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écrit page 56 de la Méthode; et j'ai déduit très particulièrement en mon Monde, comment tous les organes qui sont requis pour faire toutes ces actions en automates se trouvent dans le corps des animaux.

Je viens à l'autre paquet, où étoit la thèse des pères jésuites, avec la lettre du médecin ', que j'ai cru vous devoir renvoyer, pourcequ'elle semble n'être qu'une partie d'un plus long discours. Je crois que M. de Martigny vous aura fait voir ce que j'écris au recteur des jésuites à l'occasion de ces thèses; car vous ne m'en aviez point nommé l'auteur, et j'ai été bien aise de l'ignorer, pour avoir plus d'occasion de m'adresser au corps.

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Les histoires de la soie qui croît au front d'une fille, et l'épine qui fleurit sur le corps d'un Espagnol, méritent bien qu'on s'en enquière fort particulièrement; et pour la soie, je ne puis croire que ce soit de la vraie soie qui croisse, mais, ou une excroissance de chair qui, sortant par le trou de la cicatrice où la soie a été, en représente aucunement la figure, ou peut-être du poil qui sort de ce trou, ce qu'on peut aisément juger à l'œil. Mais pourceque vous dites qu'on ne sauroit expliquer ce phénomène, en ne mettant point d'autre principe de vie dans les animaux que la chaleur, il me semble au contraire qu'on le peut bien mieux

I «< De Sens. »

expliquer ainsi qu'autrement; car la chaleur étant un principe commun pour les animaux, les plantes et les autres corps, ce n'est pas merveille qu'ellemême serve à faire vivre un homme et une plante, au lieu que s'il falloit quelque principe de vie dans les plantes qui ne fût pas de même espèce que celui qui est dans les animaux, ces principes ne pourroient pas si bien compatir ensemble,

Pour la lettre du médecin De Sens, elle ne contient aucune raison pour impugner ce que j'ai écrit de la glande nommée conarium, sinon qu'il dit qu'elle peut être altérée comme tout le cerveau, ce qui n'empêche point qu'elle ne puisse être le principal siégé de l'âme, car il est certain que l'âme doit être jointe à quelque partie du corps; et il n'y en a point qui ne soit autant ou plus sujette à altération que cette glande, qui, bien que fort petite et fort molle, toutefois, à cause de sa situation, est si bien gardée, qu'elle ne peut quasi être sujette à aucune maladie, non plus que l'humeur cristalline de l'œil; et il arrive bien plus souvent que des personnes deviennent troublées d'esprit sans qu'on en sache la cause, auquel cas on la peut attribuer à quelque maladie de cette glande, qu'il n'arrive que la vue manque par quelque défaut de cette humeur cristalline, outre que toutes les altérations qui arrivent à l'esprit, comme lorsqu'on dort après qu'on a bu, etc., peuvent être

attribuées à quelques altérations qui arrivent en cette glande.

Pour ce qu'il dit que l'âme se peut servir des parties doubles, je lui accorde, et qu'elle se sert aussi des esprits qui ne peuvent pas résider tous en cette glande; car je n'imagine point que l'âme soit tellement comprise en elle, qu'elle n'étende ailleurs ses actions; mais c'est autre chose se servir, et être immédiatement jointe et unie; et notre âme n'étant point double, mais une et indivisible, il me semble que la partie du corps à laquelle elle est le plus immédiatement unie doit aussi être une et non divisée en deux semblables et je n'en trouve point de telle en tout le cerveau que cette glande : car pour le cerebellum, il n'est un que superficie et nomine tenus; et il est certain que même son processus vermiformis, qui semble le mieux n'être qu'un corps, est divisible en deux moitiés, et que la moelle de l'épine du dos est composée de quatre parties, dont les deux viennent des deux moitiés du cerveau, et les deux autres des deux moitiés du cerebellum, et le septum lucidum, qui sépare les deux ventricules antérieurs, est aussi double.

Pour l'esprit fixe qu'il veut introduire, c'est une chose qui ne me semble pas plus intelligible que s'il parloit d'une lumière ténébreuse ou d'une liqueur dure; et j'admire que des personnes de bon

esprit, en cherchant quelque chose de probable, préfèrent des imaginations confuses et impossibles, à des pensées plus intelligibles, et sinon vraies, au moins possibles et probables; mais c'est l'usage de l'école qui lui ensorcelle les yeux.

Je ne trouve rien en sa lettre touchant les cercles de l'eau dont vous m'écrivez; mais il est certain que ces cercles se font beaucoup plus facilement et plus subtilement ', et autrement en la superficie de l'eau qu'ils ne se font au dedans : car en la superficie ils se font à cause que, lorsque la pierre entre dans l'eau, cette eau se hausse un peu autour d'elle, puis à cause qu'elle est plus pesante que l'air qui la touche elle redescend, partie dans le trou qu'a fait la pierre, et partie de l'autre côté: or, celle-ci poussant d'autre eau un peu plus loin tout autour, la fait hausser en un plus grand cercle, et l'eau de ce cercle se rabaissant en cause un autre plus grand, et ainsi ce cercle s'accroît successivement. De plus, l'eau qui rentre tout-à-coup dans le trou qu'a fait la pierre, s'y hausse derechef un peu plus que le niveau de l'eau, et en redescendant commence derechef un second cercle, et ainsi il s'en fait plusieurs qui s'entre-suivent, ce qui n'arrive point dans le fond de l'eau ni dans le milieu de l'air; mais il s'y fait d'autres cercles, principalement dans l'air, par la condensation et raré

I « Sensiblement,

faction, et ce sont ces cercles qui causent le son : car lorsqu'un corps se meut un peu vite dans l'eau ou dans l'air, la partie de cet air dont il prend la place, ne peut lui céder si promptement qu'elle ne se condense quelque peu; puis aussitôt après s'être condensée elle se dilate derechef, et presse l'autre air qui est un peu plus loin tout autour en forme de cercle, lequel derechef se dilatant en presse d'autre, et ainsi de suite; et un corps n'a pas besoin de se mouvoir guère loin, mais seulement de se mouvoir fort vite, et il ne faut que tant soit peu d'air pour causer de tels cercles; d'où il est aisé à entendre pourquoi le son ne fait point sensiblement mouvoir la flamme d'une chandelle, et pourquoi plusieurs mouvements de grands corps qui ne pressent pas l'air, ni ne sont fort vites, ne causent point de son, et plusieurs sons ou cercles peuvent être ensemble, à cause qu'un même corps est capable de plusieurs mouvements en même temps ; mais néanmoins ils ne sont pas si distincts, comme aussi l'expérience le montre. Je n'ai pas encore fait imprimer mes cinq ou six feuilles de métaphysique, quoiqu'elles soient prêtes il y a long-temps; et ce qui m'en a empêché est que je ne désire point qu'elles tombent entre les mains des ministres, ni dorénavant en celles des PP. NN.' (avec lesquels je prévois que je vais entrer en guerre),

I Jésuites. >>

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