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tenoit une autre de M. M. ', auquel je feroisréponse si je pensois que celle-ci vous dût encore trouver à Paris; mais si elle vous doit être envoyée plus loin, il n'y a pas d'apparence de la charger tant, et je puis mettre ici en peu de paroles tout ce que j'ai à lui faire savoir, ce qui sera, s'il vous plaît, pour lorsque vous lui écrirez; qui est (après mes remerciments pour la bienveillance qu'il me témoigne ) que pour les espèces qui servent à la mémoire, je ne nie pas absolument qu'elles ne puissent être en partie dans la glande nommée conarium, principalement dans les bêtes brutes, et en ceux qui ont l'esprit grossier: car pour les autres, ils n'auroient pas, ce me semble, autant de facilité qu'ils ont à imaginer une infinité de choses qu'ils n'ont jamais vues, si leur âme n'étoit jointe à quelque partie du cerveau qui fût fort propre à recevoir toutes sortes de nouvelles impressions, et par conséquent fort malpropre à les conserver. Or est-il qu'il n'y a que cette glande seule à laquelle l'âme puisse être ainsi jointe; car il n'y a qu'elle seule en toute la tête qui ne soit point double. Mais je crois que c'est tout le reste du cerveau qui sert le plus à la mémoire, principalement ses parties intérieures, et même aussi que tous les nerfs et les muscles y peuvent servir; en sorte que, par exemple, un joueur de luth a une partie de sa mémoire

Meissonnier.

en ses mains; car la facilité de plier et de disposer ses doigts en diverses façons, qu'il a acquise par habitude, aide à soutenir des passages pour l'exécution desquels il les doit ainsi disposer. Ce que vous croirez aisément, s'il vous plaît de considérer que tout ce qu'on nomme mémoire locale est hors de nous; en sorte que, lorsque nous avons lu quelque livre, toutes les espèces qui peuvent servir à nous faire souvenir de ce qui est dedans ne sont pas en notre cerveau, mais il y en a aussi plusieurs dans le papier de l'exemplaire que nous avons lu; et il n'importe pas que ces espèces n'aient point de ressemblance avec les choses dont elles nous font souvenir, car souvent celles qui sont dans le cerveau n'en ont pas davantage, comme j'ai dit au quatrième discours de ma Dioptrique. Mais outre cette mémoire, qui dépend du corps, j'en reconnois encore une autre, du tout intellectuelle, qui ne dépend que de l'âme seule. Je ne trouverois pas étrange que la glande conarium se trouvât corrompue en la dissection des léthargiques, car elle se corrompt aussi fort promptement en tous les autres; et la voulant voir à Leyde, il y a trois ans, en une femme qu'on anatomisoit, quoique je la cherchasse fort curieusement, et susse fort bien où elle devoit être, comme ayant accoutumé de la trouver, dans les animaux tout fraîchement tués, sans aucune difficulté, il me fut toutefois im

possible de la reconnoître : et un vieux professeur qui faisoit cette anatomie, nommé Valcher, me confessa qu'il ne l'avoit jamais pu ne l'avoit jamais pu voir en aucun corps humain; ce que je crois venir de ce qu'ils emploient ordinairement quelques jours à voir les intestins et autres parties avant que d'ouvrir la tête. Pour la mobilité de cette glande, je n'en veux point d'autre preuve que sa situation : car n'étant soutenue que par de petites artères qui l'environnent, il est certain qu'il faut très peu de chose pour la mouvoir; mais je ne crois pas pour cela qu'elle se puisse beaucoup écarter ni çà ni là.

Pour les marques d'envie, ce qui vous fait croire qu'elles ressemblent fort parfaitement aux objets ne vient que de ce que vous trouvez étrange qu'elles puissent tant ressembler qu'elles font; mais si vous les comparez avec les portraits des plus mauvais peintres, vous les trouverez encore beaucoup plus défectueuses. Mais pour l'urine des enragés, c'est une question de fait en laquelle je ne vois rien d'impossible, non plus qu'en ce que vous m'écrivez de la fécondité d'un grain de blé, après avoir été trempé dans du sang ou du suc de fumier. Et pour ce que le sieur N.' vous a dit de l'aimant, il suffit que vous m'ayez nommé votre auteur pour m'empêcher d'y ajouter foi.

Je viens à votre dernière, du vingtième mars,
I c Je crois que c'est Petit.

vous mandez me renvoyer le petit catalogue des plantes que je vous avois envoyé, que je ne trouve pas toutefois avec votre lettre, mais aussi n'en ai-je nullement affaire, non plus que de celui des plantes du jardin royal, que vous avez pris la peine de m'envoyer, sans que je l'aie encore reçu; mais j'apprends qu'ils l'ont à Leyde. Je n'ai point du tout ouï parler de ce que vous me mandez qu'on vous a écrit d'Angleterre qu'on étoit sur le point de m'y faire aller. Mais je vous dirai entre nous que c'est un pays dont je préférerois la demeure à beaucoup d'autres; et pour la religion, on dit que le roi même est catholique de volonté : c'est pourquoi je vous prie de ne point détourner leurs bonnes intentions. Je ne me saurois maintenant remettre aux mathématiques pour chercher le solide de la roulette, mais je ne le crois point impossible. Je vous ai mandé en ma précédente l'unique raison que je sache qui puisse empêcher qu'un mousquet ne fasse tant fort proche qu'un peu loin, et il n'y a aucune apparence de vérité en celle que Vous me mandez de M. Mydorge. Je suis, etc.

A M. REGIUS'.

(Lettre 81 du tome I. Version.)

MONSIEUR,

Vous m'avez sensiblement obligé, vous et M. Émilius, d'avoir examiné et corrigé l'écrit que je vous avois envoyé '; car je vois que vous avez porté l'exactitude jusqu'à mettre les points et les virgules, et corriger les fautes d'orthographe. Vous m'auriez fait encore un plus grand plaisir, si vous eussiez voulu changer quelque chose dans les mots et dans les pensées. Quelque petits qu'eussent été ces changements, j'aurois pu me flatter que ce que vous auriez laissé auroit été moins fautif; au lieu que je crains que vous n'ayez pas voulu tenter cette entreprise, parcequ'il y auroit eu trop à corriger, ou peut-être parcequ'il auroit fallu tout effacer.

1 « Cette lettre répond à la 11o des manuscrits de Regius, datée du 15 mai 1640; et la 12o des manuscrits de Regius, du 30 mai 1640, répond à celle-ci, si bien que celle-ci a été écrite depuis le 15 jusqu'au 30 mai. C'est pourquoi je la fixe au 22 mai 1640.

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Il s'agit d'une copie manuscrite des Méditations, qu'il avoit envoyée à Regius et à Emilius. »

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