archiloque avoit décrit le naufrage de fon beau-frere.

Pour Ciceron, &c.] Longin en confervant l'idée des embrafemens qui femblent quelquefois ne fe ralentir que pour éclater avec plus de violence, définit tres-bien le caractere de

[ocr errors][merged small][ocr errors][ocr errors]

de Ciceron, qui conferve toûjours un certain
feu, mais qui le ranime en certains endroits, &
lorfqu'il femble qu'il va s'éteindre.

Quand il faut, pour ainfi dire, étonner l'Au- Ibid.
diteur.] Cette modification pour ainfi dire ne
me paroift pas neceffaire ici, & il me semble
qu'elle affoiblit en quelque maniere la pensée
de Longin qui ne fe contente pas de dire
que le Sublime de Demofthene vaut mieux
quand il faut étonner l' Auditeur, mais qui a-
joûte, quand il faut entierement étonner, &c.
Je ne croi pas que le mot François étonner de-
mande de luy-même cette excufe, puifqu'il
n'eft pas.fi fort que le Grec, cna, quoi-
qu'il ferve également à marquer l'effet que
produit la foudre dans l'efprit de ceux qu'elle
a prefque touchés.

.

Au contraire l'abondance eft meilleure, 1bid.
lorfqu'on veut, fi j'ofe me fervir de ces termes,
répandre une rofee agreable dans les efprits.]
Outre que cette expreffion répandre une ro-
fée ne répond pas bien à l'abondance dont il
eft ici queftion, il me femble qu'elle obfcurcit
la penfée de Longin qui oppole ici v 72ñoz
à,& qui aprés avoir dit que le Subli-
me concis de Demofibene doit eftre employé lorf
qu'il faut entierement étonner l'Auditeur, a-
joûte, qu'on doit fe fervir de cette riche abon-
dance de Ciceron lorsqu'il faut l'adoucir. Ce
rgvrañozy eft emprunté de la Medecine, il fi-
gnifie proprement fovere, fomenter, adoucir,&
cette idée eft venue à Longin du mot
E. Le Sublime concis eft pour frapper, mais
cette heureufe abondance eft pour guerir les
coups que ce Sublime a portez. De cette ma-
niere Longin explique fort bien les deux gen-
res de difcours que les anciens Rheteurs ont
établis, dont l'ún, qui eft pour toucher &

pour

[ocr errors]
[ocr errors]
« PreviousContinue »