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& le paralytique eurent été avertis en fonge que l'empereur opéreroit en eux ces merveilles. Ceux qui ont vû l'un & l'autre de ces événements, ajoûte Tacite [e], les racontent encore aujourd'hui, quoique le menfonge ne puiffe plus leur être d'aucune utilité. Mais ne connoît-on pas le plaifir que quelques perfonnes trouvent à débiter le merveilleux comme vrai? Plufieurs autres foutiennent par opiniâtreté, ce qu'ils ont avancé par d'autres motifs. Enfin, quoique Vefpafien fût mort, on pouvoit s'imaginer de faire fa courà fes fucceffeurs par ce récit.

Une femme [f]vint dire à l'empereur Adrien, qu'elle avoit été avertie en fonge de lui repréfenter que puifqu'il devoit guérir, il fe gardât bien de s'ôter la vie: qu'elle étoit devenue aveugle, pour n'avoir pas exécuté affez promptement ce qui lui avoit été ordonné en fonge; qu'elle avoit reçu un second ordre de lui venir dire les mêmes chofes, avec promeffe qu'elle recouvreroit la vûe, fi elle lui baifoit les genoux. Cette femme aïant exécuté fa commiffion, baifé les genoux de l'empereur, & lavé fes yeux avec de l'eau d'un temple, elle vit comme au paravant.

Un homme né aveugle [g] vint du fond de la Pannonie, & toucha Adrien qui avoit la fiévre : cela fait, cet homme ne fut plus aveugle, & Adrien n'eut plus la fiévre.Spartien a eu la prudence d'ajouter que, felon le témoignage de Marius Maximus, il n'y avoit eu que feinte dans tout cela. Nous le devinerions bien, quand même nous ne fçaurions pas ce que Marius Maxi

[e] Statim converfa ad ufum manus, ac cæco reluxit dies. Utrumque,qui interfuere, nunc quoque memorant, poftquam nullum merdacio præmium. Tac.hift, lib. 4. in fine,

mus en a dit; il eft aifé de connoître. qu'Antonin, fils adoptif d'Adrien, se fervit de cette rufe pour lui donner quelque efpérance, & pour chaffer la mélancholie qui l'opprimoit.

Numa [b]aïant reçu les principaux citoïens de Rome dans une maison pauvrement meublée, il les pria à souper pour le foir. Lorfqu'ils y revinrent, ils furent fort furpris de trouver les meubles les plus magnifiques, la plus riche vaiffelle, & le plus fomp, tueux repas. Ils reconnurent à ces marques le commerce de Numa avec la nymphe Egérie.

La huitième année du régne de Numa,une maladie contagieuse aïant ravagé l'Italie, & dépeuplé Rome, un bouclier d'airain tomba du ciel, fit ceffer la pefte, & fut regardé comme un gageuré de la protection des dieux à l'avenir. De peur qu'il ne fût volé; Numa en fit faire onze autres entiérement femblables, & ces douze boucliers, appellés les anciles, furent donnés en garde aux prêtres Saliens, que Numa inftitua à cette occafion.

Le bucher [] fur lequel Cræfus devoit être livré aux flammes, fut éteint par une pluie miraculeufe, qui tomba dans un temps fort ferein.

Aurelius Victor rapporte qu'une pefte étant furvenue à Rome l'an 350. de fa fondation, les Romains, par le confeil de l'oracle, envoïérent à Epidaure dix députés, dont le principal étoit Q. Ogulnius, pour amener le dieu Efculape à Rome. Ces députés étant arrivés à Epidaure, on vit fortir de fon gîte un ferpent qui imprimoit plus de vénération que de terreur, &

qui

[f] Huet. Alnet. quaft. lib. 2. c. 18. [g] Spartian. in Adrian. Dif, crit, de Bayl. not. M.fur Hadrien.

[h] Denys d'Halic.liv.2.Plutarch,in Num. [i] Herodot, Clia,

17.

Origine de art de la

cale.

qui paffant au travers de la foule, fe rendit au vaiffeau des Romains, & s'alla placer dans la chambre d'Ogulnius.

Paufanias [k]remarque que les ferpents d'Epidaure, qui font d'une efpéce particulière, & d'une couleur brune, font fort aifés à apprivoifer, & qu'ils font confacrés à Efculape.C'eft d'un ferpent du territoire d'Epidaure, que l'impofteur Alexandre [1] fe fert dans Lucien, pour faire croire au peuple qu'il a des entretiens avec Efculape.

Simonide [m] aïant célébré la victoire remportée par Scopas, à l'exercice émoire du pugilat, dans les jeux Panathénaïques, il y mêla les louanges de Caftor & de Pollux: ce qui fervit de prétexte à Scopas pour retenir injuftement la moitié de la récompenfe qu'il avoit promife à Simonide, difant que c'étoit à ces dieux à lui païer le refte de la fomme. Quelques jours après, ce poëte étant à fouperchez Scopas, un valet vint l'avertir que deux jeunes hommes couverts de pouffière,& fort échaufés, demandoient alui parler. Dés que Simonide fe fut levé de table, & eut mis le pié hors de la falle, le platfond tomba fur Scopas, & fur les conviés, & les écrafa touts de fes

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ce qu'il fit en menant une vie des plus auftéres, ne fe nourriffant que d'herbes, & paffant les jours & les nuits dans la contemplation de l'Etre divin, conformément au vœu qu'il avoit fait de ne point dormir. Après des veilles continuées pendant plufieurs années, le fommeil l'accabla de telle forte, qu'il y fuccomba; mais le lendemain matin à son réveil plein de repentir d'avoir rompu fon veu, & dans la vûë de prévenir un pareil inconvénient, il fe coupa les paupiéres comme les inftruments de fon crime, & les jetta à terre. Il les trouva le jour fuivant métamorphofées en deux de ces arbriffeaux,connus aujourd'hui sous le nom de thé. Darma en aïant mangé des feuilles, fe fentit beaucoup plus gai qu'à l'ordinaire, & plus en état de continuer fes méditations, par la vigueur nouvelle que ces feuilles avoient communiquée à fon efprit; il eut foin d'en apprendre les excellentes vertus à fes difciples, & l'ufage s'en répandit dans touts les païs.

19.

Autres

dus mira

Le vaiffeau qui apportoit de peffinunte à Rome la Ratue de Cibéle, étant exemples engravé [o], & touts les efforts des ma- de préten telots ne pouvant le dégager, Claudia cles. le tira à bord avec fa ceinture; Emylia. veftale [plaïant laiffé éteindre le feu facré par fa négligence, elle le ralluma miraculeufement après une fervente prière, en jettant fon voile fur les charbons éteints. La veftale Tuccia [4] pour prouver fa chafteté, porta de l'eau dans un crible: Toutes fables inventées par des prêtres corrompus, & reçûës par une multitude fuperftitieufe, mais dont plufieurs auteurs très graves ont fait

Kk

S.Aug.de civit. Dei, lib. 1o.c.16. Diod.Sic.lib.4. Ovid faft, lib. 4. Sil. Italic. lib.17. Tertull. apologer.c 22.

[p] Val Max.lib.1.c.1. exempl. 9.
[g] Val,Max.lib.8.c.1.

20.

marques

mention. Continuons le récit des prétendus miracles du Paganisme.

Le fucceffeur de Séfoftris, nommé Phéron par Hérodote [r], Séfoftris fecond par Diodore [s], & Nuncoréüs par Pline [], lança une flêche dans les Hots du Nil,pour punir ce fleuve d'avoir trop inondé l'Egypte, fes flots s'étant dé bordés plus qu'à l'ordinaire. Le dieu ne fe trouva pas d'humeur à fouffrir la cor. rection, le roi d'Egypte devint auffitôt aveugle, & demeura dix ans en cet état. Il lui vint enfin un oracle de la ville de Butis, qui lui marqua qu'il recouvreroit la vûë en fe lavant les yeux avec l'u rine d'une femme, qui n'eût jamais connu d'autre homme que fon mari. D'abord il fit l'effai fur l'urine de la reine fa femme: mais cela ne lui réüffit pas; enfuite il ufa de celle de plufieurs autres femmes avec auffi peu de fuccés. Enfin en aïant trouvé une qui le guérit, (c'étoit la femme d'un jardinier), il fit enfermer toutes les autres dans une ville, & y fit mettre le feu qui les brûla. Les Crocodiles par refpect pour la déeffe Ifis qui s'étoit fervie autrefois d'une barque, faite de l'écorce de la plante appellée Papyrus, ne faifoient aucun mal à ceux qui naviguoient fur le Nil, dans des barques faites de cette plante. Les Crocodiles [ ] ne faifoient non plus aucun mal pendant les fept jours, que duroit la fête du dieu Apis.

Ce dieu ou le bœuf A pis devoit être Quelles noir par tout le corps, & avoir une mar devoit avoir que blanche fur le front .4l devoit avoir fur le dos la figure d'une aigle, & fur la Jangue celle d'un efcarbot. La geniffe qui l'avoit porté, devoit l'avoir conçu

Je bœuf

Apis.

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d'un coup de tonnerre. Saint Augustin a penfé que les démons préfentant aux vaches dans le temps de leur conception les marques expliqués ci-defus, elles s'imprimoient fur les veaux. M. l'abbé Banier [x] eft plus porté à croire que les prêtres imprimoient ces marques à quelques jeunes veaux qu'ils faifoient élever fecrétement. Le jour de la fête d'Ofiris, les prêtres conduifoient le boeuf Apis fur le bord du Nil, où ils le noïoient avec cérémonie. Alors le deuil d'Ofiris réprésenté par le bœuf A pis, duroit jufqu'à ce qu'on eût fait paroître un autre bœuf femblable: ce que les prétres faifoient quelquefois attendre longtemps pour mieux cacher leur fupercherie.

21.

Contin

racu leut

Cambyfe perça la cuiffe du dieu Apis d'un coup d'épée & le tua [y], s'étant tion des imaginé que la joie que les peuples ftoires n d'Egypte témoignoient, de ce que ce dieu étoit retrouvé, étoit causée par quelque échec que fes troupes avoient reçû. Lorfque Cambyfe monta à cheval pour retourner en Perfe, fon épée étant tombée du foureau, lui fit à la cuiffe une bleffure dont il mourut.

Les Egyptiens regardérent cet accident fi marqué, comme une vengeance de Dieu, en quoi ils ne se trompérent peut être pas: car comme il arrive rarement, dit Prideaux [z], que dans les injures qui font faites à une manière de culte, quelque erroné qu'il puiffe être, la religion en général n'en reçoive quelque atteinte;il y a auffi dans l'histoire un grand nombre d'exemples de punitions fignalées,que Dieu a faites de la prophanations de la religion, dans les temps les

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plus corrompus, & fous l'idolâtrie la plus groffiére des Gentils.

Xerxés [a Jouvrit le tombeau de Bc. lus,il y trouva les reftes d'un cadavre nageant dans de l'huile, il s'en falloit de la hauteur d'une palme,que l'huile ne rem, plit l'urne, il étoit écrit fur une colomne à côté, que celui qui ouvriroit le tombeau, & qui ne rempliroit pas l'urne d'huile, s'en trouveroit mal.Xerxés y fit verfer de l'huile à plufieurs reprises; mais il ne put jamais venir à bout de la remplir. Ce figne de la colére des dieux, lui caufa beaucoup de fraïeur & de trifteffe, & peu après il effuïa de grandes ca. lamités.

L'envoïé des Latins, qui avoit parlé avec mépris de Jupiter Capitolin, mou. rutfubitement; fur quoi Tite-Live dit [b], que ces chofes peuvent être ou véritables ou inventées pour infpirer la

crainte des dieux.

Le faux messie Barcochébas [c] jet toit des flammes par la bouche. Eunus efclave d'un Sicilien [d], avoit pratiqué la même rufe pour éxciter à la révolte les esclaves, à la tête defquels il fit la guerre à la république Romaine. Il fe donnoit les apparences d'un homme infpiré des dieux par les agitations du corps, & les contorfions du vifage ; il fe mettoit dans la bouche une noix qu'il avoit vuidée & percée aux deux extrémités, & où il avoit mis du fou

[4] CL.Elian.variar, hiftor L.x3.c.3. [6] Nam & vera effe, & aptè ad repræfentandam iram deûm ficta foffunt Tit. Liv. l. 8.

[c] S. Hieronym apolog.z.contra Rufin.. [d] Flor. l. 3. c. 19.

[e] Diog. Laert.id Empedocl. [f] Lucian in Toxar.

[g] Theopomp.ap. Polyb.l.16.

[b] Paufan, in Arcad.

[i] Polyb. loc. citat.

fre & des étoupes enflammées; ainfi à chacune de fes paroles, on voïoit fortir du feu d'entre fes lévres.

Les vents faifant beaucoup de ravage, dans le païs d'Empedocle [e], il fit des outres de peau d'âne, où il les enferma.

Les pyramides d'Egypte fine rendoient aucune ombre : cette opinion cependant ne devoit pas être bien établie,puifque Thalés étoit célébre pour avoir méfuré la hauteur des pyramides par leur ombre.

On difoit [g]que ceux qui entroient malgré les défenfes dans le temple de Jupiter en Arcadie, effuïoient une punition bien finguliére: fçavoir, que leurs, corps ne rendoient plus d'ombre.

Sur le Lycée [b], montagne d'Arcadie, il y avoit une place confacrée à Jupiter, laquelle devoit être inacceffible aux hommes; celui qui entroit dans cette enceinte, mouroit dans l'année. Les corps expofés aux raïons du foleil, n'y faifoient point d'ombre.

Polybe[] attefte que le bruit commun étoit qu'il ne tomboit jamais de pluie ni de neige fur la ftatuë de Diane, ni fur celle de Vefta,dans la ville de Jasfe en Afie, quoique ces ftatuës fuffent expofées à l'air.

Les mouches ni les chiens. [k] n'en troient point dans le temple d'Hercule, à Rome. Solin dit fort férieufement que ce témoignage authentique de la maKk 2

boario nec mufcæ nec canes intrant. Plia!.. 10.c.29.Varr.ap.Plutarch.queft.Rom.Paufan. in Arcad. Gyrald. Syntagm.1. Scalig.adversùs Cardan. de fubtilit. exercit. 246.§.3.

Hoc facellum Herculi in foro boario eft, in quo argumenta & convivii & majeftatis ejus remanent. Nam divinitus illo neque canibus neque mufcis ingreffus eft Etenim cùm vifcerationem facricolis daret, Myïa grum deum dicitur imprecatus; clavam verò in aditu reliquiffe, cujus olfa&tu refu

[4] Romæ in ædem Herculis in foro gerunt canes, Id ufque nunc durat.solin.c.xa

jefté d'Hercule, & qui s'obfervoit encore de fon temps, étoit l'effet à l'égard des mouches d'une prière qu'Hercule avoit faite anciennement au dieu Myïagre ( qui fignifie en grec, chaffe-mouches), & à l'égard des chiens, qu'ils étoient éloignés par l'odeur de la maffuë d'Hercule. Les Cyréniens faifoient des facrifices El Jau dieu Achor pour être délivrés des mouches, & elles mouroient auffitôt après ces facrifices.

Les oifeaux n'entroient point [m] dans le temple d'Achille, près du Boryfthéne. Il y avoit une place [n] dans l'Arcadie, qui étoit un azile aux bêtes pourfuivies par d'autres animaux. Le loup ou l'épervier pourfuivant leurs proies, étoient obligés de s'y arrêter. Ce lieu étoit autrefois un temple du dieu Pan.

L'interpréte de Lycophron attefte que les corneilles n'ofoient approcher du temple de minerve; & fi l'on ajoute foi à Celius Rhodiginus [•],on ne voïoit au cune mouche dans le lieu où l'on célébroit les jeux Olympiques.

Les Perdrix de l'Attique [p] ne paffo ient point les limites qui féparoient ce païs de la Bootie, & aucun oiseau ne voloit audeffus du temple d'Achille qui étoit dans l'ifle de Pont, où ce Héros avoit fa fépulture.

La prêtreffe de Dianne [q] qui portoit cette divinité en proceffion dans Lacedémone, affuroit qu'elle la fentoit s'ap pefantir extraordinairement, fi l'on é par gnoit les jeunes garçons qui devoient être fouettés en fon honneur.

L'ifle de Délos parut tout d'un coup fur la mer pour favorifer les couches de Latone, & elle ceffa de flotter après qu'Apollon & Diane y furent nés; les Egyptiens publioient au contraire [ √ ], que l'ifle de Chemnis étoit devenue flottante après que Latone y eut caché Apollon & Diane.

Les Amphictions [s] aïant condamné les peuples de la Phocide à une groffe amende, pour avoir ravagé la campagne de Cirrha, qui étoit confacrée à Apollon, & ces peuples ne pouvant la paer, tout leur païs alloit être adjugé à ce dieu. Un des principaux habitants de la Phocide nommé Philomele, fe mit à la tête des Phocéens, s'empara du tréfor de Delphes, & commença une guerre ap pellée la guerre facrée,qui dura dix ans, depuis la derniére année de la rof.olym piade, jufqu'à la prémiére de la io8. De touts ces facriléges, il n'y en cut prefque point qui ne mourût d'une mort violente. Les géneraux des Phocéens périrent d'une maniére funefte. Leurs femmes qui avoient mis fur elles les ornements, que leurs maris avoient pillés dans le temple, moururent malheureusement.

A la prife de Milet par Aléxandre, [?]' les foldats qui entrérent dans le temple de Cérés, furent aveuglés par une flamme qui garantit le temple du pillage.

Les troupes d'Augufte aiant pillé un temple de Diane, on difoit que celui qui avoit mis le prémier la main fur la ftatuë de la déeffe, avoit perdu la vûë fubitement, & étoit devenu

[1] Quæ protinus intereunt, poftquam libatum eft illi deo. Plin.l.10.0.29.

[m] Alex. ab Alex genial. dier. 1.2.c.24. [n] Cal Rhodig.l.33.c 30. [o] Cal. Rhodig.loc.citat.

[p] Perdices non tranfvolant Bootie fines in Atticâ, nec ulla avis in Ponto in

fulâ quâ fepultus eft Achilles facratam ej ædem, Plin.l.vo.c.29.

[q] Paufan.in Laconic.

[r] Ml'abbé Banier, explicat. hiftorig.des fablentret.6.8.1.p.293.

[s] Diod.Sic.l.16. Paufan.in Phocaïc. [I Val. Max, k, 1.0, 1.

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