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secours, soit pour la collation des premiers imprimés et des vieux manuscrits, soit dans les recherches qu'exigent ma préface et mes notes: mes notes font un volume. J'essaie sur ce texte

de comparer nos mœurs à celles de nos pères; matière délicate, sujet intéressant, où il est mal aisé de contenter tout le monde.

Qui vous empêcherait de dire un mot en passant de ma traduction de Longus corrigée, terminée enfin selon mon petit pouvoir? Elle se vend chez Merlin, et celle-là, monsieur, on ne l'a point critiquée; mais on a fait bien pis, on l'a persécutée. La première édition fut saisie à Florence; je fis la seconde en prison à Sainte-Pélagie; la troisième va paraître.

A propos de prison et de Sainte-Pélagie, vous pourriez dire encore que je n'ai aucune part à certaines brochures qui mènent là tout droit, imprimées sous mon nom en pays étranger. On y parle d'un prince, dont certes je n'oserais faire un éloge public, bien que sa vie, ses mœurs, ses sentimens connus, méritent à mon gré toute sorte de louanges; mais c'est le grand chemin de Sainte-Pélagie, et j'en sais des nouvelles. Dans ces écrits on blâme des choses sur lesquelles je dis peu ma pensée, parce qu'il y a du danger; et quand je veux la dire, j'emploie d'autres termes. Je puis blâmer quelquefois, mais non pas en ennemi, ce que fait le gouvernement, dont, en

un certain sens, je suis toujours content; car c'est Dieu qui gouverne, ce ne sont pas les hommes. Ainsi le monde est bien, et tout va pour le mieux, quand je ne suis pas en prison. Agréez, etc.

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Conseillez-moi, je vous prie, dans un cas cxtraordinaire. Je serai bref, la vie est courte.

J'étais ici; on me cite là-bas, à Tours, lieu de mon domicile, devant un juge d'instruction. Je vais là-bas; on me dit que le dossier, les pièces (vous entendez cela, j'imagine) sont retournées à Paris. Je reviens, et fais demander au parquet, par mon avocat, à qui des juges d'instruction mon affaire se trouve renvoyée; on refuse de lui répondre. Ainsi me voilà sans savoir par qui je dois être jugé, ou interrogé seulement; car je ne pense pas que la chose puisse aller plus loin. Il s'agit, m'a-t-on dit, de mauvaises brochures auxquelles je n'ai, monsieur, non plus de part que vous, quoiqu'on y ait mis mon nom. Quel avis me donnerez-vous, dedans cette occurrence, comme dit le grand Corneille? d'attendre; car que faire?

Mais il est bon que ceux qui me doivent juger sachent que je les cherche; ils l'apprendront si cette feuille tombe entre leurs mains.

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Nos abonnés de Tours sont priés de faire lire l'article suivant à madame Courier, femme de PAUL-LOUIS, vigneron.

<< Envoie-moi, ma chère amie, six chemises et «< six paires de bas. Point de lettre dans le paquet, « afin qu'il me puisse parvenir. Je sais que tu ne reçois pas les miennes et que tu t'inquiètes fort. «< Sois tranquille, il y a dans ce monde plus de justice que tu ne crois. Je ne suis ni mort, ni malade, ni en prison pour le moment.

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« Adieu. Ton mari. »

Idem. -1er novembre 1823.

M. Courier, avant- hier, allant dîner chez ses amis, fut arrêté en pleine rue par plusieurs agens de police, et conduit en fiacre à l'hôtel de la préfecture. Là, d'abord, on l'interrogea sur ses nom, prénoms, qualités, sa demeure, les mois de son séjour à Paris. Il satisfit à tout, et fut mis en dépôt, c'est le mot, à la salle Saint

Martin. M. Courier, l'homme du monde le moins propre à être en prison, goûte peu la salle SaintMartin, qu'il n'a pas trouvée cependant un lieu si terrible qu'on le dit. Seul dans une chambre passable, il a dormi dans un bon lit: même le porte-clefs semblait assez bonhomme, causeur et communicatif. Le lendemain, qui était hier, M. Courier fut entendu sur des écrits qu'on lui impute par un des juges d'instruction. Visite faite de ses papiers, dans l'appartement qu'il occupe, rien ne s'y est trouvé suspect. Il se loue fort, en général, du procédé de ces messieurs. On ne saurait être écroué avec plus de civilité, interrogé plus sagement, ni élargi plus promptement qu'il n'a été.

JOURNAL DU COMMERCE.-3 novembre 1823.

Au rédacteur de la Quotidienne.

Vous parlez de moi, monsieur, dans une de vos feuilles, et paraissez peu informé de ce qui me touche. Vous dites que Paul-Louis, vigneron, moi-même, votre serviteur, en suite de petits démélés avec la justice, fut quelque temps en prison à Sainte-Pélagie, et puis ajoutez: Nous le savons bien. Non, vous le savez mal, monsieur, et cela n'est pas surprenant qu'ayant à parler de tant de choses, de tant de gens, vous vous mé

preniez, et trompiez quelquefois le public. Sur votre parole, il va croire que j'ai fait des tours de Scapin, dont on m'a justement puni. C'est ce que vous pensez ou donnez à penser par de telles expressions. La vérité m'oblige de vous apprendre, monsieur, que le cas était bien plus grave pour lequel je fus condamné, l'affaire autrement scandaleuse. Il ne s'agissait pas de quelques peccadilles, mais d'un outrage fait à la morale publique. Oui, monsieur, je l'avoue et le déclare ici, afin que mon exemple instruise. Je fus en prison deux mois à Sainte-Pélagie, par l'indulgence des magistrats, pour avoir outragé la morale publique, crime de Socrate, comme vous savez. Sur la morale particulière, un peu différente de l'autre, je n'ai eu de démêlés avec qui que ce soit, et même n'entends point dire qu'on me reproche rien.

A ce propos, monsieur, un doute m'est venu souvent à l'esprit, question purement littéraire, que vous me pourrez éclaircir. M. de Lamartine, dont vous louez les ouvrages, me semble avoir pris dans nos lois une bonne partie de son style, ou bien nos lois ont été faites en style de M. de Lamartine, celles au moins qui ne sont pas vieilles. Outrager la morale publique, est une phrase tout-à-fait dans le goût des Méditations, et hors de ce commun langage que le monde parle et entend; elle s'applique à bien des choses.

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