En cette occasion le roi fut le moins sage; On avait fait des plans, fort beaux sur le papier, Des bâtiments royaux l'ordinaire intendant "Il nous faut ton moulin; que veux-tu qu'on t'en donne ? - Rien du tout; car j'entends ne le vendre à personne. Il vous faut, est fort bon... mon moulin est à moi... Tout aussi bien, au moins, que la Prusse est au roi. Allons, ton dernier mot, bon homme, et prends-y garde. Faut-il vous parler clair ?-Oui.-C'est que je le garde : Voilà mon dernier mot." Ce refus effronté Avec un grand scandale au prince est raconté. Le monarque, à ce mot, revient de son caprice. Le plus sûr est pourtant de ne pas s'y fier: A. CHÉNIER. CHÉNIER (ANDRÉ-MARIE) naquit à Constantinople, le 29 octobre 1762. Admirateur passionné des écrivains de l'ancienne Grèce, il forma son style sur ces divins modèles, et retrouva toute la grâce oubliée des formes antiques. Doué d'un grand courage civil, il osa célébrer Charlotte Corday, flétrir Collot d'Herbois, attaquer Robespierre et partager avec M. de Malesherbes la périlleuse défense de Louis XVI. Arrêté comme suspect, il fut condamné à mort, malgré les efforts que fit pour le sauver Marie-Joseph Chénier son frère. En attendant l'heure du supplice, il composa la pièce suivante qui n'était pas encore terminée lorsque le bourreau vint l'appeler : Comme un dernier rayon, comme un dernier zéphire Anime la fin d'un beau jour, Au pied de l'échafaud j'essaie encor ma lyre. Peut-être est-ce bientôt mon tour; Peut-être, avant que l'heure, en cercle promenée, Dans les soixante pas où sa route est bornée, Le sommeil du tombeau pressera mes paupières; Ce vers, que je commence, ait atteint la dernière, Le messager de mort, noir recruteur des ombres, Remplira de mon nom ces longs corridors sombres... Il cherchait le vers suivant quand la voix du commissaire fit en effet retentir le nom de Chénier sous les voûtes de la prison. André Chénier vit placer à côté de lui sur la fatale charrette son ami le poète Roucher. Ils périrent presque au même instant le 25 juillet 1794. LA JEUNE CAPTIVE. L'épi naissant mûrit, de la faux respecté ; Et moi, comme lui belle, et jeune comme lui, Qu'un stoïque aux yeux secs vole embrasser la mort, S'il est des jours amers, il en est de si doux ! L'illusion féconde habite dans mon sein; Échappée aux réseaux de l'oiseleur cruel, Est-ce à moi de mourir! Tranquille je m'endors, Ma bien-venue au jour me rit dans tous les yeux; Mon beau voyage encore est si loin de sa fin! Au banquet de la vie à peine commencé Je ne suis qu'au printemps, je veux voir la moisson, Brillante sur ma tige, et l'honneur du jardin, O Mort! tu peux attendre; éloigne, éloigne-toi ; Le pâle désespoir dévore. Pour moi Palès encore a des asiles verts, Ainsi, triste et captif, ma lyre, toutefois, Et secouant le joug de mes jours languissants, Ces chants, de ma prison témoins harmonieux, La grâce décorait son front et ses discours, (Odes.) M.-J. CHÉNIER. CHENIER (MARIE-JOSEPH) né à Constantinople, le 28 août 1764 a débuté, à l'âge de vingt-deux ans, au théâtre par la tragédie de Charles IX, que suivirent Henri VIII, la Mort de Calas, Caius Gracchus, Timoléon, Fénelon. Philippe II, et Tibère, son chef-d'œuvre. Tous ces ouvrages obtinrent de beaux et légitimes succès. Héritier d'une partie des talents de Voltaire au théâtre, Chénier se montra dans la satire le rival de Boileau. Les Discours sur la Satire et sur l'Intérêt personnel, l'Epître à Voltaire, sont des compositions aussi remarquables par l'élévation des pensées, que par l'énergie et la netteté de l'expression. Peu d'écrivains ont fait servir plus heureusement que Chénier la poésie au triomphe du raisonnement. Quant à l'art de stygmatiser les travers et de faire justice du ridicule au moyen d'une mordante et spirituelle ironie, personne depuis Voltaire ne l'avait encore possédé à un aussi haut degré que lui. Chénier mourut le 10 janvier 1811. Depuis 1793 il était membre de l'Académie française. RÈGNE DE TIBÈRE. Quand sous le crime heureux tout languit abattu, Et dont la gloire offense, à Rome ou dans l'armée, Les délateurs, vendant leurs voix et leurs écrits, A leurs mânes sanglants fut enfin réunie. |