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d'envie, plus j'aurai sujet de croire qu'ils m'estiment ou qu'ils me craignent. Et enfin je ne me mettrois pas fort en peine de voir l'écrit du P. B. si c'étoit de lui seul qu'il dût venir; car, je le dis hardiment, après avoir vu sa vélitation, où il paroît manifestement qu'il n'a eu aucun soin de rechercher la vérité, mais où il est très constant qu'il m'attribué des opinions que je n'ai jamais pensées ni écrites, je pense avoir droit de ne pas beaucoup estimer tout ce qui ne viendra que de lui seul, et de le juger indigne qu'on le lise et qu'on y réponde. Mais après que le révérend père recteur aura reçu mes lettres, j'attendrai avec impatience, et verrai même avec plaisir et estime, tout ce que non seulement le révérend père B. mais aussi les autres pères de sa société écriront contre mes opinions; car pour lors je serai assuré que, quoique ce soit, et quelque nom qu'un tel écrit porte, ce ne sera pas l'ouvrage d'un seul, mais qu'il aura été composé, examiné et corrigé par plusieurs des plus doctes et des plus sages de sa compagnie; et par conséquent qu'il ne contiendra aucunes cavillations, aucuns sophismes, aucunes invectives, ni aucun discours inutile, mais seulement de bonnes et solides raisons; et qu'on n'y aura omis pas un des arguments qu'on peut légitimement apporter contre moi; en sorte que par ce seul écrit j'aurai sujet d'espérer de pouvoir être délivré de toutes

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mes erreurs; et même si dans le grand nombre des choses que j'ai écrites et expliquées il y en avoit quelqu'une qui ne s'y trouvât point réfutée, j'aurai lieu de croire qu'elle ne le peut être par personne, et partant qu'elle est entièrement vraie et indubitable, car les choses que j'ai écrites sont telles, que n'étant appuyées que sur des raisons mathématiques ou sur des expériences certaines, elles ne peuvent rien contenir de faux, qu'il ne soit très facile à des personnes si pleines d'esprit et si savantes de le réfuter par une démonstration très évidente; et ils ne négligeront pas, comme j'espère, de les examiner, quoique je les aie prouvées par des raisons mathématiques, et que faisant distinction entre la mathématique et la philosophie, ils fassent une plus ouverte profession de celle-ci que de l'autre; car j'ai traité de plusieurs choses qu'on n'a coutume de traiter qu'en philosophie, comme entre autres de tous les météores; et je pense qu'on ne sauroit rien souhaiter de plus en une matière de philosophie que d'en pouvoir donner une démonstration mathématique. Or, encore que je me sois peut-être trompé en beaucoup de choses, je ne pense pas toutefois m'être trompé en tout. Je ne me moque point, mes ennemis mêmes avouent tous d'un commun accord que je ne suis pas tout-à-fait ignorant dans les mathématiques, quoique dans les autres choses ils tâchent autant qu'ils

peuvent de décrier ce que mes amis disent de moi. Mais si toute ma mathématique ne m'a point trompé, et si par son moyen j'ai seulement découvert la vérité dans une ou deux questions de philosophie, je puis prétendre quelque part aux bonnes grâces de ces révérends pères qui emploient une bonne partie de leur temps à une si utile recherche. Et encore qu'il n'y en eût aucune où je ne me fusse trompé, ils ne pourront toutefois s'empêcher de me vouloir du bien et de louer mon entreprise, qui ne tend qu'à rechercher la vérité avec candeur, et à satisfaire au désir que j'ai de m'instruire sans opiniâtreté. Enfin, puisque ma réponse à la vélitation du révérend père B. lui a été non seulement montrée, mais aussi au révérend père Phelippeaux, les autres pères de la société ne peuvent pas maintenant ignorer ce qu'elle contient; et je me souviens que j'y ai fait mention des lettres que j'avois écrites au révérend père recteur, en sorte qu'il peut avoir sujet de s'étonner de ne les avoir point encore reçues,et même aussi de l'interpréter à mal, à cause que j'ai répondu assez librement à cette vélitation, ne me doutant point qu'elle vînt d'aucun des pères de cette société. Et certes on ne m'a point en cela fait de plaisir de leur avoir montré une réponse qui ne sauroit leur être fort agréable, et de ne leur avoir pas montré mes lettres par lesquelles je tâchois de me concilier leur bienveillance. C'est pourquoi je

prie très instamment votre révérence de faire rendre au plus tôt ces lettres au révérend père recteur, même, si elle n'y a point de répugnance, de prendre elle-même la peine de les lui porter, et en même temps aussi de lui faire voir la présente, afin qu'il connoisse d'autant mieux ce qui m'a porté à lui écrire, et combien j'ai de respect et de soumission pour toute sa société.

AU R. P. BOURDIN, JÉSUITE ‘.

(Lettre 16 du tome III. Version.)

MON RÉVÉREND PÈRE,

Je ne reçus vos dernières, datées du septième août, qu'avant-hier, qui étoit le sixième septembre. Et il y a trois semaines que je fis réponse à vos précédentes, qui m'avoient aussi été rendues plus tard qu'elles ne devoient, eu égard à la distance 'des lieux. Et je m'étonne fort que vous n'ayez point fait de difficulté d'impugner, et même de condamner comme fausse et ridicule, une doctrine que vous dites vous avoir semblé douteuse, vu

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Datée fixement le 7 septembre. Voyez la 82o lettre des manuscrits de Lahire,

que vous me reprenez d'avoir réfuté un écrit que je n'ai point douté être absolument faux. Et il importe fort peu que cet écrit fût achevé, ou seulement commencé; car n'ai-je pas trouvé dans le commencement assez d'arguments pour pouvoir hardiment le condamner de fausseté; et vous, n'avouez-vous pas que dans le mien, qui étoit com plet, vous n'en avez pu trouver assez que pour vous faire douter de sa doctrine. J'omets le reste du contenu de votre lettre, pourceque j'y ai déjà assez répondu dans mes précédentes. Mais j'ai une prière à vous faire, qui est que comme j'ai fait imprimer votre écrit, avec les notes que j'ai faites dessus, tel que je l'avois reçu, sans y changer une seule lettre, de même aussi, s'il vous prend envie d'écrire quelque chose contre mes remarques, je vous prie de ne les point proposer estropiées et imparfaites, mais de les faire voir tout entières, et telles qu'elles sont, avec la lettre que j'y ai jointe. Ajoutez-y aussi, si bon vous semble, toutes vos autres questions; mais si vous en ajoutez quelqu'une, gardez-vous bien d'oublier celle où vous devez parler de l'existence de Dieu. Vous savez combien les athées et les libertins sont malicieux et médisants; et și après avoir rejeté mes arguinents, vous n'en apportez point de meilleurs, sans doute qu'ils diront que vous n'en avez point; et peut-être même (ce qu'à Dieu ne plaise) qu'ils

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