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& de la Terre, comme l'ont cru les Anciens, & comme le penfent encore bien des Modernes, il faudroit que les Chimiftes, après toutes leurs opérations fur les Mixtes, euffent trouvé quelques veftiges de feu. C'est ce qu'ils n'ont point fait, & ce qu'ils ne feront jamais. Cependant s'il y avoit du feu dans les Mixtes, il feroit aifé de le découvrir; car il n'en eft pas du feu ainfi que de l'air. Ce dernier n'est vifible, que lorfqu'il traverfe quelque fluïde de différente denfité. Le feu, au contraire, eft non feulement toujours visible; mais c'est par lui que les autres objets le font. Par quel miracle pouroit-il donc échaper à la vue des Chimiftes, s'il fortoit des Mixtes qu'ils décompofent?

MR. de Voltaire, dans un Difcours imprimé dans les Mémoires de l'Acadé mie, foutient l'existance d'un Feu Elementaire; mais les raifons qu'il apporte me paroiffent peu convaincantes.,, Il faut, dit-il, que le feu fortant d'une matière quelconque foit un Element fimple, enfermé auparavant dans cette matiè,, re, ou que cet Element foit formé tout d'un coup par cette matière, dans ,, laquelle il n'étoit point. Mais être ,, produit par un Etre, dans lequel on n'éP 5

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toit

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toit point, ce feroit être crée par cet Etre; ce feroit être formé de rien. Donc le feu eft un Element existant ,, indépendamment de tous les autres

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La réponse à cette objection eft la chose du monde la plus fimple. Le feu qui fort d'une matière n'eft ni un Ele, ment fimple qui y étoit, ni un Element produit tout-à-coup. C'eft un Corps compofé de matière fubtile, puifqu'il penètre les corps les plus durs & les plus folides. C'est un Corps qui renferme des parties plus groffières, puifqu'il diffout & reduit en poudre les Corps les plus maffifs. Ce qui jette dans l'erreur ceux qui foutiennent l'existance d'un feu Elementaire, c'eft qu'ils ne diftinguent point la lumière du feu, & qu'ils penfent que la lumière eft le feu lui-même. Mais il eft abfolument néceffaire de ne point leur donner la même effence. Celle de la lumière confifte dans la propagation d'un mouvement vibratoire dans un milieu élastique, qu'on nommé l'Ether. C'est ce que je traiterai bientôt plus amplement en parlant de la lumière.

VOYONS encore une objection de Mr. de Voltaire. Si le mouvement

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», feul,

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,, feul, dit-il, pouvoit produire du feu, ,, comment est-ce que le vent du Mi,, di nous apporteroit toujours de la chaleur en tems férein, & le vent du Nord du froid en tems férein? Un vent du Nord violent devroit échaufer la Ter,, re plus qu'un vent du Midi médiocre". Je réponds à cela, que l'agitation du vent du Nord eft violente, mais directe: or le chaud & la chaleur du feu confiftent dans l'agitation en tout fens des parties infenfibles. C'est au défaut de cette agitation qu'il faut attribuer la froideur du vent du Nord. L'air qui fort rapidement de la bouche par une petite iffue que lui laiffent les lèvres ferrées, eft froid; parce qu'il a une agitation directe: quand il fort plus lentement de la bouche toute ouverte, il eft chaud. D'ailleurs le vent du Nord apporte une grande quantité de nître & de petits glaçons. Si l'on met devant la bouche d'un Souflet une pouffière de glace & de fels pilés, le vent qui fort du Souflet en eft beaucoup plus froid. Le vent du Midi, qui fe charge peu de ces corpufcules, eft moins froid par cette raison.

IL paroît que Newton n'a pas regardé le feu comme un Element qui ne chan

change aucune Substance, ou la fienne propre, puifqu'il a dit dans fon Optique: que la Terre peut fe changer en feu, comme l'eau eft changée en terre. Mr. de Voltaire prétend que Newton auroit corrigé cette idée, s'il avoit eu le tems de la revoir. Mais qui eft-ce qui empêchera

à un autre Philofophe d'affurer que Newton l'auroit confirmée? Ce qu'il y a de certain, c'eft qu'un des plus grands Phificiens qu'il y ait en Europe, & dont je parlerai très fouvent dans la fuite de ce Difcours, eft très perfuadé que l'idée de Newton, que Mr. de Voltaire condamne, est véritable, & peut être justifiée par des expériences.

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S. II.

Sur la nature du Feu.

ES Philofophes font très divifés fur la nature du Feu. Quelques-uns des plus fameux Newtoniens avouent qu'ils ne la connoiffent point; mais feulement quelques-unes de fes propriétés. Mr. s'Gravefande s'explique fur ce fujet en termes précis. Nous avons, dit-il, plu

fieurs notions diftinctes de certaines propriétés du Feu. Mais il y en a beaucoup dont nous n'avons aucune connoiffance. Après cet aveu modefte, Mr. s'Gravefande fait fuccéder le détail des qualités qu'il connoît dans la nature du Feu. La prémière eft celle de pénétrer dans tous les corps, quelques denfes & quelques durs qu'ils foient. La feconde de fe mouvoir avec beaucoup de rapidité. La troisième de fe joindre aux corps. La quatrième d'être attiré par eux à une certaine diftance. A ces propriétés de la nature du Feu, Mr. s'Gravefande ajoute une obfervation; c'eft que tous les corps contiennent en eux des parties de feu, puifqu'ils s'échaufent, s'embrafent même, lorfqu'ils font violemment agités & frottés les uns contre les autres. Nous avons déjà prouvé qu'il n'y avoit point de feu principe. Ainfi nous ne nous arrêterons pas à examiner ce dernier fentiment de Mr. de s'Gravefande. Nous dirons feulement en paffant, que c'est sur les mêmes propriétés qu'il reconnoît dans le feu, que nous fonderons l'opinion que nous avons de fa nature. Ainfi nous combattrons les fentimens des Newtoniens par les mêmes obfervations fur

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