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DORANTE.

Comment, Madame, pour qui prenez-vous Monur Jourdain?

M. JOURDAIN.

Je voudrois bien qu'elle me prit pour ce que je di

15.

Encore?

DORIM.E NE..

DORANTE.

Vous ne le connoiffez pas.

M. JOURDAIN

Elle me connoîtra quand il luy plaira,

DORIMENE.

Ohje le quitte.

DORANTE.

left homme qui a toûjours la ripofte en main. tais vous ne voyez pas que Monfieur Jourdain. ladame, mange tous les morceaux que vous avez

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uchez.

DORIMENE.

Monfieur Jourdain eft un homme qui me ravit.
M. JOURDAIN.

Si je pouvois ravir vôtre cœur, je ferois....

SCENE II.

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MADAME JOURDAIN, MONSIEUR JOURDAIN, DORIMENE, DORANTE, MUSICIENS, MUSICIENNE,

LAQUAIS,

Me. JOURDAIN.

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AH, ah, je trouve ici bonne compagnie, & je voy bien qu'on ne m'y attendoit pas C'est donc pour cette belle affaire-ci, Monfieur mon Mary,que vous avez cu tant d'empreffement à m'envoyer diner chez ma Soeur? Je viens de voir un theatre là-bas & je vois ici un banquet à faire nôces. Voilà comme Vous dépensez votre bien, & c'eft ainfi que vous feAtinez les Dames en mon absence, & que vous leur donnez la Mufique & la Comédie, tandis que vous m'envoyez promener.

DOO

DORANT E.

Que voulez-vous dire, Madame Jourdain & quelles fantailies font les vôtres, de vous aller mettre en tête que vôtre mari dépense fon bien, & que c'eft luy qui donne ce régale à Madame? Apprenez que c'eft moy, je vous prie; qu'il ne fait feulement que me prêter fa maison, & que vous devriez un peu mieux regarder aux chofes que vous dites.

M. JOURDAIN.

Ouy, impertinente, c'eft Monfieur le Comte qui donne tout ceci à Madame, qui eft une perfonne de qualité. Il me fait l'honneur de prendre ma maison, & de vouloir que je fois avec luy.

Me. JOURDAIN.

Ce font des chanfons que cela; je sçay ce que je fçay.

DORANTE.

Prenez, Madame Jourdain, prenez de meilleures lunettes.

Me. JOURDAIN.

Te n'ay que faire de lunettes, Monfieur, & je vois affez clair; il y a long temps que je fens les chofes, & je ne fuis pas une bête. Cela eft fort vilain à vous pour un grand Seigneur, de prêter la main comme vous faites aux fottifes de mon mary. Et vous, Madame, pour une grande Dame, cela n'eft ny beau, ny honnête à vous, de mettre de la diffention dans un ménage, & de fouffrir que mon mary foit amoureux

de vous.

DORIMENE.

Que veut donc dire tout ceci? Allez,Dorante, vous vous moquez, de m'expofer aux fottes vifions de cette extravagante.

DORANT E.

Madame, hola Madame, où courez vous ?
M. JOURDAIN.

Madame. Monfieur le Comte, faites-luy mes excu

fes, & tâchez de la ramener.

Ah,

impertinente que vous etes, voilà de vos beaux faits; vous me venez faire des affronts devant tout le monde, & vous chassez de chez moy des personnes de quali

τέ.

Me.

Me.

JOURDAIN.

Je me moque de leur qualité.

M. JOURDAIN.

Jene fçay qui me tient, maudite, que je ne vous de latête avec les piéces du repas que vous étes que troubler. On otela table.

Me. JOURDAIN, fortant.

Je me moque de cela. Ce font mes droits que je ens, & j'auray pour moy toutes les femmes. M. JOURDAIN,

Vous faites bien d'éviter ma colére. Elle eft arrie là bien malheureusement. J'étois en humeur de re de jolies chofes, & jamais je ne m'étois fenti at d'efprit. Qu'est-ce que c'eft que cela ?

SCENE III.

COVIELLE déguifé, MONSIEUR
JOURDAIN, LAQUAIS,

COVIELLE.

Onfieur, je ne fçay pas fi j'ay l'honneur d'être

connu de vous.

M. JOURDAIN,

Non, Monfieur.

COVIELLE.

Je vous ay veu que vous n'étiez pas plus grand Jue cela.

Moy?

M. JOURDAIN,

COVIELLE.

Ouy, vous étiez le plus bel Enfant du monde, & foutes les Dames vous prenoient dans leurs bras pour vous baifer.

M.

JOURDA IN.

Pour me baifer?

COVIELLE.

Ouy. J'étois grand amy de feu Monfieur vôtre

Pere."

M. JOURDAIN,

De feu Monfieur mon Pere?

COVIELLE.

Ouy. C'étoit un fort honnête Gentilhomme.

M.

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M. JOURDAI N..

Et vous l'avez connu pour Gentilhomme?
COVIELLE.

Sans doute.

M. JOURDAIN.
Je ne fçay donc pas comment le monde est fait.
COVIEL L E.

Comment?

M. JOURDAIN..

Il y a de fottes gens qui me veulent dire qu'il a été Marchand.

COVIEL L E.

Luy Marchand! C'eft pure médifance, il ne l'a jamais été. Tout ce qu'il faifoit, c'eft qu'il étoit fört obligeant, fort officieux; & comme il fe con: noiffoit fort bien en étoffes, il en alloit choisir de tous les côtez, les faifoit apporter chez luy, &en donnoit à fes amis pour de l'argent.

M. JOURDAIN.

Je fuis ravi de vous connoître, afin que vous rendiez ce témoignage-là que mon Pere étoit Gentile homme.

COVIELLE.

Je le foûtiendray devant tout le monde.
M. JOURDAIN.

Vous m'obligerez. Quel fujet vous ameine?
COVIELLE.

Depuis avoir connu feu Monfieur vôtre Pere honnête Gentilhomme, comme je vous ay dit, j'ay voyagé par tout le monde.

M. JOUR

M. JOURDAIN.

Tar tout le monde!

Ouy.

COVIELL E.

M. JOURDAIN.

Je pense qu'il y a bien loin en ce Païs-là.

COVIEL, L E.

Affûrément. Je ne fuis revenu de tous mes longs yages que depuis quatre jours; & par l'intérêt que prens à tout ce qui vous touche, je viens vous anOncer la meilleure nouvelle du monde.

Quelle?

M. JOURDA I N.

COVLELLE.

Vous fçavez que le Fils du grand Turc eft ici
M. JOURDAIN.

Moy? non.

COVIELLE.

Comment? Il a un train tout-à-fait magnifique, but le monde le va voir, & il a été receu en ce Païs omme un Seigneur d'importance.

M. JOURDAIN.

Parma foy, je ne fçavois pas cela.

COVIELLE.

Ce qu'il y a d'avantageux pour vous,

ft amoureux de vôtre Fille.

M. JOURDAIN..

Le Fils du grand Turc?

COVIELLE.

Ouy, & il veut être vôtre gendre.

Mr. JOURDAIN.

Mon gendre, le Fils du grand Turc?

COVIELLE.

c'eft qu'il

Le Fils du grand Turc vôtre gendre. Comme je le fus voir, & que j'entens parfaitement fa langue, il s'entretint avec moy; & aprés quelques autres. difcours, il me dit. Acciam croc filer onch alla mouftaph gidclum amanahem varahini ouffere carbulath. C'est-à-dire; n'as tu point veu une jeune belle Perfonne, qui eft la Fille de Monfieur Jourdain, Genhomme Parifien?

M. JOURDAIN.
Le Fils du grand Turc dit cela de moy?

CO..

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