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nir, et même d'en donner cinq définitions différentes; ou, ce qui rèvient au même, de nous avertir des cinq acceptions différentes que prend le mot idée, je n'insiste pas ; et je m'arrête à la seconde de ces acceptions, à la seule qui nous intéresse dans ce moment, à celle qui considère l'idée par rapport à nous.

L'idée est le premier objet de l'entendement. L'entendement se conçoit de deux manières : ou bien c'est une faculté à laquelle nous devons toutes nos connaissances, ou bien il est la réunion de toutes nos connaissances. Si vous le regardez comme une faculté, soit simple, soit composée d'autres facultés, son premier objet n'est pas l'idée, c'est le sentiment. Si vous ne voyez dans l'entendement qu'une réunion de connaissances ou d'idées, l'idée ne sera pas son premier objet ; car alors l'idée serait l'objet de l'idée.

Ajoutez qu'on ne fait pas une définition en disant que l'idée est le premier objet de l'entendement; c'est une simple proposition qui suppose qu'on sait déjà ce que c'est que l'idée.

J'aurais encore bien des remarques à faire sur les différentes manières dont on a envisagé la question des idées, tant parmi les anciens que parmi les modernes. Mais en voilà

assez sur des opinions qui ne sont, en effet, que des opinions. Comment seraient-elles autre chose, quand elles s'appuient sur des définitions, arbitraires pour la plupart, et presque toujours faites d'avance, comme si la nature devait se plier à nos fantaisies, et changer aussitôt ses lois pour celles qu'il nous plaît de lui commander, en vertu de nos définitions?

Peut-être, messieurs, en voyant combien il nous a été facile d'apprécier les divers sentimens des philosophes, et de résoudre quelquesunes des questions qui les divisent, serez-vous plus disposés à consentir à ce que je vous ai proposé.

Peut-être ne permettrez-vous plus au doute d'approcher de ces vérités; que le germe de toutes nos connaissances se trouve dans le sentiment; que ce germe eût été à jamais stérile, s'il n'avait été fécondé par un principe actif; que la lumière de l'esprit n'a pu naître que de ce concours; et qu'au moment même où il s'est opéré, un premier rayon, échappé du fond de son être, a annoncé à l'homme qu'il possédait une intelligence.

Mais cette facilité de discussion, et cette évidence de raisonnement, s'il m'est permis de le dire, vous les attribuerez surtout au soin

que nous avons pris de mettre quelque exactitude dans notre langage, à l'attention constante de ne jamais faire usage d'un mot essentiel, sans nous être auparavant assurés de l'idée dont il devait être le signe.

Semblables à ces échos dont il suffit d'appeler un seul pour qu'aussitôt il appelle l'écho voisin, qui, à son tour, éveille, comme en sursaut, tous les autres, les mots d'une langue bien faite s'appellent et se répondent à l'instant, non en imitateurs serviles comme l'écho, mais en interprètes toujours libres, et cependant toujours fidèles, jusqu'à ce que celui qui n'a plus besoin d'interprète, celui qui est lié au sentiment, ait fait entendre sa voix.

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Objections contre l'ordre de nos leçons, et contre notre doctrine des idées.

DANS une des dernières séances ( leçon 5), je me suis engagé à revenir sur quelques objections, que je me voyais, pour le moment, forcé de laisser sans réponse. J'aurais répondu à toutes, à mesure qu'elles m'étaient adressées, si je n'avais craint d'interrompre une suite de raisonnemens qui demandaient à être rapporprochés pour se prêter un appui mutuel.

Maintenant, qu'à l'exception des idées innées dont je parlerai à la prochaine leçon, j'ai fait connaître suffisamment quelle est ma manière de concevoir les premiers développemens de notre intelligence, je puis et je dois chercher à acquitter ma promesse.

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Première objection, contre l'ordre de nos leçons. Le sujet qui sert de texte à vos leçons, c'est l'entendement humain, que vous considérez sous trois points de vue, dans sa nature, dans ses effets et dans ses moyens. La nature de

l'entendement, c'est la nature des facultés par lesquelles nous acquérons toutes nos connaissances, ou toutes nos idées. Les effets que produit l'entendement, ce sont les idées ellesmêmes; et les moyens de l'entendement, ce sont les secours dont il peut s'aider pour donner à ses facultés plus de force, plus de rectitude; à ses connaissances, plus de sûreté, plus de justesse.

De ces trois points de vue, vous voyez naître deux sciences d'abord la métaphysique, qui traite en deux parties distinctes, de la nature et des effets de l'entendement; ensuite la logique qui doit nous faire connaître les moyens qui peuvent favoriser l'action de l'entende

ment.

Pourquoi disposer ainsi les choses? ne serait-il pas mieux de nous donner des règles pour conduire l'esprit, avant de l'appliquer à une étude qui passe pour être aussi difficile que celle de l'entendement? et, dans cette étude, ne serait-il pas mieux d'observer l'entendement dans ses effets, avant de chercher à pénétrer dans sa nature?

Cela ne suffirait pas encore : comme il est indubitable que nous avons senti avant de connaître, vous auriez dû, ce semble, remonter

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