Et l'on porta sa tête aux pieds de Médicis, Qui pourrait cependant exprimer les ravages, Je ne vous peindrai point le tumulte et les cris, Du haut de son palais excitant la tempête, maux ! Le Roi! le Roi lui-même au milieu des bourreaux, Poursuivant des proscrits les troupes égarées, LUSIGNAN À SA FILLE, POUR LA RAMENER À LA RELIGION DE SES PÈRES. (VOLTAIRE, TRAGÉDIE DE ZAÏRE.) Mon Dieu ! j'ai combattu soixante ans pour ta gloire ; J'ai vu tomber ton temple, et périr ta mémoire : Dans un cachot affreux abandonné vingt ans, Mes larmes t'imploraient pour mes tristes enfants ; Et, lorsque ma famille est par toi réunie, Quand je trouve une fille, elle est ton ennemie ! Je suis bien malheureux! . . . C'est ton père, c'est moi, C'est ma seule prison qui t'a ravi ta foi. Ma fille, tendre objet de mes dernières peines, Songe au moins, songe au sang qui coule dans tes veines ; C'est le sang de vingt rois, tous Chrétiens comme moi; C'est le sang des héros défenseurs de ma loi ; C'est le sang des martyrs. . . . O fille encor trop chère ! Connais-tu ton destin? Sais-tu quelle est ta mère ? Sais-tu bien qu'à l'instant que son flanc mit au jour Ce triste et dernier fruit d'un malheureux amour, Je la vis massacrer par la main forcenée, Par la main des brigands à qui tu t'es donnée ? Tes frères, ces martyrs égorgés à mes yeux, à T'ouvrent leurs bras sanglants tendus du haut des cieux. Ton Dieu que tu trahis, ton Dieu que tu blasphèmes, Pour toi, pour l'univers, est mort en ces lieux mêmes; En ces lieux où mon bras le servit tant de fois, En ces lieux où son sang te parle par ma voix. Vois ces murs, vois ce temple envahi par tes maîtres ; RÉCIT D'ISMÉNIE. (VOLTAIRE, TRAGÉDIE DE MÉROPE.) Meurs, týran !” disait-il: “dieux, prenez vos victimes !” le venger. Egisthe se retourne enflammé de furie : . Déjà la garde accourt avec des cris de rage. gros de nos amis, que son danger excite, par leurs frères ; Soldats, prêtres, amis, l'un sur l'autre expirans: On marche, on est porté sur les corps des mourans. On veut fuir, on revient, et la foule pressée D'un bout du temple à l'autre est vingt fois repoussée. De ces flots confondus le flux impétueux Roule, et dérobe Egisthe et la reine à mes yeux. Parmi les combattans je vole ensanglantée : J'interroge à grands cris la foule épouvantée. Tout ce qu'on me répond redouble mon horreur. On s'écrie: “Il est mort, il tombe, il est vainqueur!” Je cours, je me consume, et le peuple m'entraîne, Me jette en ce palais, éplorée, incertaine, Au milieu des mourans, des morts et des débris. Venez, suivez mes pas, joignez-vous à mes cris. Venez; j'ignore encore si la reine est sauvée, Si de son digne fils la vie est conservée, Si le tyran n'est plus. Le trouble, la terreur, Tout ce désordre horrible est encor dans mon cour. LA VENDANGE. (SAINT-LAMBERT, LES SAISONS.) Ces voiles suspendus qui cachent à la terre Le ciel qui la couronne, et l'astre qui l'éclaire, Préparent les mortels au retour des frimas. Si le soleil encore se montre à nos climats, Il n'arme plus de feux les rayons qu'il nous lance; La nature à grands pas marque sa décadence. Mais la feuille en tombant du pampre dépouillé Découvre le raisin, de rubis émaillé; De l'ambre le plus pur la treille est colorée ; Les celliers sont ouverts, la cuve est réparée. Boisson digne des dieux, jus brillant et vermeil, Doux extrait de la sève, et des feux du soleil, Source de nos plaisirs, délice de la terre, Viens dissiper l'ennui qui me livre la guerre, Et donne-moi du moins le plaisir d'un moment! Bacchus, Dieu des festins, père de l'enjoûment, C'est toi qui répandis sur les monts du Bosphore Les pampres enlevés aux portes de l'aurore : Tu couvris de raisins les rochers de Lesbos : Ta liqueur inspira les Muses, les héros, Et ton culte polit la Grèce encor sauvage. C'est toi qui des Gaulois enflammais le courage, Quand ce peuple vainqueur, du haut des Apennins, Vint sous leurs toits fumants écraser les Romains. Il voulait de tes dons enrichir la patrie, Et, le front couronné des pampres d'Hespérie, Ivre de vin, de joie, il repassa les monts, Les vallons répétaient ses cris et ses chansons, Et les thyrses guidaient sa marche triomphante, La Gaule à ton ar dut sa gaîté brillante, Le charme des festins et le sel des bons mots, L'art d'écarter les soins, et d'oublier les maux. Mais déjà vers la vigne un grand peuple s'avance; Il s'y déploie en ordre et le travail commence; |