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obstacle à la propagation de nombre de choses; elle tranche et décide au pâle flambeau de ses faibles lumières. Mieux vaut cent fois cette bonne et franche ignorance qui caractérise les hommes de bon sens et même d'esprit : Je ne savais pas cela, veuillez m'en instruire, car l'homme d'esprit sait qu'il ne sait pas tout.

Mais c'est au bon esprit et au bon sens de la mère de famille que j'en appelle; je ne cherche point à convertir tous et un chacun, d'ailleurs il faut bien que les fripons vivent aux dépens des sots. Ainsi donc que le préjugé ne confectionne pas ses vins de liqueurs, qu'il les achète de nos honnêtes marchands qui se donneraient bien de garde de les falsifier! car les trois ou quatre pièces de Malaga, Malvoisie, Madère, etc., etc., qui se consomment chaque jour dans Paris, viennent en ligne directe de ces vignobles fameux; ces vins même n'auraient sûrement pas été falsifiés dans leur pays natal, quand même ils en viendraient. On peut s'en rapporter à la bonne foi qui, de nos jours, règne dans le commerce! Qu'on consulte la caisse des octrois, et je ne suppose pas le chapitre de recette marchant de pair avec la consommation de ces vins. Quant à la mère de famille

puisqu'il est vrai que les dix-neuf vingtièmes des vins qu'on sert pompeusement sur les meilleures tables, sont falsifiés, malgré leur certificat d'origine; je lui conseille de les falsifier elle-même, d'après les principes qui viennent d'être établis sur la confection. des vins de liqueurs. Si on persiste à vouloir que ce soit falsification, qu'elle respecte le préjugé; qu'on ignore qu'elle se livre à cette branche d'économie domestique, et quelques gourmets prendront son vin cuit pour de vieux Malaga, lorsque c'est le contraire qui m'est arrivé, parce que j'estime encore assez les hommes pour croire qu'on ne doive pas les tromper; et c'est bien se tromper soi-même. Fontenelle, en tenant sa main fermée pour ne pas en laisser échapper une vérité, en savait plus que moi.

Je m'applaudirai de l'adoption que la mère de famille fera de ces procédés, car, si je me suis livré à ces détails, c'est pour les propager. Mon premier but, en les publiant, est d'entrer dans les vues du Gouvernement qui veut l'affranchissement de matières sucrées étrangères, et tout en remplissant les devoirs de bon citoyen, j'ai désiré augmenter les jouissances de la famille, en ajoutant à cette honorable

et

honorable aisance que se refuse souvent une sage économie ; j'aurai sauvé à notre mère de famille l'acquisition de vins d'entremets qui doivent paraître quelquefois sur sa table, elle offrira des nôtres dans de plus grands verres que ceux où l'on sert ces vins-là. Je lui ai déjà sauvé l'acquisition de ces ratafias que rend si chers la quantité de sucre qui y entre, ce qui met à la mode ces caux-de-vie, toutes, de cent ans! et j'ai donné le secret de ces eaux-de-vie séculaires. Après avoir établi la dépense de ces ratafias à leur article, établissons celle de nos vins liquoreux; voici quelle en est la valeur intrinsèque, en les préparant dans une année abondante en vin. Une pièce de moût de 300 pintes, de 24 à 30 francs.

Désacidification et combustibles pour la concentration à moitié : ajoutons les arômes qui ne coûteront pas 20 sous, 9

fr.

Les 300 pintes concentrées à moité donnent 150, ce qui, addition d'eau-de-vie, supposée au cinquième, fait 36 pintes, 36 fr.

Ce ne sont pas là des proportions rigoureuses, c'est au goût à les régler; peut-être même ce vin sera-t-il trop liquoreux, alors on y ajoute du vin blanc franc et droit au

282 LE MÉNAGE DES FRUITS.

goût, pour mettre son vin de liqueur au point où on le veut.

Voilà 186 pintes de vin, qui reviennent à 74 fr., ce qui l'établit à 8 sous la bouteille de pinte; le vin de cabaret en vaut douze.

Mais si c'est dans la maison rurale qu'il se fabrique, le moût, l'eau-de-vie ne coûtent pas les prix estimés, et pour peu que cela fasse une diminution de 9 fr., notre vin est réduit à 7 sous.

« Voilà une belle merveille, que de faire bonne chère avec bien de l'argent! c'est une chose la plus aisée du monde, et il n'y a si pauvre esprit qui n'en fit autant; mais pour agir en habile homme, il faut parler de faire bonne chère avec peu d'argent. » C'est ce que Valère dit dans l'Avare; et sans être l'avare de Molière, la ménagère pourra en dire autant, d'après l'emploi de nos procédés, qui rendront sa table aussi honorable que celle d'Harpagon l'était peu.

AVIS.

On trouvera chez le sieur Janvier, fabricant de vanneries, rue du Temple, No 117, un clayon- tamis, qui, par la solidité de son fond, fabriqué en osier plat, peut aisément supporter le poids d'un mare de fruits et en faciliter la pression.

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