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memoire, leur refifta toujours avec fermeté: Il leur dit, qu'il ne pouvoit ny ne devoit approuver une diftinction fi odieufe qu'ils. vouloient faire entre luy & moy, que. la préference qu'ils donnoient à fon Difcours avec cette affectation & cet empreffement qu'ils luy marquoient, bien loin de l'obliger, comme ils pouvoient le croire, luy faifoit au contraire une veritable peine; que deux Difcours également innocens prononcez dans le même jour devoient être imprimez dans le même temps: Il s'expliqua enfuite obligeamment en public & en particulier fur le violent chagrin qu'il ref Sentoit de ce que les deux Auteurs de la Gazette que j'ay citez avoient fait fervir les louanges qu'il leur avoit plû de luy donner, à un deffein formé de médire de moy, de mon Difcours & de mes Caracteres; & il me fit fur cette fatyre injurieufe des explications & des excufes qu'il ne me devoit point. Si donc on vouloit inferer de cette conduite des Theobaldes, qu'ils ont crû fauffement avoir befoin de comparaifons & d'une Harangue fole & décriée pour relever celle de mon Collegue, ils doivent répondre pour fe laver de ce Joupçon qui les deshonore, qu'ils ne font ny courtisans ny dévouez à la faveur, ny intereffez ny adulateurs; qu'au contraire ils font finceres, & qu'ils ont dit naivement ce qu'ils penfoient du plan, duftile & des expreffions de mon Remerciement & Academie Françoife,

mais on ne manquera pas d'infifter & de leur dire que le jugement de la Cour & de la Ville des Grands & du peuple luy a été favorable; qu'importe, ils repliqueront avec conftance que le public a fon gout, & qu'ils ont le leur réponse qui me ferme la bouche &quitermine tout differend; ileft vray qu'elle m'éloigne de plus en plus de vouloir leur plaire par aucun de mes écrits; car fij'ay un peu de fanté avec quelques années de vie, je n'auray plus d'autre ambition que celle de rendre par des foins affidus & par de bons confeils mes ouvrages tels, qu'ils puiffent toujours partager les Theobaldés & le pu

blic.

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Il feroit difficile d'avoir l'honneur de fe trouver au milieu de vous, d'avoir devant les yeux l'Academie Françoife, d'avoir lû l'histoire de fon établiffement, fans penfer d'abord à celui à qui elle en eft redevable, & fans fe perfuader qu'il n'y a rien de plus naturel, & qui doive moins vous déplaire, que d'entamer ce tiffu de louanges qu'exigent le devoir & la coûtume, par quelques traits où ce grand Cardinal foit reconnoiffable, & qui en renouvellent la memoire.

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Ce n'eft point un perfonnage qu'il foit facile de rendre ny d'exprimer par de belles paroles, ou par de riches figures, par ces difcours moins faits pour relever le méri te de celui que l'on veut peindre, que pour montrer tout le feu & toute la vivacité de l'Orateur. Suivez le Regne de Louis le Jufte, c'eft la vie du Cardinal de Richelieu, c'eft fon éloge, & celui du Prin ce qui l'a mis en œuvie: Que pourrois-je ajoûter à des faits encore recens & fi memorables? Ouvrez fon Teftament politique digerez cet ouvrage, c'eft la peinture de fon efprit, fon ame toute entiere fy developpe; l'on y découvre le fecret de fa conduite & de fes actions, l'on y trouve la fource & la vrayfemblance de tant & defi grands évenemens qui ont parû fous fon administration; l'on y voit fans peine qu'un homme qui penfe.fi virilement & fi jufte, a pû agir fûrement & avec fuccés, & que celui qui a achevé de figrandes chofes, ou n'a jamais écrit, ou a dû écrire comme il a fait.

Genie fort & fuperieur il a fçeû tout le fond & tout le mystére du gouvernement; il a connu le beau & le fublime du miniftere; il a refpecté l'Etranger, ménagé les Couronnes, connu le poids de leur alliance; ila oppofé des Alliez à des Ennemis; ila veillé aux interêts du dehors, à ceux du dedans, il n'a oublié que

les fiens; une vie laborieufe & languiffante, fouvent expolée, a été le prix d'une fi haute vertu; dépolitaire des trefors de fon Maître, comblé de fes bienfaits, ordonnateur, difpenfateur de fes Finances,on ne fçauroit dire qu'il eft mort riche.

Le croiroit-on, Meffieurs, cette ame ferieufe, & auftere, formidable aux Ennemis de l'Etat, inexorable aux factieux plongée dans la negociation, occupée tantôt à affoiblir le parti de l'herefie, tantôt à déconcerter une ligue, & tantôt à méditer ne conquête, a trouvé le loifir d'être fçavante, a goûté les belles lettres & ceux qui en faifoient profeffion. Comparez-vous, fi vous l'ofez, au grand Richelieu, Hommes dévouez à la fortune, qui par le fuccés de vos affaires particulieres, vous jugez dignes que l'on vous confie les affaires publiques! qui vous donnez pour des genies heureux & pour de bonnes têtes, qui dites que vous ne fçavez rien, que vous n'avez jamais lû, que vous ne lirez point, ou pour marquer l'inutilité des fciences,

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pour paroître ne devoir rien aux autres, mais puifer tout de vôtre fonds; apprenez que le Cardinal de Richelieu a fçû, qu'il a lu; jene dis pas qu'il n'a point eu d'éloignement pour les gens de lettres, mais qu'il les a aimez, careffez, favorifez; qu'il leur a ménagé des privileges, qu'il leur deftinoit des pensions, qu'il lesa réunis à une

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