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veut point du tout qu'on pende les jacobins ; il n'aime pas Bonaparte, mais il ne veut point qu'on empri-· sonne les bonapartistes, nommez-le, croyez-moi. Il sait écrire, parler ; il vous défendra bien; vous êtes sûrs au moins qu'il ne vous vendra pas; c'est quelque chose à présent. Non, répondirent-ils, ce Paul n'est pas des nôtres. Il en sera bientôt, reprit Germain, car on l'a vu toujours du parti opprimé. Aristocrate sous Robespierre, libéral en 1815, il va être pour vous, et ne vous renoncera que quand vous serez forts, c'est-à-dire insolents. Non, nous voulons des nôtres. Mais personne n'en veut; vous allez être seuls, et que pensez-vous faire ? Rien, nous voulons ceux-là. Ils ne savent pas grand chose, et sont peut-être un peu sujets à caution. Mais ce sont. nos compères, et Paul, dont vous parlez, n'est compère de personne. Germain à ce discours : Mes amis, leur dit-il, je crois que vous serez pendus vous et les vôtres, oui, pendus à vos pruniers, et j'aurai le plaisir d'y avoir contribué. Car je vais de ce pas me joindre à messieurs de droite et voter avec eux, Que me faut-il à moi? culbuter les ministres; pour cela les ultra sont aussi bons que d'autres, sinon meilleurs. Adieu.

Je voulais passer avec lui du côté des honnêtes gens. Mais en chemin je trouvai des ministériels, qui par laient de places et disaient : Il n'y en a point qui soit sûre. Comme j'entends un peu la fortification, je m'arrêtai à les écouter. Il n'y en a pas une, disaientils, sur laquelle on puisse compter. C'est sans doute, leur dis-je, que les remparts ne sont pas bien entretenus, ou faute d'approvisionnement? Ils me regar

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daient étonnés. Oui, reprit un d'eux, que je meure s'il y a une place à présent, qu'aucune compagnie d'assurance voulût garantir pour un mois. Cependant, leur dis-je, il me semble qu'avec de grandes demi-lunes, des fronts en ligne droite et un bon défilement, on doit tenir un certain temps. Ils me regardèrent plus surpris que la première fois, et le même homme continua: Ma foi, vu leur peu de sùreté, les places aujourd'hui ne valent pas grand chose. Vous voulez dire, lui répliquai-je, que les meilleures ont été livrées à l'ennemi.

Comme je semblais les gêner, je m'en allai, fàché de quitter cette conversation, et plus loin je rencontrai l'honnête procureur, qui passe pour mener tout le parti noble ici. C'est Calas ou Colas qu'on le nomme, je crois, garçon d'un vrai mérite. Avez-vous remarqué que depuis quelque temps les nobles nulle part ne font rien, s'ils ne sont menés par des vilains? Qu'est-ce que Laisné, de Villèle, Ravez, Donnadieu, Martainville, sinon les chefs de la noblesse, et tous vilains? sans eux, que deviendrait le parti des puissances étrangères, réduit à M. de Marcellus? et chez ces puissances, qu'aurait fait la noblesse allemande, si les vilains ne l'eussent entraînée contre l'armée de Bonaparté, qui elle-même alla très-bien, étant menée par des vilains, mal aussitôt qu'elle fut commandée par des nobles; autre point à noter. Mais où en étions-nous? à Colas, procureur et chef de la noblesse. Je suis content, disait-il, oui, je suis fort contént de M. de Duras, il a du caractère, et je n'aurais pas cru qu'un gentilhomme, un duc....., aussi, l'ai-je fait président de notre club des Carmélites, club

d'honnêtes gens; nous nous assemblâmes hier, lui président, moi secrétaire; nous avons tous prêté serment entre les mains de M. le duc. Ils ont juré foi de gentilhomme, moi, foi de procureur, et j'ai fait le procès-verbal de la séance. Mais le bon de l'affaire, c'est que le préfet s'est avisé d'y trouver à redire. Làdessus nous l'avons mené de la belle manière, et M. de Duras a montré ce qu'il est : Monsieur, lui a-t-il dit, je vous défends, au nom de mon gouvernement, de vous mêler des élections. Voilà parler cela, et voilà ce que c'est que de la fermeté. Le pauvre préfet n'a su que dire. Je vous assure, moi, que la noblesse a du bon et fera quelque chose, Dieu aidant, avec les puissances étrangères. Tout cela ne demande qu'à être un peu conduit, et j'en fais mon affaire.

Il continua et je l'écoutais avec grand plaisir, quand le président m'appelant, me donna un de ces billets où il fallait écrire deux noms. Pour moi, j'y voulais mettre Aristide et Caton. Mais on me dit qu'ils n'étaient pas sur la liste des éligibles, J'écrivis Bignon, et un autre; Bignon, vous le connaissez, je crois, celui qui ne veut pas qu'on proscrive; et je m'en allai comme j'étais venu, à travers les gendarmes.,

Je voudrais bien répondre à ce monsieur du journal. Car, comme vous savez, j'aime assez causer. Je me fais tout à tous et ne dédaigne personne, mais je le crois fàché. Il m'appelle jacobin, révolutionnaire, plagiaire, voleur, empoisonneur, faussaire, pestiféré ou pestifère, enragé, imposteur, calomniateur, libelliste, homme horrible, ordurier, grimacier, chiffonnier. C'est tout, si j'ai mémoire. Je vois ce qu'il veut

dire, il entend que lui et moi sommes d'avis différent; peut-être se trompe-t-il.

Il aime les ministres, et moi aussi je les aime; je leur suis trop obligé pour ne pas les aimer. Jamais je n'ai eu recours à eux qu'ils ne m'aient rendu bonne et prompte justice. Ils m'ont tiré trois fois des mains de leurs agents. C'est bien, si vous voulez un peu ce que ce Romain appelait beneficium latronis, non occidere. Mais enfin c'est beneficium. Et quand tout le monde est larron, le meilleur est celui qui ne tue pas.

J'aime bien mieux les ministres que messieurs les jurés nommés par le préfet, beaucoup mieux que les électeurs choisis par le préfet, beaucoup mieux que 'mes juges qu'on appelle naturels, et dont je n'ai jamais pu obtenir une sentence qui eût le moindre air d'équité. J'aime cent fois mieux le gouvernement ministériel qu'un jeu, une piperie, une ombre de gouvernement rimant en el; je suis plus ministériel que monsieur du journal, et si je le suis gratis.

Il dit que nous sommes libres, et j'en dis tout autant; nous sommes libres, comme on l'est à la veille d'aller en prison. Nous vivons à l'aise, ajoute-t-il, et rien ne nous gêne à présent. Je sens ce bonheur, et j'en jouis comme faisait Arlequin, dit-on, qui, tombant du haut d'un clocher, se trouvait assez bien en l'air, avant de toucher le pavé.

Il n'est que de s'entendre. Cet homme-là et moi sommes quasi d'accord, et ne nous en doutions pas. Il se plaint de mon langage. Hélas! je n'en suis pas plus content que lui. Mon style lui déplaît; il trouve

ma phrase obscure, confuse, embarrassée. Oh! qu'il a raison, selon moi! Il ne saurait dire tant de mal de ma façon de m'exprimer, que je n'en pense davantage, ni maudire plus que je ne fais la faiblesse, l'insuffisance des termes que j'emploie. Autant la plupart s'étudient à déguiser leur pensée, autant il me fàche de savoir si peu mettre la mienne au jour. Ah! si ma langue pouvait dire ce que mon esprit voit, si je pouvais montrer aux hommes le vrai qui me frappe les yeux, leur faire détourner la vue des fausses grandeurs qu'ils poursuivent, et regarder la liberté, tous l'aimeraient, la désireraient. Il sconnaîtraient, en rougissant, qu'on ne gagne rien à dominer, qu'il n'est tyran qui n'obéissent, ni maître qui ne soit esclave, et perdant la funeste envie de s'opprimer les uns les autres, ils voudraient vivre et laisser vivre. S'il m'était donné d'exprimer, comme je le sens, ce que c'est que l'indépendance, Decazes reprendrait la charrue de son père, et le roi, pour avoir des ministres, serait obligé d'en requérir, ou de faire faire ce service à tour de rôle, par corvée, sous peine d'amende et de prison.

Sur les injures je me tais: il en sait plus que moi; je n'aurais pas beau jeu. Mais il m'appelle loustic, et c'est là-dessus que je le prends. Il dit, et croit bien dire, parlant de moi, le loustic du parti national, et fait là une faute, sans s'en douter, le bonhomme! Ce mot est étranger. Lorsqu'on prend le mot des puissances étrangères, il ne faut pas le changer. Les puissances étrangères disent loustig non loustic, et je crois même qu'il ignore ce que c'est que le loustig dans un régiment Teutsche. C'est le plaisant, le jo

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