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duction Latine que nous en avons. Il y en a encore deux autres; mais elles font fi informes & fi groffieres, que ce feroit faire trop d'honneur à leurs Auteurs, que de les nommer. Et même celle de Petra, quieft infiniment la meilleure, n'est pas fort achevée. Car outre que fouvent il parle Grec én Latin,ily a plufieurs endroits où l'on peut dire qu'il n'a pas fort bien entendu fon Auteur. Ce n'eft pas que je veuille accuser un fi fçavant Homme d'i gnorance,ni establir mareputation fur les ruines de la fienne. Je fçai ce que c'est que de debroüiller le premier un Auteur, & j'avoue d'ailleurs que fon Ouvrage m'a beaucoup fervi, außi-bien que les petites Notes de Langbaine & de Monfieur le Fevre. Mais je fuis bien aise d'excuser par les fautes de la traduction Latine celles qui pourront m'eftre échappées dans la Françoife. Fai pourtant fait tous mes efforts pour la rendre außi exaEte qu'elle pouvoit l'eftre. A dire vrai je n'y ai pas trouvé de petites difficultez. Il est aisé à un Traducteur Latin de fe tirer d'affaire aux endroits même qu'il n'entend pas. Il n'a qu'à traduire le Grec mot pour mot, & à debiter des paroles qu'on peut au moins foupçonner d'estre intelligibles. En effet le Lecteur qui bien fouvent n'y conçoit rien, s'en prend plûtoft à foi-même qu'à l'ignorance du Traducteur. Il n'en eft pas ainfi des tradu Etions en langue vulgaire. Tout ce que le Lecteur n'entend point s'apelle un galimathias dont le Traducteur tout feul eft refponfable. On lui impute

jufqu'aux

jufqu'aux fautes de fon Auteur; & il faut en bien des endroits qu'il les rectifie, fans neanmoins qu'il ofe s'en efcarter. Quelque petit donc que foit le volume de Longin, je ne croirois pas avoir fait un mediocre prefent au Public fi je lui en avois donné une bonne traduction en noftre langue. Je n'y ai point épargné mes foins ni mes peines. Qu'on ne s'attende pas pourtant de trouver ici une verfion timide & fcrupuleufe des paroles de Longin. Bien que je me fois efforcé de ne me point écarter en pas un endroit des regles de la véritable traduction. Je me fuis pourtant donné une bonneste liberté, fur tout dans les paffages qu'il rapporte. Faifongéqu'il ne s'agiffoit pas fimplement ici de traduire Longin: mais de donner au Public un Traité du Sublime, qui puft eftre utile. Avec tout cela neanmoins il fe trouvera peut-être des gens quinon feulement n'approuveront pas ma traduction : mais qui n'épargneront pas même l'Original.fe m’attens bien qu'il y en aura plufieurs qui declineront la jurifdiction de Longin, qui condamneront ce qu'il approuve, & qui locront ce qu'il blâme. C'eft le traitement qu'il doit attendre de la plupart des juges de noftre ficele. Ces hommes accoûtumez aux debauches & aux excez des Poëtes modernes, & qui n'admirant que ce qu'ils n'entendent point, ne penfent pas qu'un Auteur fe foit eflevé, s'ils ne l'ont entierement perdu de vene; Ces petits efprits, dis-je, ne feront pas fans doute fort frappez des bardieffes judicienfes des Homeres, des K s Platons

Platons des Demofthenes. Ils chercheront fou vent le Sublime dans le Sublime, & peut-eftre fe mocqueront-ils des exclamations que Longin fait quelquefois fur des paffages, qui, bien que tres-fublimes, ne laiffent pas d'eftre fimples & naturels, & qui faififfent pluftoft l'ame qu'ils n'écla tent aux yeux. Quelque affeurance pourtant que ces Meßsieurs aient de la netteté de leurs lumieres: Je les prie de confiderer que ce n'eft pas ici l'ouvra ge d'un Aprenti que je leur offre mais le chefd'œuvre d'un des plus fçavans Critiques de l'Antiquité. Que s'ils ne voient pas la beauté de ces paffa ges, cela peut außi-toft venir de la foibleffe de leur vene, que du peu d'éclat dont elles brillent. Au pis aller je leur confeille d'en accufer la traduction: puis qu'il n'eft que trop vrai, que je n'ai ni atteint, ni pú atteindre à la perfection de ces excellens originaux & je leur declare par avance que, s'il ya quelques defants, ils ne sçauroient venir que de moi.

Ilnerefte plus pour finir cette Preface, que de dire ce que Longin entend par Sublime. Car comme il efcrit de cette matiere aprés Cecilius qui avoit prefque emploie tout fon Livre à montrer crú devoir ce que c'est que Sublime, il n'a pas rebatre une chose qui n'avoit efté déja que trop dif cutée par un autre. Il faut donc fçavoir que par Sublime, Longin n'entend pas ce que les Orateurs apellent le Stile Sublime: mais cet extraordinairece merveilleux qui frappe dans le Difcours,

&

& qui fait qu'un ouvrage enleve, ravit, tranf porte, Le Stile Sublime veut toujours de grands mots: mais le Sublime se peut trouver dans une feule pensée, dans une feule figure, dans un feul tour de paroles. Une chofe peut eftre dans le Stile Sublime; & n'eftre pourtant pas Sublime; c'est à dire, n'avoir rien d'extraordinai re ni de furprenant. Par exemple. Le fouverain Arbitre de la Nature d'une feule parole forma la lumiere. Voila qui eft dans le Stile Sublime : cela n'eft pas neanmoins Sublime: parce qu'il n'y arien la de fort merveilleux, & qu'un autre ne puft aisément trouver. Mais, Dieu dit: Que la lumiere fe fafle, & la lumiere fe fit. Ce tour extraordinaire d'expreßion qui marque fi bien Lobeiffance de la Creature aux ordres du Createur, eft veritablement Sublime & a quelque chofe de divin. Il faut donc entendre par Sublime dans: Longin, l'Extraordinaire, le furprenant ; & comme je l'ay traduit, le Merveilleux dans le Difcours.

Fai raporté ces paroles de la Genese, com me l'expreßion la plus propre à mettre ma pensée en fon jour, & je m'en fuis fervi d'autant plus volontiers que cette expression est citée avec éloge par Longin mefme, qui au milieu des tenebres du Paganifme n'a pas laiffé de reconnoistre le divin qu'il y avoit dans ces paroles de l'Ecritu re. Mais que dirons-nous d'un Sçavant de ce fiecle qui quoi qu'éclairé des lumieres de l'Evan K 6

giles,

gile, ne s'eft pas appercen de la beauté de cet endroit, a ose, dis-je, avancer dans un Livre qu'il a fait pour demonftrer la Religion Chre ftienne, que Longin s'eftoit trompé lorsqu'il avoit cru que ces paroles eftoient fublimes? J'ai la satisfaction au moins que des perfonnes non moins confiderables par leur pieté que par leur grand fçavoir, qui nous ont donné depuis peu la traduEtion du Livre de la Genefe, n'ont pas efté de l'avis de ce Sçavant, & dans leur Preface, entre plufieurs preuves excellentes qu'ils ont apportées pour faire voir que c'est l'Esprit faint qui a dicté ce livre, ont allegué le paffage de Longin, pour montrer combien les Chreftiens doivent eftre perfuadez d'une verité fi claire, & qu'un Payen mefme a fentie par les feules lumieres de la raifon.

Au refte dans le temps qu'on travailloit à cette derniere Edition de mon Livre, Monfieur d'Acier, celui qui nous a depuis peu donné les Odes d'Horace en François, m'a communiqué de petites notes tres fçavantes qu'il a faites fur Longin, où il a cherché de nouveaux fens inconnus jufqu'ici aux Interpretes. fen ai fuivi quel ques-unes: mais comme dans celles où je fuis pas de fon fentiment, je puis m'estre trompé, il eft bon d'en faire les Lecteurs juges. C'est dans cette veuë que je les ai mifes à la fuite de mes Remarques, Monfieur d'Acier n'eftant pas feulement un homme de tres-grande érudition, &

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