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cissements nécessaires pour facuter aux lecseurs l'intelligence du texte. Ce n'est pas qu'après Casaubon, l'Europe n'ait eu d'habiles gens, capables de suivre ses traces, et de suppléer, autant que faire se pouvait, tout ce qui manque au commentaire de ce savant sur Athénée; mais il est à croire que ce travail a effrayé jusqu'à présent ceux qui auraient pu l'entreprendre, et il était tel en effet, qu'on peut dire qu'il ne s'en offre point de plus grand ni de plus difficile dans la carrière de l'érudition: car cette science (quelque nom qu'on veuille lui donner), qui a pour objet d'expli quer et de rétablir les textes anciens, se partage, comme toutes les autres, en différentes branches, dont chacune veut une étude toute particulière. L'explication d'un poète demande d'autres connaissances que celles d'un historien; et les recherches nécessaires pour bien entendre celui-ci, seraient de peu d'utilité pour l'intelligence du premier. Les phiiosophes, les orateurs, les grammairiens, ceux qui ont écrit des sciences et des arts, forment des classes séparées ; et l'expérience a démontré qu'il n'était donné à personne de les connaître tous à fond, ni d'exceller également dans toutes les parties de la critique : c'était pourtant ce qu'il eût fallu pour interpréter Athénée, qui n'est pas un seul auteur, mais

un composé de mille auteurs aussi différents pour le style le style que pour le fonds de leurs ou vrages, dont il a extrait tout le sien. Mais si l'on ne devait pas s'attendre qu'il parût jamais un critique en état de satisfaire à tout ce que les lecteurs peuvent exiger rigoureusement d'un éditeur d'Athénée, cependant le public connaissait parmi ceux qui ont cultivé avec le plus de succès ce genre de littérature, des hommes dont l'érudition laissait peu de choses à désirer pour cette grande entreprise, et souhaitait que quelqu'un d'eux eût la hardiesse de s'en charger. C'est ce que fait aujourd'hui le C. Schweighouser. Son nom est assez connu pour n'avoir pas besoin d'éloge; et ce qui paraît de son ouvrage est digne de la réputation dont il jouit parmi les savants.

Dans une préface remplie de recherches intéressantes, il instruit le lecteur de tout ce que les anciens nous apprennent sur son auteur, des secours qu'il a eus pour son propre travail et de celui des éditeurs qui l'on précédé. On sait peu de chose d'Athénée. Il paraît que de son temps même, ses écrits furent plus connus que lui, puisque les plus anciens auteurs qui aient fait mention de son ouvrage, ne nous disent rien de sa vie. On ne peut même fixer que d'une manière assez vague le temps où il a écrit, et ce n'est que

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sur une conjecture un peu hasardée que le G. Schweighouser se croit fondé à nous dire qu'Athénée a fini son livre vers l'an 128 de l'ère vulgaire. Au reste, dans le jugement qu'il porte de son auteur, le C. Schweighæuser est fort éloigné de la partialité ordinaire aux commentateurs. Il avoue de bonne foi que l'ouvrage d'Athénée lui paraît en soi assez mal conçu, et que cette immense compilation, où tant de matières hétérogènes se trouvent entassées sans ordre ni mesure, tire aujourd'hui tout son prix de la perte des auteurs dont on y retrouve les débris. Du reste, peu d'anciens ont parlé d'Athénée. Quelquesuns, comme Ælien et Macrobe, l'ont pillé sans le nommer. Le plus ancien qui l'ait cité paraît être Harpocration ou bien Étienne de Bysance. Hésychius, et tous les autres glossateurs ou lexicographes s'en sont servis nécessairement; mais tous n'ont pas eu sous les yeux l'ouvrage même d'Athénée. Quelques uns, et entre autres Eustache, n'en ont connu que l'abrégé. On ne sait quel est l'auteur de cet abrégé, ni en quel temps il a vécu, et c'est sans aucun fondement que quelques-uns l'ont attribué à Hermolasu de Bysance. Mais quel qu'ait été cet auteur, le nouvel éditeur en pense assez favorablement. Il lui trouve du jugement (tout en le blâmant d'avoir sup

primé le plus souvent les titres des ouvrages, et les noms des écrivains allégués par Athé née) et ne découvre rien dans son style qui ne lui paraisse convenir au temps où la langue grecque s'écrivait encore purement.

que

Ensuite, venant au temps où le texte même d'Athénée parut imprimé, il parle de l'édition d'Alde, la première de toutes, donnée à Venise en 1414. Il en rapporte le titre accom, pagné d'une espèce de didascalie fort curieuse, où l'éditeur Musurus se vante d'avoir corrigé plusieurs milliers de fautes dans le texte, et réduit à la mesure qui leur convenait les vers qu'il a trouvés écrits sous la même forme la prose; nouvelle preuve ajoutée à toutes celles qu'on a déjà de l'audace des premiers éditeurs, qui, plus ils étaient savants plus ils doivent être suspects. Quant au mérite de cette édition, le C. Schweighouser, d'accord avec Casaubon, dont il emploie les expres sions, le trouve inexact et indigne de ceux qui en ont pris soin. Cependant il rend justice à l'érudition de Musurus, qui a rétabli heureusement plusieurs passages altérés dans les manuscrits. La seconde édition.se fit à Bâle, en 1535, par les soins de Jean Bedrot et de Christian Herlin. Ce ne serait qu'une réimpression de celle de Venise, avec de nouvelles fautes, comme il arrive toujours, si les édi

teurs n'avaient corrigé, assez maladroites ment, le texte d'Athénée, toutes les fois qu'ils l'ont pu faire, en recourant aux auteurs qu'il cite. Cependant le C. Schweighouser ne fait pas de cette édition aussi peu de cas que Casaubon, qu'il accuse de l'avoir en même temps trop méprisée et trop suivie en beaucoup d'endroits, dont il eût trouvé de meilleures leçons dans Alde ou dans les manuscrits.

Après ces deux éditions, Athénée se trouvant dès-lors entre les mains de tous les savants, on ne tarda pas à le traduire. Le premier qui s'en occupa fut Noël le Comte (comme nous l'appelons), dont tout le travail, dit Casaubon, est de nulle ou de peu. d'utilité, quoiqu'il ait eu l'avantage de remplir, à l'aide des manuscrits, une grande lacune qui se trouvait avant lui dans le quinzième livre. A cette occasion, le G. Schweighoeuser entre dans des détails curieux sur les fragments et les variantes du texte d'Athénée, recueillis vers ce temps-là par des hommes très savants, tels que Pietro Vettori, Muret, Henry Étienne, et publiés depuis, ou seulement cités dans divers ouvrages, et cachés aujourd'hui dans les bibliothèques. Casaubon fait mention quelque part d'une édition d'Athénée, entreprise par Turnèbe, et dont il

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