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Mais qui n'eftant vétu que de fimple bureau,
Paffe-l'été fans linge, & l'hyver fans manteau :
$ Et de qui le corps fec, & la mine affamée,
N'en font pas mieux refaits pour tant de renommée :
Las de perdre en rimant & fa peine & fon bien,
D'emprunter en tous lieux, & de ne gagner rien,
Sans habits, fans argent, ne fçachant plus que faire,
to Vient de s'enfuir chargé de fa feule mifere;

Et bien loin des Sergens, des Clercs, & du Palais
Va chercher un repos qu'il ne trouva jamais :
Sans attendre qu'ici la Justice ennemie
L'enferme en un cachot le refte de fa vie;

REMARQUES.

de M. de Thou que Du Ryer avoit laiffés à traduire. Il a fait auffi les Parallèles hiftoriques. Sa Traduction de la Rhétorique d'Ariflote eft fort eftimée, & M. Def. préaux pour engager le Libraire à faire quelque gratification à Al'Auteur, en parla très avantageufement à la fin de la Préface fur le Sublime de Longin, dans l'Edition de 1674.

VERS 4. Paffe Peté fans linge, & hyver Jans manteau; ] Quoique Caffandre,fous le nom de Damon,

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foit le Héros de cette Satire l'Auteur n'a pas laillé de charger ce caractère de plufieurs traits, qu'il a empruntés d'autres Originaux. Ainfi c'eft Triftan

Hermite, un des premiers Académiciens François, qu'il avoit en vue dans ce Vers, & non pas Caffandre; car celui-ci portoit un manteau en tout tems & l'autre n'en avoit point du tout témoin cette Epigramme de M. De Montmor, Maître des Requê tes:

Elie, ainfi qu'il eft écrit,

De fon Manteau comme de fon Efprit
Récompenfa fon Serviteur fidèle.
Triflan eût fuivi ce modèle ;
Mais Tristan, qu'on mit au tombean
Plus pauvre que n'eft un Prophète
En laiffant à Quinaut fon efprit de Poëte,
Ne put lui laiffer un Manteau.

CHANGEMENT. Vers 10. Vient Editions, il
de s'enfuir.] Dans les premières enfui.

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avoit s'en af

15 Ou que d'un bonnet vert le falutaire affront

Flétriffe les lauriers qui lui couvrent le front.

Mais le jour qu'il partit, plus défait & plus blême
Que n'eft un Pénitent fur la fin d'un Carême,
La colere dans l'ame, & le feu dans les yeux,
20 Il distila fa rage en ces triftes adieux.

Puifqu'en ce lieu, jadis aux Muses fi commode,
Le merite & l'efprit ne font plus à la mode,
Qu'un Poëte, dit-il, s'y voit maudit de Dieu,
Et qu'ici la Vertu n'a plus ni feu ni lieu ;

REMARQUES.

VERS 15. Ou que d'un bonnet vert le falutaire affront.] Du temps que cette Satire fut faite un débiteur infolvable pouvoit for tir de prifon en faifant Ceffion, c'eft-à-dire, en fouffrant qu'on lui mift en pleine rue un bonnet vert fur la tefte, DES P.

La Ceffion de biens, eft l'abandonnement qu'un débiteur fait de tous fes biens à fes créanciers, pour éviter la prifon, ou pour en fortir, Le bénéfice de la Ceffion fut introduit chez les Romains par la Loi Julia, pour tempérer la rigueur de la Loi des douxe Tables qui rendoit les créanciers maîtres de la liberté, & de la vie même de leurs débiteurs. Les Ceffions de biens devinrent fi fréquentes, que l'on crût devoir en arrêter la trop grande facilité par la crainte de la honte publique ; & l'on s'a

vifa en quelques endroits d'Italie d'obliger tout Ceffionaire de biens à porter un bonnet ou chapeau orangé; & à Rome, un bonnet vert : pour marquer, dit Palquier, dans fes Recherches, liv. IV. c. 1o. que celui qui fait Ceffion de biens eft devenu pauvre par fa folie. Cette peine ne s'eft introduite en France que depuis la fin du feiziéme fiècle, fuivant les Arrêts rapportés par nos Jurifconfultes; mais elle eft comme abolie depuis quelque tems parmi nous.

M. Defpréaux avouoit,dit une Note de l'Edition de Paris 1740. que c'êtoit un Poëte inconnu, qui lui avoit fourni l'idée de ces deux Vers. Ce Poëte inconnu eft Morin, qui dans fes Stances fur un Mari jaloux, dit, en parlant de Céfar.

Sur fon front couronné par les mains de la Gloire,
A l'envi des lauriers, &c.

IMIT. Vers 21. Puifqu'en ce lièrement que commence l'imibien jadis, &c.] C'eft ici particu- tation de Juvénal,Sat. III. V. 21. quando artibus, inquit, boneflis

Nullus in Urbe, locus, nulla emolumenta laborum ; &c.

25 Allons du moins chercher quelque antre ou quelque roche,
D'où jamais ni l'Huiffier, ni le Sergent n'approche;
Et fans laffer le Ciel par des vœux impuiffans,
Mettons-nous à l'abri des injures du temps.
Tandis que libre encor, malgré les destinées,

30 Mon

corps n'eft point courbé fous le faix des années,
Qu'on ne voit point mes pas fous l'âge chanceler,
Et qu'il refte à la Parque encor de quoi filer.

C'eft là dans mon malheur le feul confeil à fuivre.
Que George vive ici, puifque George y fçait vivre
35 Qu'un million comptant, par fes fourbes acquis,
De Clerc, jadis Laquais, a fait Comte & Marquis.
Que Jacquin vive ici, dont l'adresse funefte
A plus caufé de maux que la guerre
& la pefte,
Qui de fes revenus écrits par alphabet,

40 Peut fournir aisément un Calepin complet.

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Qu'il regne dans ces lieux ; il a droit de s'y plaire.
Mais moi, vivre à Paris! Eh, qu'y voudrois-je faire ?

IMIT. que libre encor

REMARQUES.

Vers 29.

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Tandis nées, &c. ] Juvénal au même en

malgré les defti- droit:

Dùm nova canities, dùm prima & recta fenectus,
Dum fupereft Lachefi quod torqueat, & pedibus me
Porto meis; nullo dextram fubeunte bacillo.

VERS 34. Que George vive ici, &c. Vers 37. Que Jacquin, &c.] Sous ces noms-là l'Auteur dé

figne les Partifans en général.

IMIT.Ibid. Que George vive ici, &c.] Juvénal au même endroit a -Vivant Arturius illic,

Et Catulus: maneant qui nigra in candida vertunt.
VERS 40. Un Calepin complet.]
Le Dictionnaire de Calepin eft en
deux gros volumes.

IMIT. Vers 42. Mais moi vivre à Paris! &c.] Juvénal, ka même, V. 41.

Quid Roma faciam ? mentiri nefcio.

Je ne fçai ni tromper, ni feindre, ni mentir,
Et quand je le pourrois je n'y puis consentir.
45 Je ne fçai point en lâche effuyer les outrages
D'un Faquin orgueilleux qui vous tient à fes gages :
De mes Sonnets flateurs laffer tout l'Univers,
Et vendre au plus offrant mon encens & mes vers.
Pour un fi bas emploi ma Mufe eft trop altiere.
Jo Je fuis ruftique & fier, & j'ai l'ame groffiere.
Je ne puis rien nommer, fi ce n'est par
J'appelle un chat un chat, & Rolet un fripon.

fon nom.

REMARQUES.

IMIT. Vers 45. Je ne fçai point en lâche effuyer les outrages. ] TEAt ego infelix, neque ridiculus esse, neque plagas pati

RENCE dans la Comédie de l'Eu nuque, Acte II. Sc. II. v. 14.

Poffum.

VERS 47. De mes Sonnets flateurs.] Allufion aux Sonnets que Pelletier faifoit à la louange de toutes fortes de gens. Voïez Lifcours au Roi, V. 54.

VERS 50. Je suis ruflique & fier, &c.] Caractère de Caffandre, qui êtoit farouche & grof fier jufqu'à la rufticité.

mer,

VERS 1. Je ne puis rien nomfi ce n'est par son nom. ] L'Auteur fait allufion à la belle réponse que Philippe Roi de Macédoine fit à Lasthéne, Citoïen de la ville d'Olinthe, lequel s'êtoit retiré à la Cour de ce Prince, après lui avoir vendu par trahifon fa patrie. Lafthéne alla fe plaindre un jour à Philippe de quelques perfonnes de la Cour de ce Prince, qui l'avoient appellé Traître; & demanda juftice de cette injure, Philippe lui répondit froidement : Les Macédoniens font fi groffiers, qu'ils ne

avent nommer les chofes que par leur nom. PLUTARQUE dans les Apophtegmes des Rois & des Capitaines.

VERS 52. J'appelle un chat un chat, &c.] Ce Vers a paflé en proverbe parmi nous, à caufe de fa fimplicité, & du fens naïf qu'il renferme. Les Grecs avoient auffi un proverbe dont le fens répond à celui-ci : Tà σûxa σûxa, Τὴν σκάφην σκάφην λέγων. Ι appelle les figues des figues, & un bateau il l'appelle un bateau. Eraf me, dans fes Adages, Chil. 2. Cent. 3. n. 5. Rabelais a eu ce proverbe en vue quand il a dit : Nous fommes fimples gens, puifqu'il plaift à Dien, & appellons les figues figues, &c. L. IV. 4.

Ibid..

Et Rolet un frie pon. ] Procureur très-décrié, & qui a eftédans la fuite condamné à faire amende honorable, & banni à perpétuité. Das P.

De fervir un Amant, je n'en ai pas l'adreffe.

J'ignore ce grand art qui gagne une maîtresse,
55 Et je fuis à Paris, triste, pauvre & reclus,
Ainfi qu'un corps fans ame, ou devenu perclus.
Mais pourquoi, dira-t'on, cette vertu sauvage
Qui court à l'hospital, & n'est plus en usage ?
La Richeffe permet une jufte fierté.

60 Mais il faut eftre souple avec la Pauvreté.
C'est par là qu'un Auteur, que preffe l'indigence,
Peut des aftres malins corriger l'influence,

REMARQUES.

Charles Rolet Procureur au Parlement, êtoit furnommé au Palais, l'ame damnée. M. le Premier Préfident de Lamoignon avoit coutume d'emploier le nom de Rolet, quand il vouloit parler d'un fripon infigne, C'eft, difoit-il alors, un Rolet, On peut voir une peinture exacte du caractère de ce Procureur, fous le nom de Vollichon, dans le Roman Bourgeois de Furetière page 24. & 27. de l'Edition d'Amfterdam de 1714. Rolet fut convaincu d'avoir fait revivre une obligation de cinq cens livres, dont il avoit déja reçu le païement. En conféquence, il fut condamné par Arrêt, au banniflement pour neuf ans en quatre mille livres de réparation civile, en diverfes amendes, & aux dépens. La minute & la groffe de cette obligation furent déclarées nulles, & il fut ordonné qu'elles feroient lacérées par le Greffier

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en la présence de Rolet. Cet Atrêt eft du 12. Août 1681. & ne fut exécuté qu'en partie. Rolet fut dans la fuite déchargé de la peine du banniffement & obtint une place de Garde au Château de Vincennes, où il mourut. Dans la feconde Edi tion des Satires, l'Auteur mit cette Note à côté du nom de ROLET: Hôtelier du Pais Blai fois, afin de dépaïfer les Lecteurs mais par malheur il fe trouva qu'il y avoit dans ce País- là un Hôtelier qui portoit le même nom, lequel lui en fit faire de grandes plaintes. Dans une premiére Edition qui fut faite en 1665. à Rouen, fans la participation de l'Auteur, on avoit mis un autre nom que celui de Rolet.

I MI T. Vers (6. Ainfi qu'un corps fans ame, ou devenu perclus. ] JUVENAL, dans la même Satire III. V. 46.

Tanquam
Mancus, & extinétæ corpus non utile dextra.

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