2. Les hom conduite des gènies. Les péres de l'Eglife, la plupart des mes fous la Philofophes, & principalement Pythagore & les Platoniciens fe font accordés en ce point [c], que chaque homme eft fous la conduite d'un démon ou d'un ange. Plufieurs même d'entr'eux[d]ont mis en la compagnie de chaque homme un bon & un mauvais génie. Platon enfeigne [e] que comme la garde des troupeaux n'eft pas donnée aux bêtes, mais aux hommes, auffi la garde des hommes a été donnée aux démons. Après les dieux céleftes, dit le même auteur [f], l'homme fage fa [4] Dæmonas autem grammatici dictos ajunt, quafi darovas id eft peritos ac rerum fcios. Hos autem putant deos esse. Laffant.lib.2.c.15. [6] Col. Rhodig.lib.2.c.2. [c] Cal. Rhodig. lib. 2. c. 10. Απαντα δαίμων ανδρί συμπαρίςαται Ευθὶς γενομένω, μυςαγογὸς τὸ βίε . Με nandr. [d] Petr. Lombard, magiftr. fententiar.lib, 2.diftin&t.11. [e] Plat. de legib, lib.4. [f] Plat.ibid. [g] Plato autumat fingulis hominibus teftem & cuftodem additum, qui nemini confpicuus femper adut, teftis etiam cogi crifiera aux démons, & après les démons aux héros. Le fentiment de Platon, fuivant Apulée [g], eft qu'un démon a été adjoint à chaque homme, pour être le témoin invifible de toutes les actions, & même de fes penfées les plus fecrétes; qu'auffi-tôt après la mort de l'homme, le démon entraîne l'ame devant fon juge; qu'il eft fon accufateur ou fon défenfeur, & que le juge prononce fuivant le témoignage du dé mon. Quatre for rituelles Platoni Héfiode & les Platoniciens, outre le prémier être, admettoient quatre 3. fortes de fubftances fpirituelles [b]; tes de fu les dieux celeftes, les démons qui leur ances font inférieurs, les héros, & les ames fuivant des hommes. Thalés, Pythagore, its. Platon, & avant eux les prêtres Egyptiens, & Héfiode [i] ont enfeigné que l'air [k] eft plein de fubftances fpirituelles & imperceptibles à nos fens : & fuivant la doctrine Platonicienne, c'é- L'air e toit par le miniftére de ces démons, plein de que les hommes & les autres animaux fuivant avoient été créés. démons plufieurs philofo Le fentimens de Varron [7] étoit, phes. que tout l'athmofphére au deffous de la lune, eft rempli de fubftances animées aëriennes, & que toutes les au tationum. Ac ubi, vitâ editâ, remeandum eft, eumdem illum raptare illico & trahere veluti cuftodiam fuam ad judicium, atque illic in caufâ dicendâ affiftere, prorfus illius teftimonio ferri fententiam. Apul. de Deo Socrat. [b]Jamblic.de myfter. Egypt. [i] Stani.hift.philof.in Thal c.6. [k] Quodque patet terras inter cœlique meatus, Semideis manes habitant: Lucan. lib. 9. [1] Omnes partes mundi animarum effe plenas, intra lunæ gyrum animas effe aërias. Varr, ap. S. Auguft. de civit. Dei, lib.7.c.6. tres parties de l'univers contiennent des fubftances animées de différentes efpéces. Marcel Palingenius [m] eftime que, puifque les parties les plus groffiéres du monde, les airs, la terre & les mers ont des habitants, à plus forte raison les cieux, & les autres régions plus pures & plus étenduës ne doivent pas être défertes; & que penfer autrement, c'est avoir des idées peu dignes de la magnificence du Créateur.Les imaginations des philofophes fe font donné une libre carriére fur le nombre immenfe d'habitants, dont ils ont peuplé non feulement les planétes de notre tourbillon, mais la quantité prodigieufe de tourbillons,qu'ils ont imaginés,& qu'ils [m] Quid tellus, pontufque fimul ? punctum prope dicas Si mundi fpatium immenfum ac mirabile acuto Perpendas animo: quin ipfis quodlibet aftrum Eft majus, veluti perhibent qui talia ont garnis chacun de leurs planétes; comme le nôtre. Des opinions fi vaines ont été foutenues par quelques uns comme des réalités, & par un grand nombre comme des hypothéfes vraisemblables. Nous en parlerons plus au long dans le chapitre de la Phifique ancien ne & moderne. Moyfe, dit Philon [n], a coutumé d'appeller anges ceux que les philofophes nomment démons. Ce font des fubftances qui habitent les airs; & perfonne ne doit croire que ce foit une fable. L'air eft plein d'animaux, mais ils font invifibles à nos yeux, puifque l'air même n'eft pas vifible. Apulée [] ne fçait à quoi se déter pora arenæ Littoribus cun&tis, cunctis quot gramina campis: tiens fur les démons. miner au fujet de la magie, quoiqu'il foit plus porté à croire, fuivant l'opinion Platonicienne, qu'il y a des fubftances mitoïennes par leur nature & par leur féjour, entre les dieux & les hommes; & qu'elles gouvernent les oracles & toutes les autres efpéces de divinations. Opinion Suivant l'ancienne doctrine des des Egyp- Egyptiens [p], il y a trente-fix démons dans l'air, qui ont partagé entr'eux la domination du corps de l'homme divifé en autant de parties. Quelques Rabbins [9] ont crû que parmi les anges il y avoit différence de féxe, les uns étant mâles, & les autres femelles. Les philofophes donnoient l'air pour demeure aux démons[r], ne croiant pas qu'ils euffent le mérite néceffaire pour être dieux du ciel; mais les regardant auffi comme des fubftances d'une condition trop relevée, pour n'être que de fimples habitants de la terre. La philofophie Platonicienne [s]avoit fi fort multiplié les génies, qu'elle en affignoit aux maifons, aux portes, aux bains,à chaque meuble en particulier, à & loco medias quafdam divorum potefta- [p] Origen, contra Celf. lib. 8. [9] Lepére Calmet, differt. fur les bons les mauvais anges à la téte du comment.fur.S. Luc. t. 7.p. 390. [r] Semones dici voluerunt deos, quos neque cœlo dignos adfcriberent, ob meriti paupertatem; neque terrenos deputarent pro gratiæ veneratione S Fulgens. de prisc. ferm. [s] Cum portis, domibus, thermis, tabulis foleatis Affignare fuos genios, perque omnia. membra Urbis, perque locos, geniorum millia multa Fingere, nec propriâ vacet angulus ullus ab umbrâ. S. Prudent, contra Symmach. lib. 2. [] .. nihilo quæ funt metuenda magis, touts les quartiers de la ville; en forte qu'il n'y avoit pas un coin qui ne fût fous la protection d'un démon tutélaire. metoient aucune Les Saducéens & les Epicuriens nioient Quelqu au contraire [] qu'il y eût aucune fubf philofotance fpirituelle, & ils n'admettoient phes n'ad rien que de corporel dans la nature; de même qu'Alexandre d'Aphrodifée, A- fubftance fpirituell verroës, & plusieurs autres Péripatéticiens. Ariftote n'admettoit point d'efprits aëriens,mais des divinités inférieures, à qui il donnoit l'emploi de préfider chacune en particulier,au mouvement & à la conduite des planétes, & de commander dans les poftes les plus importants de l'univers.Démocrite traitoit les démons de fable & de chimére. Lucréce dit [u] que les remords & le témoignage de la confcience,font les génies qui accompagnent les hommes. Que doit-on penfer, fuivant Cardan[x],de ces génies qui ont apparu à Sylla, à Brutus, à Ciceron, à Caffius, fi ce n'eft que c'étoient les reproches de leurs consciences? Les anciens philofophes, & prefque Fleurs touts les péres de l'Eglife tenoient les ont tenu les anges & les démons [y] corporeis, corpore's. quàm mais démons ment dans ces chemins obfcurs, & mais compofés d'une matiére incom- Suivant quelques auteurs, les démons fe plaifent à prendre la nourriture qui leur eft offerte: Origene [e]a prétendu que leur dépit contre la Religion chrétienne venoit de ce qu'elle a fait ceffer les facrifices, dont la fu mée leur fervoit de nourriture. Les démons, dans l'opinion Platonicienne, font fujets à la douleur, & craignent les épées. Virgile qui étoit de cette fecte, fait dire [f] à Enée par la fibylle de Cumes: Entrez hardi Tom. I. [z] Gregor. ap. Bedam, de elementis philofoph. lib.1. [a] Tertull.de carne Chrifli, c. 6. [e] Origen. contra Celf. lib. 3. & S. ferrum. Virgil. Æneid, lib. 6. [g] Pfellus de operat, damon. [6] Princeps autem regni Perfarum reftitit mihi viginti & uno diebus : & ecce Michaël unus de principibus primis venit in adjutorium meum. Daniel. c. 10, v, 1 3, [i] Epift S.Jul. v. 9. monsin ont noiffance Les démons n'ont qu'une connoif- 8, fance [g] conjecturale de l'avenir: les Les dé anges mêmes ne connoiffent pas l'ave-qu'une connir ni la volonté de Dieu. L'ange pro- cojecturale tecteur des Perfes réfifta pendant vingt de l'avenir. & un jours [b] à l'ange Gabriel, qui travailloit à délivrer les Juifs de la captivité de Babylone, & l'ange Michel vint au fecours de Gabriel. L'épître de S. Jude [i] fait mention de la difpute que l'archange Michel eut avec le diable, au fujet du corps de Moyfe. Les démons, fuivant $. Thomas [k], ont quelque connoiffance de l'avenir de trois maniéres, ou par la fubtilité de leur nature, ou par la révélation, ou par leur longue expérience. Tertullien [] dit, que les anges & les démons parcourent en un moment toute la terre, & qu'étant inftruits de tout ce qui fe paffe par une fi prodigieufe légéreté, ils paroiffent pénétrer dans l'avenir à ceux qui ignorent quelle eft la nature de leur fubftance. Lactance [m] attribue aux démons des connoiffances fort étenduës, mais non pas univerfelles: ce qui fait que ne pouvant découvrir les deffeins de Dieu, ils trompent les hommes par des [n] réponfes ambiguës. I i [k] S. Thom fumm. 1. queft. 64. art.1.& 2. quest. 172. art. 6. (4) Omnis fpiritus ales; hoc & angeli, & dæmones. Igitur momento ubique funt, totus orbis illis locus unus eft, ubi quid geratur, tam facilè fciunt, quàm enuntiant. Velocitas, divinitas creditur, quia fubftantia ignoratur. Tertull. apologet. (m Sciunt illi quidem futura multa, fed non omnia; quippe quibus penitùs confilium Dei fcire non licet, & ideò tolent refponfa in ambiguos eventus tempe rare. La tant.iftit lib. 2.c. 14. (n) L'ambiguité des oracles avoir fait donner à Apollon le furnom de Aoglas. familiers. Cardan [] raconte plufieurs traits Des démons furprenants du démon familier de fon du démon familier de fon pére & du fien propre: mais c'eft le cas d'appliquer ce que de Thou [p] a dit de cet auteur: que quelquefois il paroît être au-deffus de l'homme, & quelque fois au-deffous d'un enfant. Ammian Marcellin [q] fait menApparitions tion de la feconde apparition du génie de l'empereur Julien, peu de temps avant que cet empereur fut tué dans la guerre contre les Perfes; & l'hiftorien ajoute que c'étoit le même génie que Julien avoit vû lorfqu'il fut éléve à l'empire. de génies. Dion [r] vit fon mauvais génie fous la figure hideufe d'une furie de très grande taille, qui balaïoit fa maison. Peu de jours après fon fils tomba d'une fenêtre & fe tua; & Dion fut affaffiné par des conjurés. Brutus recevant la prémiére visite [s] de fon mauvais génie, eut l'afsurance de lui demander: Qui es-tu, & que veux tu? Le génie lui répondit: Nous nous reverrons dans les plaines de Philippes. La nuit qui précéda cette bataille, le génie tint parole, & reparut. Cette apparition n'empêcha pas Brutus de combattre avec beaucoup de courage; il défit entiérement l'aile où étoient les troupes de Céfar Octavien, qui fut depuis Augufte; & fi Caffius qui avoit affaire à Antoine, eût été auffi heureux de fon côté, le parti des républicains eût été Athénes un fpectre femblable à celu que Brutus avoit vû à Philippes. Peu après les foldats détachés par Augufte s'en faifirent, & il fut tué. Des foixan te affaffins de Célar [n], aucun ne mourut d'une mort naturelle; touts firent une fin violente & funefte., L'empereur Pertinax [x] deux jours avant que d'être maffacré, vit un fpectre qui le menaçoit l'épée au poing. Q. Curtius Rufus (qui avoit été gladiateur, & que quelques uns prétendent être l'hiftorien qui a écrit la vie d'Alexandre) vit une grande femme, qui lui dit qu'elle étoit l'Afri que [y], qu'il recevroit de grands honneurs à Rome, & qu'il reverroit l'Afrique, non en fimple particulier, mais en qualité de gouverneur. Le même fpectre revint l'avertir de fa mort. Plotin, fi l'on en croit Porphire [z] étoit fous la protection d'un génie fupérieur à ceux des autres hommes, & qui étoit de l'ordre des dieux. Jean Bodin, auteur célébre, prétendoit avoir un génie qui le détournoit feulement par des marques fenfibles, comme celui de Socrate, fans jamais l'exciter à rien. Le préfident Fauchet propofant un jour à Bodin d'aller en quelque endroit, une efcabelle fe remua, & Bodin dit : C'eft mon génie qui m'avertit de n'y pas aller. Cardan croïoit [a] que fon efprit familier étoit mêlé de Saturne & de Mercure, & qu'il ne fe communiquoit à lui que par les fonges. Campanella [b] a affuré de lui-même, que lorfqu'il étoit menacé de quelque acci (1) Plutarch. in Brut. & in Caf. (u) Plutarch. in Caf. Suet, inJul c.80. Eutrop.lib.6. (x) Jul. Capitol, in Pertin. (y) Plin. epift. lib. 7. epift. ad Suram. (b) Campanell, de fenfu rerum, lib. 3.0.10 |