Ravissent en bien peu d'espace Ce qu'on a de micux établi ; Et bien-tôt nous meneront boire Au delà de la rive noire, Dans les eaux du Fleuve d'oubli.
SUR LES OEUVRES DE M. DE BALZAC.
ÎNGRATES Filles de mémoire, Je crois que vous n'ignorez pas Què j'ai préferé vos appas Aux appas même de la gloire ; Et que parmi ces vanitez, Ces faveurs & ces dignitez , Où le coin des autres aspire, Je ne demande à mon bonheur Que d'avoir part à cet honneur, Sur qui le tems n'a point d'empire.
Enflé de cette belle audace, A peine sçavois-je marcher, Que j'osai vous aller chercher Au plus haut rommet du Parnasse : Apollon m'ouvrit ses trésors; Er vous me jurâtes dès lors Par vos sciences immortelles, Que mes écrits verroient le jour,
Er tant qu'on parleroit d'amour Vivoient en la bouche des belles.
Toutefois, après ces caresses Que je veux partout publier , BALZAC vous a fait oublier Mes services & vos promesses Lui seut dispose par ses mains De cet honneur dont les humains Après la mort esperent vivre ; Et quoique vous m'ayez juré, Je n'en ferois point affûré, Si je ne l'avois dans son livre.
Son éloquence eft celle-même Qui fait & détait les Etals, Brave l'orgueil des Potentats, Et foule aux pieds leur diadême: On y voir ces conceptions, Qui donnent à nos paflions Des peuples entiers pour complices; Celles qui les font foulever , Et celles qui leur font trouver En la mort même des délices.
C'est par les effets différens Qu'on voit arracher les Tyrans D'entre les bras de la Fortune, Ou qu'ils sçavent s'y inaintenir ; Et qu'ils ont le pouvoir d'unir Toutes nos volontez en une.
Bel Esprit , par qui tous les hommes Sont visiblement devancez, La honte des fiécles passez , Et l'honneur du siécle ou nous sommes ; Dieu d'éloquence & de sçavoir, Dont les écrits sc feront voir Triomphans de la Destinée; Te sçaurois-je rien immoler , Qui puisse jamais égaler La gloire que tu m'as donnée?
En vain dans le marbre & le ja pe Les Rois pensent s'éterniser ; En vain ils en font épuiser L'une & l'autre rive d'Hiydaspe: En vain leur pouvoir sans pareil Eleve jusques au Soleil Leur ambitieuse folie; Tous ces fuperbes bâtimens Ne font qu'autant de monumens, Où lçur gloire est enleveliç,
Ces Héros, jadis vénérables, Par les âges nous font ravis; Les Dieux même qu'ils ont servis N'ont plus de noms que
dans
nos fables : Ni les Temples, ni les autels Ne sont point honneurs immortels ; A peine en voit-on les images : Quoiqu'espere la vanité, Il n'est point d'autre éternité, Que de vivre dans tes Ouvrages.
Par eux seuls la rigueur des Parques Se rend sensible à la pitié ; Par eux seuls de notre amitié Se gravent à jamais les marques; Et dans les liécles à venir , Où la Mort inême doit finir, Notre mémoire révérée Partout oiì le Soleil luira, A l'Univers égalera Son étenduë & sa durée.
POUR M. LE DUC DE BELLEGARDE,
PAIR ET GRAND ECUYER DE FRANCE.
AMOUR, à qui je dois les chansons immor
telles, par toute la Terrę ont volé sur tes ailes,
« PreviousContinue » |