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ly,pour le garantir des enchantements

de Circé.

Démocrite [n] dit qu'il y a des plantes douées d'une telle force & vertu, qu'elles fervent à l'évocation: des dieux, & à faire avouer aux coupables, ce que la queftion la plus rigoureuse ne leur feroit pas confeffer. Suivant Agrippa [a], le foie du chaméléon brulé par les extrémités, excite les pluies & les tonnerres; la pierre Héliotrope rend [p] invifible; plufieurs autres pierres aux quelles Agrippa donne des noms barbares & peu connus, apprivoifent les bêtes en un moment, & leur âtent leur férocité, évoquent les diables des enfers; font paroître les efprits; donnent la faculté de connoître l'avenir par les fonges.

Suivant le temoignage de Pline [4], qui rapporte ces opinions pour s'en mocquer, l'herbe appellée Ethiopis a paffé pour deffécher les riviéres & les étangs, où elle eft jettée, & pour ouvrir tout ce qu'elle touche. On a cru que celle qui a été nommée Aché ménis étant répandue au milieu d'une armée, infpiroit la terreur aux bataillons entiers, & les mettoit en fuite: que les rois de Perfe donnoient à leurs généraux d'armée la plante appellée Latacé; au moien de laquelle

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ils étoient dans l'abondance de toutes chofes, en quelques lieux qu'ils fe trouvaffent. Juba [r] a écrit qu'un homme avoit été reffufcité par une plante d'Arabie.

Pline [s] décrit les vertus magiques de l'hyéne; & Agrippa [s] ( qui n'eût pas voulu apparemment en faire l'expérience) affure qu'une peau de cet animal rend invulnérable au milieu d'une armée ennemie. Pline parle d'une recette pour la chasteté [] des femmes, en fe fervant d'une grenouille, de la façon qu'il preferit: mais il femble y ajouter peu de foi, difant, que fi cet effet s'enfuivoit, les grenouilles feroient plus utiles que les loix.

Un cœur de taupe [x]mangé tout crud & encore palpitant donne le don de prophétie & la faculté d'opérer des prodiges.

La pierre Alectorienne ainfi nommée, parce qu'elle fe trouve dans les coqs, fait remporter la victoire aux combattants, fuivant Solin [y]; & fuivant Jonfton [z], elle attire les fuffrages & les voeux en faveur de ceux qui la portent fur eux.

Lampridius [al parle de certains avocats qui pour réuffir dans le bar. reau, & gagner les caufes qu'ils plaidoient, achetoient la membrane que les enfants apportent quelquefois fur la

Tt 2

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tête en venant au monde.

Pline [b], & faint Ifidore [c] ont écrit qu'une petite pierre, qui fe trouve dans la tête des tortues des Indes,donne la faculté de deviner l'avenir, à ceux qui la portent fous la langue. Marbodée évêque de Rennes dans l'onziéme fiécle, a expliqué dans fes vers [d], que fuivant le croiffant, la pleine lune, ou le déclin, cette pierre fait deviner jufqu'à midi, ou tout le jour, ou feulement la nuit, & avant le lever du foleil.

,

Porphyre [e] dit qu'Apollonius de Thyane, Melampus Tiréfias, & Thalés ont entendu le langage des oifeaux. Apollodore [f]attribue cette faculté de Melampus, à ce que des ferpents lui léchérent les oreilles, pendant qu'il dormoit; & Pline [g] ajoute que Démocrite a marqué le nom de certains oifeaux, dont le fang mêlé produit un ferpent, qui donne à celui qui le mange l'intelligence de ce que les oifeaux s'entredifent.

Eufébe rapporte [b] que les Arabes acquéroient la même intelligen ce, en mangeant le cœur, ou le foie de certains dragons; & qu'ils faifoient leur principale occupation de la chasse de ces dragons à caufe d'une propriété fi

[b] Plin. lib. 37.c. 10. [c] Ifidor. origin, lib 16.c. 14.

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rare.Il fuppofe,comme un fait conftant, qu'Apollonius avoit fait ufage de cette recette pour le procurer la même connoiffance: ce qu'il lui reproche comme une infidélité à la philofophie de Pythagore, dont Apollonius faifoit profeffion, & qui affujétifsoit les difciples à une abftinence entiére de toute forte de créatures animées.

Agrippa [i] abuse de la crédulité des perfonnes fimples, jufqu'à écrire comme Juba roi de Mauritanie, qu'il y a des herbes qui ont la vertu de reffufciter les morts.

Diofcoride [k] témoigne qu'en fe fervoit de la pierre Atite pour découvrir les voleurs. On la broïoit, & mêlant la poudre dans du pain fait exprès [1], on en faifoit manger à touts ceux qui étoient foupçonnés, & on af fure que le voleur ne pouvoit avaler le

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al Indica teltudo mittit lapidem che-... lonitem,

Gratum purpureo, varioque colore ni

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1:

pora primæ:

At decrementi lunaris tempore toto
Ante diem lapiditantum manet illa po..
teftas.

Harduin.comment. in Plin.lib. 37.c.10.
[e] Porphyr. de abftinent. lib. 3.
· [f] Apollodori Athenienfis bibliotheces
lib..

[g] Plin. lib. 10. 6. 49.
[b] Eufeb. in Hieroclem.
[i] Agripp. philof occult. liv. 1. ch. 38.
[k] Diofcorid. lib. 5. c. 161.

Cette recette expliquée par Diofcoride Semble se rapporter à une fuperftition dont il eft parlé dans un concile d'Auxerre: Qui fortes de ligno aut pane faciunt.

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[m] Agripp. pbilof.occult. liv. 1. ch.13. [n] Traité d'Orig.contre Celf, liv, 1, 2

pour quelques oboles, toutes les merveilles de leur fcience, au milieu des places publiques, chaffant les démons hors du corps des hommes, guériffant des malades en foufflant deffus, évoquant les ames, dreffant des tables qui paroiffent couvertes de mets exquis, quoique réellement il n'y eût rien deffus, & faifant mouvoir, com me fi ç'eût été des animaux, certaines figures qui n'en avoient que l'apparence. Il paroît par ce paffage, que Celfe fuppofoit que les démoniaques, & les malades qui étoient guéris,n'étoient que des phantomes.

Anaxilaus [o] faifoit paroître une pâleur mortelle fur les vilages des af fiftants, en excitant quelque vapeur fulphurée.

Si vous faites bruler dans une lampe, dit [p] Anaxilaüs, de la graiffe de ferpent fondue au lieu d'huile, les brins de paille paroîtront convertis en ferpents.

aïant été accufé de magie, parce que fes terres rapportoient toujours beaucoup plus que celles de fes voisins, il produifit à l'audience des enfants & des valets laborieux, des troupeaux nombreux & en bon état, des outils bien faits & bien entretenus, & qu'il· ajouta: Meffieurs, vous auriez devant les yeux toutes mes piéces justificatives, fi je pouvois rendre mes travaux & mes fueurs vifibles, dans le moment de ma défenfe.

Olympias, aiant voulu voir [r] une courtifanne qui avoit, difoit-on, enchanté Philippe, & l'aïant trouvée belle & fpirituelle: Je connois main-tenant, lui dit-elle, en quoi confifte votre magie, qui eft purement naturelle.

Agrippa [], qui cherche à fe faire valoir par des fecrets qu'il n'a point, dit qu'il peut par la magic naturelle faire enforte qu'un homme communique fa penfée à un autre, quelque éloignés qu'ils foient, en moins de vingt-quatre heures, vingt-quatre heures, quoiqu'il ne puifle précisément fixer le temps, & que ce fecret a été connu de l'abbé Trithéme.

On trouve dans les auteurs[q] plufieurs illufions femblables, comme de faire paroître une chambre toute en feu, de faire mouvoir les figures d'une tapifferie, de donner à touts les affiftants de têtes de cheval ou d'àne. Pline rapporte que Julius Crefinus fiécle un moïen très ingénieux & fort It 3

[ ] Anaxilaüs fulphure in calicem injecto, pallorem mortuorum inducebat vultibus) of, Scalig. animadverf. in Eufeb p.153.Plin lib 35 c.25.

Anaxilaus de Lariffe en Theffalie étoit un philofophe Pythagoricien qui passoit pour magicien, & qui en cette qualité fur chaffé d'Italie par Augufte, comme on l'apprend de S. Jerôme. Il avoit écrit un livre intitulé Taiyua, comme qui diroit des jeux ou récréations magiques. Ce livre eft cité par S. Epiphane & par S. Irénée.

[p] Pline rapporte cet autre fecret enfei.. gné par Anaxilaüs.

Equarum virus à coitu in ellychniis accentum Anaxilaüs prodidit equinorum

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Amontons [] de l'académie des fciences inventa à la fin du dernier

capitum vifus repræfentare monftrificè, fimiliter ex afinis. Plin. lib. 28. c. 11.

[q] Des thefes foutenues au college des Jéfuites au Pont à Mouflon en 1622. conrenoient ces propofitions. Dato quolibet objecto, quodlibet repræfentare per ipecula, montem ex atomo, fuillum aut alininu.n caput ex humano, elephantem à capillo. Les effets dont il eft parlé dans ces théfes étant produits par des miroirs, & non par des fimples, ils appartiennent plus à la magie mathématique qu'à la naturelle.

[r] Col. Rhodig. lib. 16.c.6.

[s] Agript philof. occult. liv. 1. ch. 6.

[r] Eloge d'Amontons par M. de Fonte nelle.

De la mi

différent de la charlatanerie d'Agrippa, pour faire fçavoir tout ce qu'on voudroit à une très grande diftance, par exemple de Paris à Rome en très-peu de temps, comme en trois ou quatre heures, & même fans que la nouvelle fut fçûë dans l'efpace d'entre deux. Cette propofition fi paradoxe & fi chimérique en apparence fut éxécutée dans une petite étendue de païs, une fois en préfence de Monfeigneur, & une autre en présence de Madame. Le fecret confiftoit à difpofer dans plufieurs poftes confécutifs des gens, qui par des lunettes des longue vûë aiant apperçu certains fignaux du pofte précédent, les tranfmiffent au fuivant, & toujours ainfi de fuite; & ces différents fignaux étoient autant de lettres d'un alphabet dont on n'avoit le chiffre qu'à Paris & à Rome. La grande portée des lunettes faifoit la distance des poftes, dont le nombre devoit être le moindre qu'il fut poffible; & comme le fecond pofte faifoit les fignaux au troifiéme à mefure qu'il les voioit faire au prémier, la nouvelle fe trouvoit portée de Paris à Rome prefqu'en auffi peu de temps qu'il en falloit pour faire les fignaux à Paris. Agrippa fe vante auffi de fçavoir [n] une compofition, par laquelle il s'en gendre dans un œuf de poule, une figure femblable à celle d'un homme, qu'elle a des vertus admirables, & qu'elle eft la vraie mandragore.

La magie artificielle, ou mathémagie artifi- tique feroit fort innocente, auffi bien mathéma que la naturelle, fi l'une & l'autre éto

cielle ou

tique.

ient libres & exemtes de toute fuperfti tion. Cette magie eft plus fouvent illufoire que réelle: emploïant les regles

[*] Agripp. philof. occult, liv, 1. ch.36. [x] Rabbi Eliezer, Teraphim ftatuas fuiffe exiftimat, quæ ad certas conftellationes formatæ certis horis refponfa dede

de l'opitique, & la compofition de certains miroirs, qui font paroître des fpectres, des monftres, & toutes fortes de phantomes. On peut raporter à cette efpéce de magie les tours étonnants de ces hommes,qui portent des poids énormes, qui vomiffent des flammes, quife lavent les mains dans du plomb fondu.A la vérité l'artifice de ces derniers paroît plutôt un effet de la magie naturelle, puifqu'on prétend qu'ils le garantissent de la violence du plomb fondu, par la compofition de certaines drogues. Mais ces deux efpéces de magie ont tant de rapport l'une à l'autre,qu'il arrive fouvent de les confondre.

Le Rabbin Eliézer (x) a cru que les Teraphim,dont il est parlé dans la fainte écriture,étoient des ftatuës,qui aïant été fabriquées fous certaines conftellations, pouvoient parler & répondre à certaines heures.

Aben Efra obferve que c'étoit, des images;avec des vifages d'hommes, propres à recevoir les influences des corps céleftes; Kimchi eftime que c'étoit des figures que les Aftrologues faifoient en maniére d'horloges, & dont ils fe fervo ient pour prédire l'avenir; Vorftius, que c'étoit fimplement des inftruments de cuivre, qui marquoient la différence des temps & des heures; Bekker [y] rapporte une opinion bien plus myftérieufe, fuivant laquelle ceux qui pratiquoient l'abominable fuperftition des Téra phia, faifoient mourir le prémier né d'un homme, lui fendoient la tête, & la frotoient avec du fel,& de l'hui le; enfuite ils écrivoient fur une lame d'or le nom d'un efprit impur, & la mettoient fous la langue de cette tête.

re-Joann. Jonfton, thaumatograph.natural. claffi 1. c. 4.

[y] Bekker dans le monde enchanté liv. 3. ch.7.

9. Des ftatua

parlantes

Après cela, l'aïant appliquée contre le mur avec des cierges allumés, ils lui adreffoient leurs priéres & en recevoient les réponses. On a entendu plus généralement par les Téraphim,de petites idoles des faux dieux du païs. C'est l'explication que Jofeph [zlen donne. Il paroît évidemment par le prophéte [] Ezéchiel, que les idolâtres confultoient les Téraphim. Et le prophéte[b]Zacharie témoigne, que les Téraphim ne difoient que des faufsetés.

Guillaume de Paris, Medina [c], Ragufeïus [d], & plufieurs autres ont écrit qu'Albert le grand travailla pendant trente années à faire une ftatuë humaine, obfervant les divers afpects des conftellations, forgeant les yeux, par exemple, fous l'influence la plus directe du foleil, & ainfi la tête, le col, les epaules, les jambes & les cuiffes, fous les conftellations dont ces différentes parties font dominées, & que cet homme ainfi conftruit, révéloit à Albert le grand la folution de toutes les difficultés.

Et pour rendre l'hiftoire complette, on ajoute que cette tête aiant parlé à l'improvifte, & détourné S. Thomas d'Aquin, lorsqu'il étoit fort appliqué à l'étude, il la mit en piéces. Sur quoi Albert lui fit cette répriman. de ironique: Vous nous avez donné une preuve d'un grand pouvoir, en

[z] Jofeph. antiq. liv. 1. c. 19. [a] Ezechiel. c. 21.

[b] Zachar. c. 10. v. 2.

Apud Delrium, difquifit, magicar. lib. 1. c. 4. §. 1.

[d] Ragufeius de divinar. lib. 2. epist. 6. Naudé, • ap. ch. 18.

[e] Naudé, ap. ch. 17.

[f] Iftius modi caput ex ære conflatum ab eruditiffimo Rogero Bacone, est in ore noftratis vulgi, fed non fine injuriâ in illius mathefin quam fummam & a dæmonum præftigiis puram monftrant fa. tis illius opera, quotquot nos legiffe con

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détruifant dans un moment l'ouvrage de trente années.

Roger Bacon, célébre Cordelier Anglois du treizième siècle, passa,dit-on, fept ans à fabriquer une tête d'airain parlante, pour fçavoir d'elle s'il n'y auroit pas quelque moien d'entourer & de fortifier toute l'Angleterre d'un mur ou de quelque autre rempart: mais cette tête rendit une réponse qu'il ne put pas bien entendre, parce que ne croïant pas la recevoir fitôt, il étoit occupé à autre chose. Cette tête d'airain a donné lieu à l'accufation du crime de magie,dont la réputation & la mémoire de ce fçavant religieux ont été chargées, & dont il a été pleinement juftifié par Naudé [e] & par [f] Selden.

Jean François Pic, comte de la Mirandole [g], dit qu'il a lû dans Roger Bacon, qu'un homme pourroit devenir prophéte, & prédire les chofes futures, par le moïen d'un miroir com. pofé fuivant les régles de la perfpective, pourvû qu'il s'en fervit fous une conftellation favorable, & qu'il eût auparavant donné à fon corps la temperature néceffaire par la chimie.

10.

La troifiéme efpéce de magie, est celle qu'Agrippa appelle empoisonneu- gie empoife, qui a été décrite par [b] Théocri- fonneule. te, par Virgile, & [i] par Horace. Moeris lui même, dit Virgile [k], m'a donné ces herbes cueillies dans le

tigit. Selden de diis Syriis, fyntagm.t.c.2. [g]Joann. Francifc. Pic Mirand. de pranet. lib. 2. c. 1. & lib. 7. c. 7.

[b] Théocrite Virgile dans les Eclog. intitulées Pharmaceutries.

[Hor. de Canidiâ. epod. Od. 5.& 17. fat. 8. lib. 1.

[k] Has herbas, atque hæc Ponto mi-
hi lecta venena

Ipfe dedit Maris, nafcuntur plurima
Ponto.

His ego fæpè lupum fieri, & fe condere fylvis Vidi, &c. Virg. Eclog. 8.

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