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toute fon Armée, & il inveftit en quelque forte toute la montagne de Thabor. Ce fut alors que Débora livrée aux tranfports Prophétiques commanda à Barac de fondre fur cette Armée, & lui promit qu'il la défairoit entierement. L'événement juftifia fa promeffe. Barac fit un carnage Général dans l'Armée de Sizera, & la paffa au fil de l'épée. Mais il paroit par ces paroles du Cantique de Débora, dont nous ferons la Paraphrafe, qu'il y eût des circonstances miraculeufes dans la défaite de Sizera: Les Cieux Jug.. méme, les Etoiles des Cieux ont combattu contre

Sizera. Quelques-uns ont crû que par ces Etoiles il falloit entendre les Anges, qui portent quelquefois ce nom. 16 Jofephe a pris ces expreffions dans un autre fens, & il a avancé qu'une pluie mêlée de gréle avoit aveuglé les Cananéens, & repouffé leurs dards contre euxmêmes. Les Rabbins ont dit avec moins de vraisemblance; que les Etoiles embrasées confumoient les ennemis, ou les obligeoient de chercher à fe rafraichir dans le Torrent de Kifchon.

Sizera, qui étoit doué de la qualité qu'Homére donne fi fouvent à un de fes Héros, s'enfuit à pied dans la tente de Jahel femme de Héber Kénien, où il périt d'une mort tragique. Mais pour expliquer cette circonstance il eft néceffaire que nous faffions ici une courte digreffion, & que nous recherchions qu'elle fut la condition de la poftérité de Hobab, dont Héber étoit defcendu.

Nous avons déjà fait 7 ailleurs quelques re-
cherches

16 JOSEPH. Antiq. lib. III. cap. 5. pag. 203.
17 Dans notre II. vol. Difc. XLIV. pag. 18.

Verf. 20.

cherches touchant les noms & les qualitez de Exod. ce Beau-Père de Moyfe, qui porte auffi XVIII.1. quelquefois le nom de Jéthro. Il eft raconté dans le Chap. IV. du Livre de l'Exode, que Moyfe, après avoir reçû du Ciel la commiffion d'aller arracher les Ifraëlites à la tyrannie de Pharao, partit de Madian avec la fille de Jéthro qu'il avoit épousée, & avec fes fils, & qu'il alla en Egypte. Cette femme s'en retourna au païs de Madian : le temps de fon retour n'est pas marqué. Mais nous lifons dans le Chap.. XVIII. de ce même Livre de l'Exode, qu'après que les Ifraëlites eurent paffé la Mer Rouge, Jéthro aiant entendu tout ce que Dieu avoit fait en faveur de Moyfe & du peuple d'Ifraël, prit Sephora femme de ce Législateur & fes deux fils, après que Moyfe l'eut renvoyée, & Exod. vint le voir dans le Defert, où ils fe donnérent XVIII.2 des marques reciproques de tendreffe. Il eft ajoûté fur la fin du même Chapitre, que Jéthro s'en retourna au païs de Madian. Nous ne trouvons pas depuis cette époque, que les Verf. 27. defcendans de Jethro ayent fait corps avec les Ifraëlites, Mais eft parlé dans le Chap. 1. du Livre des Juges des defcendans d'un Kénien Beau Père de Moyfe, qui étoit monté de la ville des Palmes avec les enfans de Juda, dans le Defert de Juda: il eft dit auffi dans l'hiftoire de la mort de Sizera, qu'un Héber Kénien venu des enfans de Hobab Beau-Père de Moyfe, s'étant féparé de Kain, avoit tendu fes tentes juf- Juges ques au Chêne Tfahanajim, qui eft près de Kèdès. IV. II. Sur tous ces paffages combinez nous

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nous

croyons

Voi. PATRIC fur Exode XVIII. 2. SELDEN. Uxor Heb. pag. 629.

Verf. 16.

croyons fondez à faire quelques fuppofitions touchant la postérité de Jéthro.

I. Nous fuppofons, que parmi les descen dans de ce Madianite il y avoit une famille, dont le Chef s'appelloit Kain, & qui s'étoit établie par des raifons & dans une circonftance, que l'Hiftoire ne marque point, dans les plaines de Jérico, & enfuite dans le Defert de Juda, c'eft-à-dire, dans les parties les plus méridionales du païs échu à cette Tribu.

II. Nous fuppofons que de ce Kain vient le nom de Kénien qui fut donné à tous fes defcendans : & nous ne croyons pas avoir befoin de l'hypothéfe d'un 18 célébre Interprète, qui prétend que ces Kéniens furent ainfi nommez, parce qu'un homme de la nation des Kéniens, de laquelle Balaam parle dans fes Oracles, & qui felon les promeffes faites à Abraham devoit être foûmife un jour aux defcendans de ce Patriarche, avoit épousé une fille de la famille du Beau-Père de Moyfe.

III. Nous fuppofons que parmi les defcendans de Kain il y avoit une famille confiderable, dont le Chef s'appelloit Héber, & qui aiant quitté, fans que nous fachions par quels motifs, le Defert de Juda, où habitoit fa nation, s'étoit tranfportée dans un lieu près de Kedès, nommé Tfahanajim, où il y avoit un chêne, ou plûtôt une forêt de chênes. 19 Quelques Vifionnaires ont dit, que la famille d'Héber s'étoit ainfi féparée du refte des Kéniens, pour jetter

18 ABARBANEL Mifchmiah Jefchouha pag. 24. 19 C'eft BOLDUCIUS qui a eu cette pensée. Voi. SALIAN. Annal, in ann. 2741. pag. 408. fub finem.

Non pas de celui, qui fe retira le premier pour ha

jetter les fondemens de la vie Monaftique. IV. Enfin nous fuppofons que ces Kéniens," qui probablement étoit Profelytes, & dont l'on affirme peut-être témérairement qu'étoit defcendu Jonadab Chef des Rechabites, avoient une Alliance étroite avec les enfans d'Ifraël : que cependant Héber & fa famille observoient une exacte neutralité dans la Guerre, que les Cananéens avoient livrée à ce peuple, & étoit unie aux uns & aux autres.

Toutes ces chofes étant ainfi établies, voici quelle fut la tragique fin de Sizera. Il s'enfuit, & crût peut-être qu'à la faveur des chênes de Tfahanajim il pourroit fe dérober aux pourfuites des Ifraëlites, & fe couvrir fous l'épaiffeur des arbres de cette Forêt. Mais aiant rencontré la tente de Jahel femme * d'Héber, Allié des Cananéens, il crut ne pouvoir pas trouver de retraite plus fûre: il accepta l'offre qu'elle lui fit de le recevoir, & il ajoûta foi aux promesfes, par lefquelles elle s'engagea de ne pas le livrer à fes ennemis. Sizera pria Jahel de lui donner à boire. Elle lui préfenta la liqueur qui étoit le plus à fa portée, c'étoit du lait. Cette circonftance femble affez naturelle. Il ne paroit pas que Jahel fit attention, ainfi que l'ont penfé quelques Juifs, à la qualité foporifique, que les Naturaliftes attribuent au lait. On ne fauroit, ce me femble, non plus en conclurre que Jahel étoit Rechabite, que le vin lui étoit interdit, & que ce fut la raifon pour laquelle

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biter dans ce lieu-là: il auroit eu 167: ans felon le cal-, cul de quelques Chronologiftes, mais d'un de ses defcendans.

20 SALOM. JARCHI in Jof. IV. pag. 6. & Talmud tractatus Nidda fol. 55.

quelle elle donna du lait à Sizera, au lieu de quelque liqueur plus propre à le fortifier. Elle le fit coucher enfuite fous une couverture, ou, comme l'a entendu le Paraphrafte Chaldaïque, fous un linceul, ce qu'il importe peu de déterminer.

Sizera épuifé par le chemin qu'il avoit fait, & par les travaux qu'il avoit effuyez dans la bataille, s'abandonna à un profond fommeil après avoir inftamment prié Jahel de ne le point décéler.

Jahel fe prévalut avec avidité de l'occafion, qui lui étoit offerte, d'ôter la vie au Ministre des concuffions & des tyrannies de Jabin. Comme les femmes avoient alors leur tente à part, il n'y avoit point d'armes offenfives dans celle qu'elle occupoit. Son zéle & fon industrie lui en fournirent. Elle fe faifit d'un des pieux qui fervoient à tendre les tentes : elle l'enfonça dans la tête de Sizera. Le pieu, après avoir traversé les temples de ce Général, perça la terre même, fur laquelle il dormoit avec tant de confiance.

Dans ce temps-là arriva Barac, qui croyoit fa victoire imparfaite, tandis qu'il n'étoit pas maitre du Commandant de l'Armée, après avoir défait l'Armée même. Jahel l'appella, & lui montra Sizera expiré.

Il y a dans l'histoire de la mort tragique de Sizera une difficulté de plus que dans celle d'Héglon. Le pouvoir fupréme de Dieu fur

la

*Il y a une obfervation à faire fur ce fujet, quand on allégue le témoignage des Auteurs profanes. C'eft que par l'Hofpitalité ils n'entendent pas toujours cette vertu générale, qui oblige un homme de bien à recueillir un Etranger, & à le proteger après l'avoir re

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