Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

Du Démon

[blocks in formation]

Damafcius, philofophe payen, qui vivoit fous l'empire de Juftinien, a Apparition des spectres.. compofé des livres pleins d'appari. tions de spectres & de génies. C'étoit une opinion répanduë parmi les Grecs & les Romains, que dans les lieux où il avoit été commis quelque meurte, il revenoit des efprits & des fpectres.

dent, il entendoit une voix qui l'appelloit par fon nom, & qui ajoutoit quelque fois des paroles très distinctes. De touts les efprits familiers, aucun desocrate, n'a été fi célébre que celui de Socrate. Ses avertiffements n'excitoient jamais ce philofophe à aucune entreprife [c], ils confiitoient feulement à le détourner [d]. C'étoit un efprit purement négatif. Apulée [e] a prétendu que c'étoit un dieu; Lactance [f], & Tertullien [g], que c'étoit un mauvais ange; Apulée a crû qu'il étoit visible; Platon [b] témoigne qu'il étoit in visible. Plutarque [i] eft d'avis que c'étoit un préfage par l'éternuëment; Maxime de Tyr [k], que c'étoit le remords de fa confcience, qui s'oppo foit à la promptitude de fon tempé rament; Pomponace [], que c'étoit l'aftre qui dominoit en fa nativité; Montagne [m], que c'étoit une certaine impulfion de volonté, qui fe préfentoit à lui; Naudé [n], que c'étoit la fageffe formée par l'expérience qu'il avoit des chofes, & par l'affemblage de fes vertus: de forte qu'on a crû de lui [o] ce qu'Homére a dit poëtiquement de fes héros, qu'ils étoient accompagnés de certaines divinités dans les périls où leur valeur les expofoit.

[ocr errors]

Socrate, après la défaite de l'armée commandée par le préteur Lachés [pl

(c) S. Clem. Alex. ftromat, lib. 1.

(d) Divinum quoddam, quod Socrates dæmonium appellat, cui femper ipfe paruerit, nunquam impellenti, fæpe revocanti. Cic. de divinat. lib. 2.

[blocks in formation]

Suétone [9] a écrit, qu'après la mort de Caligula, les concierges du palais où il avoit été maffacré épouvantés toutes les nuits par des fpectres, & faifis de terreur, jufqu'à ce que fes fœurs revenues d'exil, lui euffent fait faire une pompe funebre. Pline le jeune [r] raconte une histoire fort fingulière. Le philofophe Athénodore de Tarfe, attiré par la modicité du prix, acheta une maifon d'Athénes, décriée pour les apparitions d'efprits. Etant venu s'y établir, & étant occupé à l'étude, pendant la nuit il entendit un grand bruit de chaînes,

[ocr errors]

(0) Quæ res Homerum impulit, ut principibus heroum Ulyffi, Agamemno ni Achilli certos deos periculorum comites adjungeret. Cic.de nat. deor lib. 2.

[p] Socrates cùm apud Delium male pugnatum effet, Lachete prætore, fugeretque cum ipfo Lachete, ut ventum eft in trivium, eâdem, quâ cæteri fugere noluit. Quærentibus cur non eâdem viâ pergeret, deterreri se à Deo dixit. Tum quidem ii, qui aliâ viâ fugerant in hoftium, 12. equitatum inciderunt. Cic. de divinat.lib.1 ̧ ̧ [q] Suet. in Calig.

[r] Plin. epift. lib. 7. epift. ad Suram。・

& vit un vieillard affreux, chargé de fers, qui lui fit figne de le fuivre. Le philofophe le fuivit jufques dans la cour, où le phantôme difparut. Il remarqua le lieu, & avertit les magif trats, qui firent fouir la terre en cet endroit; on y trouva un cadavre en chaîné. On fit à cette ombre plaintive des funérailles folemnelles, après quoi la maison fut tranquille, & Athé nodore profita du bon marché.

Ovide [] rapporte que les guerres continuelles aiant fait négliger la fête [] qu'on avoit coutume de célébrer pour les mânes des défunts, Rome fut défolée par la pefte: les morts fortirent des tombeaux, & fe promenérent par la ville, en faifant des hurlements affreux. On ne trouva point d'autre reméde à un malfi effraïant, que de rétablir les cérémo nies qui avoient été interrompuës. Cette fête, dont Ovide rapporte l'ori gine à Enée, & l'inftitution à Numa, revenoit tous les ans fur la fin de Février, & étoit différente des Lémurales, qui fe célébroient dans le mois de Mai, & qui furent d'abord établies pour appaifer les mânes de Remus. Il y avoit auffi à Athénes, & dans plufieurs autres villes de la Gréce, des fêtes folemnelles des morts, qui fe célébroient [u] pendant le mois Anteftérion, qui répond en partie au

mois de Février.

[blocks in formation]

On trouve dans les antiquités de Paris, que la Chartreufe de Paris étoit un palais, apellé le palais de Vau. vert; qu'il étoit inhabitable par les apparitions des fpectres,& qu'il futdonné par S. Louis aux Chartreux, quien chafferent les démons ; c'eft de là qu'eft venu le proverbe,du diable de Vauvert. Les uns ont regardé les apparitions des efprits, comme des réalités, les autres les ont rapportées aux illufions de l'imagination.

13.

prits, in

fainte écri

Un témoignage qui ne peut être Ap arirévoqué en doute, eft celui de la fain. tions d'el te Ecriture, qui fait mention du fer- contestabies pent, fous la forme duquel le diable ivant la féduifit Eve; de l'ange qui frappa les ture. prémiers nés d'Egypte, de celui qui fut le conducteur du peuple d'Ifrael au travers de la mer Rouge, & dans le défert; des anges qui apparurent à Loth; de l'ange qui montra une fontaine à Agar; de l'ange qui s'oppofa à Balaam; de celui qui frappa de pefte foixante & dix mille hommes en trois jours; de celui qui fit mourir cent quatre vingt-cinq mille hommes dans le camp des Affyriens; de l'ange qui délivra les trois jeunes hommes de la fournaife; de celui qui roula la pierre qui étoit fur le fépulchre du Seigneur; de ceux qui délivrérent S. Pierre & S. Jean de leurs prifons; de celui qui frappa Hérode Agrippa, enforte que ce roi mourut; de plufieurs dé mons qui tourmentoient vifiblement les hommes, & qui furent chaffés par les miracles de J. C. & de fes apôtres; du démon qui affligea le faint homme Job en fa perfonne, & par la perte de fes biens; de l'efprit malin qui s'empara de Saul; de la tentation de N. S. dans le défert, & de plufieurs autres appa

θα ατεσία

[x] Alex. ab Alex genial, dier. lib. 5.6.2.3

rétendus

ritions des bons & des mauvais efprits. 14. Dans le grand nombre de faits mer. Sources des veilleux racontés par l'hiftoire prophamiracles du ne, & qui y font traités de miracles, aganiline. il est aisé de connoître que le plus grand nombre doit fon origine à la politique des hommes d'état, à la flaterie des courtifans, aux artifices des prêtres des faux dieux, à la crédulité des hiftoriens, à la fuperftition des peuples; mais il eft auffi très-vraifemblable que les efprits de ténébres, occupés fans ceffe à tromper les hommes, & à leur tendre des piéges, ont fufcité de temps en temps quelques illufions. Tout ce que les anciens auteurs ont débité en ce genre, peut être rapporté à ces différentes caufes. Je me contenterai d'affembler ici les plus célébres de ces faits, laiffant au lecteur le choix des conjectures.

Pendant la nuit qui précéda la victoire que Pothunius remporta fur les Sabins [y], les javelots des Romains jettoient la même clarté que des flambeaux. Le continuateur des commentaires de Céfar[z] rapporte que la même chofe arriva à la cinquiéme légion en Afrique dans le camp de Céfar. Suivant Procope [ a ] le ciel favorifa du même prodige le fameux Bélifaire dans la guerre contre les Vandales. On lit dans Tite-Live [b] que Lucius Atreiis aïant acheté un javelot pour fon fils; qui venoit d'être enrôlé parmi les foldats, cette arme parut embrafée, & jetta des flammes pendant plus de deux heures fans être confumée par le feu

Dans une fête de Bacchus [c], appel lée Thyia, on mettoit les fcellés fur des

[y] Sen. quafi. nat. lib. 1. c. v.
[z] Hirt.comment. de bell. African.
[a] Procop. de bell. Vandal, lib. 2. c. 2.
[b]Tit. Liv. lib. 43.

[c] Ariftot, mirabil, aufcult. Paufan, lib.

cruches vuides qui fe trouvoient pleines de vin lorsqu'on levoit les fcellés.

La lune fe plaifoit à être adorée fous. un nom mafculin. Ceux qui lui adresfoient leur culte comme à une déesse, étoient affujétis à leurs femmes [ d ]; mais ceux qui l'honoroient comme un dieu, étoient les maîtres dans leurs maifons, & leurs femmes leurs étoient foumifes.

S. Auguftin [e] dit qu'il y a de la témérité à nier les accouplements des démons avec les femmes. La naissance de plufieurs grands hommes leur a été attribuée. Frédegaire, un des anciens. auteurs de l'histoire de France, rapporte que Mérouée naquit de l'union de la femme de Clodion avec un monftre marin.

avec les

Théfée, Romulus, Servius Tullius, TS. Alexandre, Platon, Scipion, & plu- ments des Accoupled fieurs autres ont paflé pour avoir été démons engendrés par des divinités. Un fpectre femmes.. apparut à la mére d'Apollonius des Thyane pendant fa groffeffe [f]: elle lui demanda fans s'effraïer 'de quoi elle: accoucheroit : De moi, qui fuis Protée, lui répondit le fpectre. Suivant TiteLive [g], la renommée publioit qu'on avoit vû fouvent un ferpent dans le lit de la mére de Scipion l'Africain, comme autrefois dans le lit d'Olympias, mére d'Alexandre. Des opinions: femblables de naiffances miraculeuses, ont eu cours parmi les Chrétiens, & on croïoit dans les derniers fiécles, qu'une dame nommée Mellufine qui étoit entrée dans la maifon de Luzignan, & dont cette maifon étoit def cendue & plufieurs autres par allian ces, étoit une Nymphe, moitié femIi 3

6. Eliac 2. Huet Alnet. quaft. lib.2.c. 18. [d] Spartian.in Carac.

[e] S. Aug. de civit, Dei, lib. 15. c. 23 [f] Philoftr.in Apollon, lib. 1. c.6.. [g] Tit. Liv. lib. 26.

1

16. Autres

miracu

Ленда

me & moitié poiffon; & que la maifon de Cléves tiroit fon origine d'un démon incube. L'hiftoire a publié que le roi Habis avoit été nourri par une biche; Cyrus par une chienne; Romulus & Remus par une louve; Midas par des fourmies; Hiéron & Platon par des abeilles; Pythagore par le fuc diftillant d'un peuplier; Efculape[b] par une chèvre, & que le chien du berger quitta le troupeau pour veiller à la garde de ce divin enfant. On peut appliquer à ces faits[i]les paroles de Tite-Live qui dit, que de pareilles hiftoires ne méritent, ni d'être affirmées, ni d'être réfutées; mais qu'il eft à propos de ne pas ignorer ce qui en a été publié par la renommée.

Le temple de Delphes étant menacé exemples du pillage par l'armée des Gaulois, la de récits prêtreffe fit dire aux Grecs, que le dieu n'abandonneroit point la défenfe de fon temple, & qu'il fe chargeroit de ce foin[k] avec les vierges blanches, par où Apollon entendoit les neiges qu'il avoit réfolu de faire tomber fur les Gaulois[1]. Le terrein qu'ils occupoient fut agité de violents tremblements, de terre: ils furent effraïés par un tonnerre & des éclairs continuels; plufieurs furent frappés de la foudre; on vit paroître en l'air des héros de l'ancien temps qui animoient les Grecs, & combattoient eux-mêmes contre les Barbares. Les Gaulois furent faifis d'un froid mortel, qui devint encore plus Quifant par la quantité de neiges qui

[b] Paufan, in Laconic.

[i] Hæc neque affirmare, neque refel.. Tere operæ pretium eft; famâ rerum ftandum eft. Tit. Liv.

[7] Ε' μοι μελήσοι ταῦτα, καὶ λευχαίς,

κόραις.

[1] Juftin.l. 24. Pausan, in Astic, & in Phoc.

[m] Hérodot, Uran,
[n], Peucer, de oracul..

tomba ; & au lever du Soleil les Grecs en tuérent un grand nombre à coups. de flêches, fans qu'ils puffent feulement fe défendre..

De femblables prodiges [m] garan tirent ce temple, lorfqu'il fut en danger d'être détruit par les troupes de Xerxés.

Sous Conftantin, le temple de Delphes fut pillé par les Chrétiens. Sondieu tutélaire avoit alors perdu fon pouvoir; Julien l'apoftat l'aïant rétabli [n], il a éte détruit peu après par le tonnerre; & il n'eft refté aucun. veftige, ni de la ftatuë d'Apollon, ni de l'entrée de la caverne.

Les Amazones [o]aïant voulu pil-.. ler le temple d'Achille, leur chevaux. les renverférent par terre, les dévorérent, & fe précipitérent enfuite dans. la mer.

Les commentateurs de l'Alcoran [p] racontent que pour préferver le temple de la Mecque du pillage, Dieu envoïa contre les Ethiopiens de grandes. armées d'oifeaux qui portoient chacun. trois pierres, une au bec & une à chaque pié, & que fur chacune de ces. pierres étoit écrit le nom de celui qui devoit en avoir la tête caffée..

Le baton, augural de Romulus fut confervé miraculeufement [9] au milieu d'un incendie. Tarquin, l'ancien roi de Rome,voulant éprouver l'augure Nævius, lui demanda s'il étoit poffible d'exécuter ce qu'il avoit dans la pensées, au moment qu'il lui faifoit.

[o] Philoftr.heroïc. in Neoptol., [p] Prideaux, vie de Mahomet.. [9] Quid lituus ifte vefter, quod eft clariffimum infigne auguratûs, unde vobis. traditus eft ? nempe eo Romulus regiones direxit, tum. cùm urbem condidit. Qui quidem Romuli lituus, cùm fitus effet in curiâ, quæ eft in palatio, eaque deflagraffet inventus eft integer. Cic, de invent. libes. Plutarch, in Romul, & in Camill,.

.

cette question. Nævius répondit au roi, que la volonté des dieux étoit de le rendre poffible. Il s'agit, dit Tarquin, de couper cette roche avec un rafoir. Nævius prenant un rafoir, fépara la roche en deux en préfence du roi. Cicéron fort incrédule fur ces miracles [r] traite celui-ci de fable, & il met au même rang[s] la préfence de Caftor & de Pollux au combat du lac Rhégille; les entretiens de Numa avec la nymphe Egérie, la durée du figuier fous lequel Romulus avoit été alaité, & les avertiffements de la marche des Gaulois par des voix aëriennes.

Elien [] parle d'un afpic facré, qui n'attaquoit que les méchants, & me faifoit aucun mal aux gens de bien. S. Ifidore[] avance que les fontaines minérales de Sardaigne guériffent les maux d'yeux, mais qu'elles rendent les voleurs aveugles, & découvrent ainfi leurs crimes.

Abaris [x]par la vertu de fa fléche, traverfoit les plus larges riviéres, & les montagnes les plus inacceffibles calmoit les tempêtes, & commandoit à toute la nature.

Périclés [y], pour encourager fes troupes au moment du combat, fit fortir d'un bois fombre un homme d'une grandeur extraordinaire, élevé fur un char attelé de chevaux blancs, aïant un manteau de pourpre, de riches brodequins, & une chevelure éclatante, qui appella à haute voix Périclés, & lui promit la victoire.

Marius menoit avec lui une femme

[r] Omitte igitur lituum Romuli_, quem in maximo incendio negas potuiffe comburi; omitte cotem Attii Nævii. Nihil debet effe in philofophiâ commentitiis fabellis loci. Cic. de divinat. lib. 2. [s] Cic. de divinat. lib. 2.

[1]Cl Elian.variar.biftoriar.lib.10.6.31. [u] S. Ifid. orig. lib, 13.c. 13.

[x] Orig. contra Celf. lib. 3. Dia. crit.de

[ocr errors]
[ocr errors]

Scythe & feignoit qu'il apprenoit d'elle quel devoit être le fuccès de toutes fes entreprifes. Sertorius avoit une biche, dreffée à s'approcher de fon oréille. Néron [z] portoit une petite ftatue, voulant perfuader qu'elle lui pró. difoit l'avenir: & le dictateur Sylla [a] avoit toujours fur lui un petit Apollon, à qui il adreffoit des prières en public, comme fi cette divinité ne pouvoit lai manquer au befoin.

Epaminondas [b] aïant fait enlever toutes les armes fufpendues dans un temple, prefuada aux Thébains que les divinités de Thébes s'y étoient atmées pour combattre avec eux contre leurs ennemis.

Henri II. s'étant informé du duc d'Albe, fur quel fondement on avoit publié que le foleil s'étoit arrêté, & avoit retardé fon cours, pour favorifer la victoire de Charles-Quint au paffage de l'Elbe, ce feigneur répondit auroi, qu'à la vérité c'étoit un bruit généralement répandu; que pour lui, il étoit alors fi occupé des chofes qui fe paffoient fur la terre, qu'il n'avoit pas eu le loifir d'obferver ce qui arrivoit dans le ciel.

Pyrrhus [c]guérifoit les maux de rate, en facrifiant un coq blanc, & en preffant doucement de fon pié droit ce vifcére des malades couchés fur le dos.

Vefpafien [d]étant à Aléxandrie, guérit un aveugle en lui mettant de fa falive fur les yeux; & il rendit la vi gueurà la main d'un paralytique, en marchant deffus, après que l'aveugle

Bayle art. Abaris.

[y] Plutarch. in Pericl.
[z] Suet. in Ner.

[a] Plutarch.in Syll.
[b] Stratag. Frontin. lib. 1. c. 11.
[c] Plutarch. in Pyrrh.

[d] Xiphil, è Dion. lib, 66, Tacit. Hiftoriar. lib. 4. Suet, in Vefp. c. 7.

« PreviousContinue »