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bles passés, et la constitution aristocratique est établie telle qu'elle subsistera à quelques modifications près, jusqu'à l'époque où toutes les aristocraties italiennes seront renversées par le renouvellement de cet esprit de républicanisme qui avait anciennement vaincu la féodalité.

Venise marchait alors vers sa décadence. Les succès obtenus par les armes des Ottomans, d'une part, de l'autre, les changemens dans les rapports commerciaux des peuples par la découverte des deux Indes, ruinèrent graduellement ses richesses et sa puissance. Vers la fin du 16. siècle, elle abdiqua le trident de la Méditerranée, et elle parut se borner à jouer un rôle secondaire dans les affaires d'Italie.

CHAPITRE XI.

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Guerre de la succession d'Espagne. Maison de Savoie. Victor Amédée 11.- Royaume de Sardaigne.-Don Carlos.

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Il faut traverser maintenant près d'un siècle et demi. L'Italie, en effet, pendant l'intervalle qui sépare le milieu du 16° siècle de la fin du 17°, ne se trouve qu'à peine mêlée aux événemens qui agitent l'Europe. Son état intérieur n'offre non plus rien de remarquable. L'Espagne y domine par ses vice-rois de Naples et par les gouverneurs généraux du Milanais; elle y réprime l'esprit de faction, et en ferme l'entrée à l'hérésie. Le despotisme s'établit partout, mais l'administration s'améliore généralement. Les chefs-d'œuvre. du beau siècle de Léon X avancent le développement moral des esprits; et le peuple s'est consolé, par une existence qui ressemble au sommeil, de la perte d'une indépendance. signalée par tant d'orages.

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La guerre de la succession d'Espagne qui commença la décadence de la monarchie française changea la face de

F'Italie. Les traités d'Utrecht et de Bade qui la terminèrent au commencement du 18° siècle, en laissant l'Espagne au petit-fils de Louis XIV, livrèrent les états italiens, annexés jusque-là à cette monarchie, à la branche impériale d'Autriche, qui avait long-temps disputé à la France l'héritage entier de Charles V. Le duché de Milan, le royaume de Naples, avec les ports de la Toscane, incorporés à ce royaume dans le 16° siècle, sous le nom de Stato degli presidi, et le royaume de Sardaigne, furent ainsi livrés à l'empereur qui s'était déjà mis en possession du duché de Mantoue dont il avait dépouillé la maison de Mantoue, alliée de la France pendant la guerre. L'Italie passa de la sorte sous l'influence autrichienne.

Une nouvelle puissance vient alors prendre rang entre les états italiens: la maison de Savoie qui n'avait longtemps possédé qu'une partie de cette province relevant anciennement des royaumes de Bourgogne, s'était élevée, par suite de leurs démembremens successifs. L'habileté et le courage de ses chefs lui avaient acquis graduellement la possession de quelques territoires de l'Italie septentrionale, et ils avaient été créés ducs au commencement du 15. siècle par l'empereur Sigismond. Ces ducs toujours mêlés à la lutte de la France et de l'Autriche, souvent dépouillés par les vicissitudes de la guerre, mais toujours réintégrés par les vues de la politique, parvinrent, à cette époque, à une situation brillante. Victor Amédée II avait puissamment concouru au succès de la grande alliance contre Louis XIV. Des inté rêts divers se réunirent pour fonder la grandeur de sa maison. On crut qu'une puissance qui servirait à la fois en Italie, de barrière à la France, et de frein à l'Autriche, pourrait éminemment concourir au maintien de l'équilibre général; en conséquence, la cession de quelques territoires, précédemment faite par l'empire, fut confirmée au traité d'Utrecht, et la dignité royale accordée avec la Sicile au duc de Savoie, sous la réserve que cette île reviendrait à

l'Espagne en cas d'extinction des mâles de cette maison (1). Par suite de ce traité, Victor Amédée fut couronné à Palerme, en 1713, roi de Sicile.

Ce prince ne conserva pas long-temps la couronne qui venait d'être placée sur son front. En effet, Louis XIV expirait à peine, qu'au dedans comme au dehors on mettait en oubli les dernières volontés de son administration et de sa politique; on cassait son testament en France, et l'on violait son traité d'Utrecht en Espagne. L'ambitieux cardinal Alberoni, méditant de rendre à cette monarchie toutes les possessions italiennes, formait des complots et faisait marcher des armées. La Sicile fut conquise par les troupes espagnoles en 1718. La Sardaigne avait été enlevée à l'empereur l'année précédente.

L'Angleterre, dont l'influence avait amené la grande pacification, réunit alors contre la politique espagnole l'Autriche et la France; puis, un peu plus tard, la Hollande : c'est ce qu'on a appelé la quadruple alliance. Le traité arrêté entre ces puissances contenait les stipulations d'un second traité auquel les puissances liguées s'engageaient à amener l'Espagne par la voie des négociations ou par celle des armes il y était réglé que l'empereur ferait renonciation de ses droits et reconnaîtrait Philippe V, moyennant une nouvelle rénonciation de ce monarque aux provinces d'Italie et des Pays-Bas anciennement attachées à sa couronne, et que la paix d'Utrecht avait adjugées à l'empereur. Le duc de Savoie devait également céder la Sicile à l'empereur, et recevoir la Sardaigne en échange; enfin, un prince espagnol, don Carlos, fils aîné du second lit de Philippe V, avait l'expectative et l'investiture éventuelle des duchés de Parme et Plaisance, ainsi que du grand duché de Toscane, pour les posséder à titre de fiefs de l'empire, après le décès des derniers rejetons måles des maisons de Farnèse et de Médicis.

(1) Duniont, tom. VIII, part. I.

Le duc de Savoie accéda, peu après la conclusion de la quadruple alliance, aux articles qui le concernaient. En conséquence, il abdiqua la couronne des terres ultrà Pharum; prit possession, en 1720, de son indemnité, et se fit proclamer roi de Sardaigne, titre que ses successeurs ont conservé.

L'Espagne n'ayant pas voulu accéder à la quadruple alliance, la guerre continua. Des négociations qui la suivirent, furent long-temps sans résultat; enfin, après plusieurs alliances et contre-alliances, deux congrès et divers traités particuliers, la paix se trouva définitivement rétablie dans l'année 1731. Les stipulations de la quadruple alliance étaient adoptées, la pragmatique de l'empereur Charles VI, garantie. Les duchés dont l'infant Carlos avait reçu l'investiture furent occupés par des troupes espagnoles. Il faut observer que la cession de ces duchés avait été la matière de longues contestations. Antoine Farnèse, duc de Parme et de Plaisance, et Jean Gaston de Médicis, grand-duc de Toscane, l'un et l'autre sans héritiers directs, déclarèrent qu'ils ne reconnaissaient aucun droit aux puissances européennes de disposer de leurs états. Le premier allégua qu'il relevait du saint-siége; et le second, qu'il ne relevait que de Dieu seul, et qu'il ne consentirait jamais à regarder sa principauté comme un fief d'empire; mais leurs protestations furent vaines, ainsi que celles de la cour de Rome, il fallut céder à la force; et c'est ici, à ce qu'il nous semble, le premier exemple de ces cessions de territoires italiens, si souvent renouvelées depuis, au gré d'une politique qui n'eut trop souvent pour règle que d'injustes et bizarres caprices.

La maison de France, établie en Espagne, a donc fait un premier pas en Italie. Les événemens qui agitèrent alors le nord de l'Europe réagirent sur le midi, et accélérèrent ses progrès dans la péninsule italique.

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La France, à la mort d'Auguste II, roi de Pologne, en 1733, voulut faire une nouvelle tentative en faveur de ce

Stanislas Leckzinski, qui lui avait donné une reine. L'Espagne et la Sardaigne entrèrent dans ses vues politiques; la Russie et l'Autriche manifestèrent l'intention de conserver la maison de Saxe sur le trône polonais. Cette nouvelle lutte eut d'importans résultats relativement à l'Italie. La Lombardie presqu'entière tomba au pouvoir des alliés, et l'infant don Carlos, marchant à Naples, conquit successivement ce royaume et la Sicile, et se fit couronner roi des Deux-Siciles, à Palerme, en 1735. La paix de Vienne, conclue trois ans après, termina cette guerre, qui avait amené, pour la première fois, des Russes sur les bords du Rhin: il fut stipulé que Stanislas renoncerait à la couronne, et recevrait en échange les duchés de Lorraine et de Bar, lesquels seraient à sa mort reversibles à la couronne de France; François, duc de Lorraine, succéda dans le grand duché de Toscane, au dernier des Médicis qui venait d'expirer: don Carlos, renonçant à la Toscane, conserva sa conquête; et la possession héréditaire du royaume, avec les présides, fut assurée à sa ligne; il céda Parme et Plaisance à l'empereur, lequel recouvra aussi la Lombardie, à l'exception de quelques districts, qui agrandirent encore le royaume de Sardaigne.

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Ainsi furent introduites la maison de Lorraine en Toscane, et la maison de Bourbon à Naples. La guerre de la succession d'Autriche, terminée par la paix d'Aix-la-Chapelle en 1748, eut pour résultats principaux relativement à l'Italie, d'amener la première à l'empire, et de livrer à la seconde, Parme, Plaisance et Guastalla, dans la personne de don Philippe, frère de don Carlos, et gendre de Louis XV.

L'Italie conserve maintenant une situation uniforme jusqu'au grand bouleversement de la fin du siècle. Le système politique qui a, pour balancer l'influence de l'empire, soumis à la même dynastie la France et les deux péninsules, est consolidé par le fameux pacte de famille, du duc de Choiseul, et promet une longue paix aux états italiens. Entre les événemens, le seal digne d'être signalé

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