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Il est dans les rayons dont l'horizon s'enflamme,
Dans l'étoile des nuits, et dans l'azur des mers.
Sa majesté triomphe au sein de la tempête,
Son regard flamboyant dans l'éclair a relui,
Et l'asile sacré qui protége ma tête,

C'est Lui, c'est toujours Lui!

Il est dans l'hymne saint que répètent les anges
Et dont l'écho lointain retentit jusqu'à moi;
Les oiseaux gazouillants célèbrent ses louanges,
Le murmure des eaux le redit à ma foi.
Le souffle du zéphir, l'abeille qui bourdonne,
Le silence du soir quand le soleil a fui,

Tout a des chants divins, partout son nom résonne;
C'est Lui, partout c'est Lui!

Le retentissement des empires qui croulent,
Et des peuples émus les cris étourdissants,
Le sourd bourdonnement des siècles qui s'écoulent,
Font entendre sa voix dans leurs rauques accents;
Elle éclate parmi les bruits divers du monde ;
Jamais plus clairement ni plus haut qu'aujourd'hui ;
Dans les rugissements de l'univers qui gronde...
C'est Lui, c'est toujours Lui!

Mais mon cœur aime mieux l'écouter dans le Livre :
Là, sa voix se module en sons articulés;

Sa voix y parle aux morts, sa voix les fait revivre ; Ils volent à sa voix vers les cieux étoilés.

Ce livre qui bénit, sanctifie et console,

Est le trône éclatant d'où sa gloire m'a lui;
Je l'écoute à genoux, car la Sainte Parole,
C'est Lui, c'est toujours Lui!

Son amour m'environne, et l'air que je respire,
Le pain qui me nourrit et l'abri de mon toit,
Ma joyeuse santé, les doux chants de ma lyre,
Tous ces biens, c'est à Lui que mon âme les doit.
Si mes cieux sont obscurs, si la douleur amère
A mon cœur dans le deuil apporte un long ennui,

Qui trouvé-je voilé sous un mal salutaire?

C'est Lui, c'est encor Lui!

C'est Lui qui, par la main, dès l'aube de ma vie,
Me saisit, égaré dans un désert sans bord;
D'un mirage trompeur mon âme était ravie;
A sa poursuite, hélas! j'eus rencontré la mort.
Depuis, dans mes dangers, il fut ma délivrance;
Ma course chancelante en Lui trouve un appui;
Sous l'aspect du trépas je le vois qui s'avance,
C'est Lui qui vient, c'est Lui!

Le fragment suivant d'une pièce intitulée le Voyage, nous a semblé au moins aussi remarquable. Il a de la grandeur et de la grâce; l'allégorie qu'il développe est neuve et frappante; et par un bonheur que n'ont pas toutes les allégories, l'image est si peu sacrifiée à l'idée, l'auteur a si bien su nous intéresser à toutes les deux à la fois, que le poëme, dépouillé de son sens allégorique, est encore un poëme complet, qui, réduit à sa plus prochaine signification, se suffit à lui-même. Le fragment que nous citons est suivi d'une explication; poétiquement, il valait mieux peut-être laisser l'allégorie s'expliquer elle-même, et ne point ajouter de contre-partie.

Aux flancs des monts si beaux, que pour notre patrie
Dieu forma de ses mains, nobles et gracieux,
Serpentent lentement, de prairie en prairie,
De longs sentiers, tracés de leur base fleurie
Jusqu'au sommet blanchi qui se perd dans les cieux.

Vers ces monts admirés celui qui s'achemine
Sourit aux doux vallons, ceinture de leurs pieds;
Il orne son chapeau de bouquets d'aubépine
Cueillis en gravissant la première colline,
Mais qui, bientôt flétris, tomberont oubliés.

Il marche; le chemin, plus roide, se resserre;
L'ombre des hauts noyers ne le protége plus;
Les ronces, les cailloux du sentier solitaire,
Unissant leurs ennuis aux feux de l'atmosphère,
Interdisent les chants et les pas superflus.

Du torrent écumeux les arides rivages,
L'étroit passage au bord des abîmes béants,
Le fatigant trajet des mornes pâturages,
Des débris entassés et des forêts sauvages,
Mènent le voyageur au pied des pics géants.

Cependant, quelquefois une source limpide,
L'ombre des noirs sapins et des chênes branchus,
L'agreste chant du pâtre, ou la cloche timide
De la chèvre, grimpant aux flancs d'un roc humide,
Charment pour un moment ses esprits abattus.

Cependant, quelquefois dans sa rude carrière,
Cessant de regarder ses pieds et le gazon,

Il se tourne, et, jetant ses regards en arrière,
Embrasse d'un coup d'œil, avec sa route entière,
Les ravissants aspects du plus vaste horizon.

Il respire un instant, un instant se repose,
En passant rafraîchit ses lèvres au ruisseau;
Des Alpes, sous un roc, s'il voit fleurir la rose,
C'est là que, vers midi, pour s'étendre, il dépose,
Près d'une source vive, un instant, son fardeau.

Mais ce n'est qu'un instant, mais vers la haute cime,
Sans de plus longs retards il dirige ses pas;
Son sentier désormais doit cotoyer l'abîme;
Il est las, le péril l'excite et le ranime;

La fatigue et l'effroi ne l'arrêteront pas.

Enfin il touche au but, il s'arrête, il admire
Les immenses lointains déroulés sous ses yeux,
Et du ciel étoilé le magnifique empire.
Pour attendre le jour, dont l'éclat se retire,
Il dresse là sa tente, et s'endort près des cieux.

On a pu voir, dans ces deux citations, de quels yeux un chrétien voit la nature; d'autres morceaux pourraient montrer comment les saintes affections domestiques deviennent, dans un tel cœur, plus saintes encore, et tout ensemble plus tendres. Car, ainsi qu'un ami l'écrivait un jour à son ami, « c'est « sur le terrain de la croyance chrétienne que naît la véritable intimité des cœurs. Toutes les autres «< convenances ou sympathies n'ont pas ce pouvoir. « Sous leur influence, les âmes ne se joignent pas « par ce qu'elles ont de plus intérieur et de plus

profond. Dieu seul est le vrai milieu de la vraie « amitié. C'est en lui qu'elle s'accomplit comme « tout le reste. Toute liaison, si douce et si chère qu'elle soit, reste superficielle, tant qu'elle n'est ⚫ pas trempée dans cet élément. Les relations mêmes << de la nature y gagnent, et beaucoup, alors même qu'elles ne semblent pas pouvoir devenir plus in« times; ce n'est qu'après que le christianisme leur « a fait sentir son influence, qu'on sent qu'elles «< avaient quelque chose à gagner. La charité s'a

joute à tous les amours comme l'infini à toutes les « espérances. N'est-ce pas là un sceau irrécusable « de la divinité de notre cher Évangile ? Aimons-la « donc bien, cette Parole, qui est un fait, une vie, << une seconde nature humaine, une résurrection de « tout cet ensemble de forces primitives, de joies « et de gloire, qui s'était enseveli avec nous dans le « tombeau du péché. »

V.

JUSTE ET CAROLINE OLIVIER.

LES DEUX VOIX.

Un volume in-8°. - 1835.

C'est quelque chose de nouveau, et de piquant peut-être par sa nouveauté, qu'un recueil de poésies composé par deux époux. La manière dont les qualités poétiques sont distribuées entre ces deux talents n'offre pas une singularité moins intéressante: l'élévation et la gravité du côté de la femme, la naïveté et la grâce dans le lot du mari. Et ce qui est le plus important, c'est que ce volume, en dépit de l'imitation peut-être trop complaisante de quelques allures modernes, ajoute à tous les genres connus et cultivés un genre vraiment nouveau. Et ne croyez pas à une invention proprement dite, à un système; en poésie, ce sont ceux qui ne cherchent pas qui trouvent. Quand Silvio Pellico ouvrit en Italie le trésor de cette poésie intime, fille du bonheur domestique et des affections paisibles, et dont un mot allemand (gemüthlich) résume tous les charmes, il n'inventa pas cette poésie si étrangère à son pays, il la trouva dans son cœur et dans une

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