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et de le posséder à découvert et sans voile, ce serait la combattre que de dire qu'on ne voit rien dans le monde qui le montre avec cette évidence. Mais puisqu'elle dit au contraire que les hommes sont dans les ténèbres et dans l'éloignement de Dieu, qu'il s'est caché à leur connaissance, que c'est même le nom qu'il se donne dans les Écritures, Deus absconditus; et enfin, si elle travaille également à établir ces deux choses: que Dieu a établi des marques sensibles dans l'Église pour se faire reconnaître to à ceux qui le chercheraient sincèrement, et qu'il les a couvertes néanmoins de telle sorte qu'il ne sera aperçu que de ceux qui le cherchent de tout leur cœur, quel avantage peuvent-ils tirer, lorsque, dans la négligence où ils font profession d'être, de chercher la vérité, ils crient 15 que rien ne la leur montre? puisque cette obscurité où ils sont, et qu'ils objectent à l'Église, ne fait qu'établir une des choses qu'elle soutient, sans toucher à l'autre, et établit sa doctrine, bien loin de la ruiner . . .

... Mais, en vérité, je leur dirais ce que j'ai dit souvent, o que cette négligence n'est pas supportable. Il ne s'agit pas ici de l'intérêt léger de quelque personne étrangère, pour en user de cette façon; il s'agit de nous-mêmes, et de

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notre tout.

L'immortalité de l'âme est une chose qui nous importe si fort, qui nous touche si profondément, qu'il faut avoir perdu tout sentiment pour être dans l'indifférence de savoir ce qui en est. Toutes nos actions et nos pensées doivent prendre des routes si différentes, selon qu'il y aura des biens éternels à espérer ou non, qu'il est impossi30 ble de faire une démarche avec sens et jugement, qu'en la réglant par la vue de ce point qui doit être notre dernier objet,

Ainsi, notre premier intérêt et notre premier devoir est de nous éclaircir sur ce sujet, d'où dépend toute notre conduite. Et c'est pourquoi, entre ceux qui n'en sont pas persuadés, je fais une extrême différence de ceux qui travaillent de toutes leurs forces à s'en instruire, à ceux 5 qui vivent sans s'en mettre en peine et sans y penser .. Je" Pari de Pescat

Art. X. I. Nous connaissons qu'il y a un infini, et ignorons sa nature. Comme nous savons qu'il est faux que les nombres soient finis; donc il est vrai qu'il y a un infini en nombre: mais nous ne savons ce qu'il est. Il est 10 faux qu'il soit pair, il est faux qu'il soit impair; car en ajoutant l'unité il ne change point de nature; cependant c'est un nombre, et tout nombre est pair ou impair: il est vrai que cela s'entend de tout nombre fini...

Ainsi on peut bien connaître qu'il y a un Dieu sans sa- 15 voir ce qu'il est ...

Qui blâmera donc les chrétiens de ne pouvoir rendre raison de leur créance, eux qui professent une religion dont ils ne peuvent rendre raison? Ils déclarent, en l'exposant au monde, que c'est une sottise, stultitiam, et puis vous 20 vous plaignez de ce qu'ils ne la prouvent pas! S'ils la prouvaient, ils ne tiendraient pas parole: c'est en manquant de preuves qu'ils ne manquent pas de sens. Oui; mais encore que cela excuse ceux qui l'offrent telle, et que cela les ôte de blâme de la produire sans raison, cela 25 n'excuse pas ceux qui la reçoivent. Examinons donc ce point, et disons: Dieu est, ou il n'est pas. Mais de quel côté pencherons-nous? La raison n'y peut rien déterminer. Il y a un chaos infini qui nous sépare. Il se joue un jeu, à l'extrémité de cette distance infinie, où 30 il arrivera croix ou pile. Que gagerez-vous? Par raison,

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vous ne pouvez faire ni l'un ni l'autre; par raison, vous ne pouvez défendre nul des deux ...

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Art. XI. 10 bis... Elle enseigne donc ensemble aux hommes ces deux vérités: et qu'il y a un Dieu dont les 5 hommes sont capables, et qu'il y a une corruption dans la nature qui les en rend indignes. Il importe également aux hommes de connaître l'un et l'autre de ces points, et il est également dangereux à l'homme de connaître Dieu sans connaître sa misère, et de connaître sa misère sans Io connaître le Rédempteur qui l'en peut guérir. Une seule de ces connaissances fait ou l'orgueil des philosophes, qui ont connu Dieu et non leur misère, ou le désespoir des athées, qui connaissent leur misère sans Rédempteur. Et ainsi, comme il est également de la nécessité de l'homme de connaître ces deux points, il est aussi également de la miséricorde de Dieu de nous les avoir fait connaître. La religion chrétienne le fait; c'est en cela qu'elle consiste. Qu'on examine l'ordre du monde sur cela, et qu'on voie si toutes choses ne tendent pas à l'établissement des deux 20 chefs de cette religion.

Art. XII. 1. Les grandeurs et les misères de l'homme sont tellement visibles, qu'il faut nécessairement que la véritable religion nous enseigne, et qu'il y a quelque grand principe de grandeur en l'homme, et qu'il y a un grand 25 principe de misère. Il faut donc qu'elle nous rende raison de ces étonnantes contrariétés.

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Il faut que, pour rendre l'homme heureux, elle lui montre qu'il y a un Dieu; qu'on est obligé de l'aimer; que notre vraie félicité est d'être en lui, et notre unique mal d'être séparé de lui; qu'elle reconnaisse que nous sommes

pleins de ténèbres qui nous empêchent de le connaître et de l'aimer; et qu'ainsi nos devoirs nous obligeant d'aimer Dieu, et nos concupiscences nous en détournant, nous sommes pleins d'injustice. Il faut qu'elle nous rende raison de ces oppositions que nous avons à Dieu et à notre propre bien; il faut qu'elle nous enseigne les remèdes à ces impuissances, et les moyens d'obtenir ces remèdes. Qu'on examine sur cela toutes les religions du monde, et qu'on voie s'il y en a une autre que la chrétienne qui y satisfasse ..

Art. XX. 19. On n'entend rien aux ouvrages de Dieu, si on ne prend pour principe qu'il a voulu aveugler les uns et éclairer les autres.

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Art. XXIV. 5. Le cœur a ses raisons, que la raison ne connaît point; on le sait en mille choses. Je dis que 15 le cœur aime l'être universel naturellement, et soi-même naturellement, selon qu'il s'y adonne; et il se durcit contre l'un ou l'autre, à son choix. Vous avez rejeté l'un et conservé l'autre: est-ce par raison que vous aimez? C'est le cœur qui sent Dieu, et non la raison. Voilà ce 20 que c'est que la foi: Dieu sensible au cœur, non à la raison.

64. Tous les grands divertissements sont dangereux pour la vie chrétienne; mais, entre tous ceux que le monde a inventes, il n'y en a point qui soit plus à que la comédie. C'est une représentation si naturelle et si 25 délicate des passions, qu'elle les émeut et les fait naître dans notre cœur, et surtout celle de l'amour: principalement lorsqu'on le représente fort chaste et fort honnête. Car plus il paraît innocent aux âmes innocentes, plus elles sont capables d'en être touchées. Sa violence plaît 30

à notre amour-propre, qui forme aussitôt un désir de causer les mêmes effets que l'on voit si bien représentés; et l'on se fait en même temps une conscience fondée sur l'honnêteté des sentiments qu'on y voit, qui ôtent la ક crainte des âmes pures, qui s'imaginent que ce n'est pas blesser la pureté, d'aimer d'un amour qui leur semble si sage. Ainsi, l'on s'en va de la comédie le cœur si rempli de toutes les beautés et de toutes les douceurs de l'amour, et l'âme et l'esprit si persuadés de son innocence, qu'on 10 est tout préparé à recevoir ses premières impressions, ou plutôt à chercher l'occasion de les faire naître dans le cœur de quelqu'un, pour recevoir les mêmes plaisirs et les mêmes sacrifices que l'on a vus si bien dépeints dans la comédie.

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Art. XXV. 11. Si un animal faisait par esprit ce qu'il fait par instinct, et s'il parlait par esprit ce qu'il parle par instinct pour la chasse et pour avertir ses camarades que la proie est trouvée où perdue, il parlerait bien aussi pour des choses où il a plus d'affection, comme pour 20 dire: Rongez cette corde qui me blesse et où je ne puis atteindre.

trouvé.

LE MYSTÈRE DE JÉSUS

Console toi: tu ne chercherais pas, si tu ne m'avais

Je pense à toi dans mon agonie; j'ai versé telles gouttes 25 de sang pour toi...

Laisse-toi conduire à mes règles; vois comme j'ai bien conduit la Vierge et les Saints, qui m'ont laissé agir en

eux.

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