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Car vos beaux yeux sont pleins de douceurs infinies, Car vos petites mains, joyeuses et bénies,

N'ont point mal fait encor;

Jamais vos jeunes pas n'ont touché notre fange; Tête sacrée! enfant aux cheveux blonds! bel ange A l'auréole d'or!

Vous êtes parmi nous la colombe de l'arche.
Vos pieds tendres et purs n'ont point l'âge où l'on

Vos ailes sont d'azur.

marche;

Sans le comprendre encor, vous regardez le monde.
Double virginité! corps où rien n'est immonde,
Ame où rien n'est impur!

Il est si beau l'enfant, avec son doux sourire,
Sa douce bonne foi, sa voix qui veut tout dire,
Ses pleurs vite apaisés,

Laissant errer sa vue étonnée et ravie,
Offrant de toutes parts sa jeune âme à la vie
Et sa bouche aux baisers!

Seigneur! préservez-moi, préservez ceux que j'aime,
Frères, parents, amis, et mes ennemis même
Dans le mal triomphants,

De jamais voir, Seigneur, l'été sans fleurs vermeilles,
La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles,
La maison sans enfants!

Le golfe de Baya;

par A. de Lamartine.

Vois-tu comme le flot paisible
Sur le rivage vient mourir?
Vois-tu le volage zéphyr

Rider, d'une haleine insensible,
L'onde qu'il aime à parcourir?
Montons sur la barque légère
Que ma main guide sans efforts,
Et de ce golfe solitaire

Rasons timidement les bords.
Loin de nous déjà fuit la rive.
Tandis que d'une main craintive
Tu tiens le docile aviron,
Courbé sur la rame bruyante,
Au sein de l'onde frémissante
Je trace un rapide sillon.

Ciel! quelle fraîcheur on respire!
Plongé dans le sein de Téthis,
Le soleil a cédé l'empire
A la pâle reine des nuits.

Le sein des fleurs demi-fermées
S'ouvre, et de vapeurs embaumées
En ce moment remplit les airs;
Et du soir la brise légère
Des plus doux parfums de la terre
A son tour embaume les mers.

Quels chants sur ces flots retentissent?
Quels chants éclatent sur ces bords?

Mandrou, Album.

18

De ces deux concerts qui s'unissent
L'écho prolonge les accords.

N'osant se fier aux étoiles,

Le pêcheur repliant ses voiles,
Salue, en chantant, son séjour;
Tandis qu'une folle jeunesse
Pousse au ciel des cris d'allégresse
Et fête son heureux retour.

Mais déjà l'ombre plus épaisse
Tombe et brunit les vastes mers;
Le bord s'efface, le bruit cesse,
Le silence occupe les airs.
C'est l'heure où la mélancolie
S'asseoit pensive et recueillie
Aux bords silencieux des mers,
Et, méditant sur les ruines,
Contemple, au penchant des collines,
Ces palais, ces temples déserts.

O de la liberté vieille et sainte patrie!
Terre autrefois féconde en sublimes vertus!
Sous d'indignes Césars maintenant asservie,
Ton empire est tombé! Tes héros ne sont plus!
Mais dans ton sein l'âme agrandie

Croit sur leurs monuments respirer leur génie,
Comme on respire encor dans un temple aboli
La majesté du Dieu dont il était rempli.

Mais n'interrogeons pas vos cendres généreuses,
Vieux Romains! Fiers Catons! Mânes des deux Brutus!
Allons redemander à ces murs abattus

Des souvenirs plus doux, des ombres plus heureuses.

Horace, dans ce frais séjour,
Dans une retraite embellie
Par les plaisirs et le génie

Fuyait les pompes de la cour ....

Plus loin, voici l'asile où vint chanter le Tasse,
Quand, victime à la fois du génie et du sort,
Errant dans l'univers, sans refuge et sans port,
La pitié recueillit son illustre disgrâce.

Non loin des mêmes bords, plus tard il vint mourir;
La gloire l'appelait, il arrive, il succombe:

La palme qui l'attend devant lui semble fuir,
Et son laurier tardif n'ombrage que sa tombe.
Colline de Baya, poétique séjour,
Voluptueux vallon qu'habita tour-à-tour

Tout ce qui fut grand dans le monde,
Tu ne retentis plus de gloire ni d'amour.
Pas une voix qui me réponde,

Que le bruit plaintif de cette onde, Ou l'écho réveillé des débris d'alentour! Ainsi tout change, ainsi tout passe; Ainsi nous-mêmes nous passons, Hélas! sans laisser plus de trace Que cette barque où nous glissons Sur cette mer où tout s'efface!

Le voyageur égaré;

par Chênedollé.

La neige au loin accumulée

En torrents épaissis tombe du haut des airs,

Et sans relâche amoncelée

Couvre du Saint Bernard les vieux sommets déserts.

Plus de routes, tout est barrière,

L'ombre accourt, et déjà pour la dernière fois, Sur la cîme inhospitalière

Dans les vents de la nuit l'aigle a jeté sa voix.

A ce cri d'effroyable augure,

Le voyageur transi n'ose plus faire un pas;
Mourant, et raidi de froidure,

Au bord d'un précipice il attend le trépas.

C'en est fait! son heure dernière
Se mesure pour lui dans ces terribles lieux,
Et chargeant sa froide paupière
Un funeste sommeil déjà cherche ses yeux.

Soudain, ô surprise! ô merveille!
D'une cloche il a cru reconnaître le bruit;
Ce bruit augmente à son oreille;
Une clarté subite a brillé dans la nuit.

Tandis qu'avec peine il écoute,

A travers la tempête un autre bruit s'entend: Un chien jappe, et s'ouvrant la route, Suivi d'un solitaire, approche au même instant.

Le chien, en aboyant de joie, Frappe du voyageur les regards éperdus; La mort laisse échapper sa proie,

Et la charité compte un miracle de plus.

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