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ARTA

XERXE.

Cref.c.10.

bel homme de fon temps: mais on vantoit encore plus fa bonté & fa générofité. H régna près de quarante-neuf ans.

Quoiqu'Artaxerxe fe vît délivré • par la mort d'Artabane, d'un dangereux compétiteur, il lui reftoit encore deux obftacles à vaincre, avant que d'être paisible poffeffeur de la conronne; l'un dans fon frere Hyftafpe Gouverneur de la Bactriane, l'autre dans le parti d'Artabane. Il commença par le dernier.

Artabane avoit laiffé fept fils, & un grand nombre de partifans, qui ne tarderent pas à s'affembler pour venger fa mort. Il y eut entr'eux & ceux qui tenoient pour Artaxerxe une fanglante bataille, dans laquelle un grand nombre de nobles perfans perdirent la vie. Artaxerxe ayant pris enfin le deffus, extermina ceux qui étoient entrés dans cette conjuration. Il tira fur-tout une vengeance exemplaire de ceux qui avoient eu part au meurtre de fon pere, & particulièrement de l'Eunuque Mithridate qui l'avoit trahi. Il le fit mourir du fupplice des Auges; ce qui Plut. in le faifoit de cette maniere. On mettoit le Artax. P criminel à la renverse dans une auge,

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&

après l'avoir fortement attaché aux quatre coins, on le couvroit d'une autre auge, à la réserve de la tête, des pieds, & des mains, qui fortoient par des trous faits exprès. Dans cette pofture incommode on lui préfentoit la nourriture néceffaire, qu'on le forçoit de prendre malgré lui

LONGUE.

pour boiffon lui donnoit du miel detrempé dans du lait, & on lui en frot- MAIN toit tout le vifage, ce qui attiroit fur lui une quantité incroyable de mouches, d'autant plus qu'il éroit toujours exposé aux rayons ardens du foleil. Les vers, engendrés de fes excrémens, lui rongeoient les entrailles au-dedans. Ce fupplice duroit ordinairement quinze ou vingt jours, pendant 1efquels le patient fouffroit des tourmens indicibles.

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Artaxerxe ayant diffipé le parti d'Artabane, fe trouva en état d'envoyer une armée dans la Bactriane qui foutenoit le parti de fon frere; mais il n'y eut pas le Cref. capi même fuccès. Les deux armées en étant 31. venues aux mains, Hyftafpe conferva G bien fon terrein, que s'il ne remporta pas la victoire, il n'eut auffi aucun désavantage; de forte que les deux armées le féparerent avec un fuccès égal, & fe retirerent chacune de fon côté pour le préparer à un fecond combat. Artaxerxe ayant affemblé une plus grande armée que fon frere, & ayant d'ailleurs tout l'Empire pour lui, le défit dans une feconde bataille, & ruina entiérement fon parti. Cette victoire le rendit paifible poffeffeur de l'Empire,

Pour fe maintenir, il dépofa tous les Diod. lib. Gouverneurs des villes & des provinces m. p. 34. qu'il foupçonnoit avoir eu quelque liaifon avec l'un ou l'autre des parris qu'il venoit d'exterminer, & il leur en fubftitua d'autres en qui il avoit une parfaite con

fiande. Il s'appliqua ensuite à réformer les ARTA- abus & les défordres qui s'étoient introTERXE. duits dans le Gouvernement. Par une conduite fi pleine de fageffe & de zele pour le bien public, il s'acquit bientôt une grande réputation & une grande autorité & il s'attira l'amour de fes fujets, qui eft le principal foutien du pouvoir des Souverains. §. II. Themistocle fe réfugie vers Artaxerxe.

? 'AN. M. 3531.

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Ce fut vers ce Prince, que Thémisto cle fe réfugia, felon Thucydide, & au commencement de fon regne: car d'autres Auteurs, comme Strabon, Plutarque,. Diodore, placent cet événement fous Xer xès fon prédéceffeur. M. Prideaux fe range de leur côé; & il croit auffi que l'Artaxerxe dont nous parlons eft le Prince que l'Ecriture appelle Affuérus, & dont Efther fut l'époufe: au lieu que nous fuppofons, avec le favant Ufférius, que ce fut Darius fils d'Hyftafpe que cette illuf tre Juive époufa. J'ai déja déclaré bien de fois que je n'entrois point dans ces for tes de difputes. Je m'en tiens donc fur la retraite de Thémiftocle en Perfe, auffi bien que fur l'hiftoire d'Efther, au fentiment d'Ufférius mon guide ordinaire.

Thucyd. 1. Nous avons vu que Thémiftocle s'étoit pag, 90. retiré chez Admete Roi des Moloffes, qui l'avoit fort bien reçu. Les Athéniens & Plut. in les Lacédémoniens ne l'y laifferent pas en Themift prepos, & le redemanderent à ce Prince avec menaces, s'il le refufoit, de potter las

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MAIN.

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guerre dans fon pays; Admete, qui ne vouloit point s'attirer fur les bras de fi for- LONGUEmidables ennemis, & encore moins trahir Diod. lib. fon hôte, l'avertir du danger où il étoit, 11. p. 42. & favorifa la fuite. Thémiftocle arriva par Corn. Nep terre à Pydne, ville de la Macédoine, & in Themift. là il s'embarqua fur un vaiffeau marchand cap. 8. 10 qui alloit en Ionie. Il n'étoit point connu des paffagers. Ce vaiffeau ayant été porté par la tempête près l'ifle de Naxe qui étoit alors affiégée par les Athéniens, le preffant danger où il fe vit l'obligea de déclarer qui il étoit au maître du vaiffeau & au pilote, & tant par prieres que par menaces il le força de paffer outre, & de tenir la route d'Afie.

Themift.

Thémistocle put fe fouvenir alors d'un plur. in mot que fon pere lui avoit dit lorfqu'il pag. 110 étoit encore fort jeune, pour l'avertir de ne pas compter beaucoup fur la faveur du peuple. Ils fe promenoient ensemble le long du port. En lui montrant de vieilles galeres jettées & abandonnées fur le rivage: Voyez-vous, mon fils, lui dit-il ? Voilà comment le peuple en use à l'égard de fes conducteurs, quand il n'en tire plus aucun Service.

Il arriva donc à Cumes, ifle d'Eolie dans l'Afie Mineure. Le Roi de Perse avoit mis fa tête à prix, & promis deux cents talens à qui la lui livreroit. Toute la côte Deux cens étoit pleine de gens qui l'obfervoient pour mille écus le prendre. Il s'enfuit à Ages, petite ville d'Eolie, où il n'étoit connu de perfonne

ARTA

que de fon hôte Nicogene, le plus riche du XERXE. Pays, & qui avoit de grandes relations avec tous les Seigneurs de la Cour de Perfe. Il demeura quelques jours chez lui, jusqu'à ce qu'il le fit conduire en fûreté, & avec une bonne escorte à Sufe dans un de ces charriots couverts dans lefquels les Perfes qui étoient fort jaloux, avoient accoutumé de mener leurs femmes; ceux qui le conduifoient publiant qu'ils menoient à un grand Seigneur de la Cour uue jeune Dame Grecque.

Quand il fut arrivé à la Cour de Perfe, il s'adreffa au Capitaine des Gardes, & lui dit qu'il étoit Grec de nation, & qu'il venoit pour parler au Roi d'affaires importantes qui regardoient fon fervice. L'Officier l'avertit d'une cérémonie, dont il favoit que quelques Grecs étoient bleffés, mais qui étoit absolument néceffaire pour parler au Prince en personne : c'étoit de le profterner profondement devant lui. "Car, dit-il, notre loi nous ordonne d'honorer ainfi le Roi, & de l'adorer comme une image vivante du Dieu », immortel qui entretient & conferve tou», tes chofes Thémistocle y confentit. Quand on l'eut admis à l'audience, il fe profterna profondement devant le Roi, & l'adora; puis fe relevant: "Grand * Roi

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dit-il par un Truchement, je fuis Thé

* Thucydide lui fait dire à peu près les mêmes chofes mais dans une lettre qu'il avoit écrite au Roi avant que de lui parler.

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