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sont des habiletés, et que prendre des provinces injustement s'appelle faire des conquêtes. (1665 - n° 192.)

XXXVI.

On ne trouve point dans l'homme le bien ni le mal dans l'excès. (1665- n° 201.)

XXXVII.

Ceux qui sont incapables de commettre de grands crimes n'en soupçonnent pas facilement les autres. (1665- no 208.)

XXXVIII.

La pompe des enterrements regarde plus la vanité des vivants que l'honneur des morts. (1665- n° 213.)

XXXIX.

Quelque incertitude et quelque variété qui paroisse dans le monde, on y remarque néanmoins un certain enchaînement secret, et un ordre réglé de tout temps par la Providence, qui fait que chaque chose marche en son rang, et suit le cours de sa destinée. (1665—no 225.)

XL.

L'intrépidité doit soutenir le cœur dans les conjurations, au lieu que la seule valeur lui fournit toute la fermeté qui lui est nécessaire dans les périls de la guerre. (1665-no 231.)

XLI.

Ceux qui voudroient définir la victoire par sa naissance seroient tentés, comme les poètes, de l'appeler la fille du ciel, puisqu'on ne trouve point son origine sur la terre. En effet, elle est reproduite par une infinité d'actions, qui, au lieu de l'avoir pour but, regardent seulement les intérêts particuliers de ceux qui les font; puisque tous ceux qui composent une armée, allant à leur propre gloire et à leur élévation, procurent un bien si grand et si général. (1665 - n° 252.)

XLII.

XLIII.

On donne plus souvent des bornes à sa reconnoissance qu'à ses desirs et à ses espérances. (166—n°241.)

XLIV.

L'imitation est toujours malheureuse, et tout ce qui est contrefait déplaît avec les mêmes choses qui charment lorsqu'elles sont naturelles. (1665— no 245.)

XLV.

Nous ne regrettons pas la perte de nos amis selon leur mérite, mais selon nos besoins et selon l'opinion que nous croyons leur avoir donnée de ce que nous valons. (1665-no 248.)

XLVI.

Il est bien malaisé de distinguer la bonté gégrande habileté. (1665 — no 252. ) nérale et répandue sur tout le monde, de la

XLVII.

Pour pouvoir être toujours bon, il faut que les autres croient qu'ils ne peuvent jamais nous être impunément méchants. (1665 — no 254. )

XLVIII.

La confiance de plaire est souvent un moyen de déplaire infailliblement. (1665 — no 256.)

XLIX.

La confiance que l'on a en soi fait naître la plus grande partie de celle que l'on a aux autres. (1665- no 258.)

L.

Il y a une révolution générale qui change le goût des esprits, aussi-bien que les fortunes du monde. (1665- n° 259.)

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La vérité est le fondement et la raison de la perfection et de la beauté; une chose, de quelque nature qu'elle soit, ne sauroit être belle et parfaite, si elle n'est véritablement tout ce On ne peut répondre de son courage, quand qu'elle doit être, et si elle n'a tout ce qu'elle on n'a jamais été dans le péril. (1665-no 236. ) | doit avoir. (1665— no 260.)

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De toutes les passions, celle qui est la plus inconnue à nous-mêmes, c'est la paresse; elle est la plus ardente et la plus maligne de toutes, quoique sa violence soit insensible, et que les dommages qu'elle cause soient très cachés: si nous considérons attentivement son pouvoir, nous verrons qu'elle se rend en toutes rencontres maitresse de nos sentiments, de nos intérêts et de nos plaisirs : c'est la rémore qui a la force d'arrêter les plus grands vaisseaux, c'est une bonace plus dangereuse aux plus importantes affaires que les écueils et que les plus grandes tempêtes. Le repos de la paresse est un charme secret de l'ame qui suspend soudainement les plus ardentes poursuites et les plus opiniâtres résolutions. Pour donner enfin la véritable idée de cette passion, il faut dire que la paresse est comme une beatitude de l'ame, qui la console de toutes ses pertes, et qui lui tient lieu de tous les biens. (1665 — no 290.)

LV.

-

On aime bien à deviner les autres, mais l'on n'aime pas à être deviné. (1665-no 296.)

LVI.

C'est une ennuyeuse maladie que de conser

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La sincérité que se demandent les amants et les maitresses pour savoir l'un et l'autre quand ils cesseront de s'aimer, est bien moins pour vouloir être avertis quand on ne les aimera plus, que pour être mieux assurés qu'on les aime, lorsque l'on ne dit point le contraire. (1665- no 505.)

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SECOND SUPPLEMENT.

PENSÉES

TIRÉES DES LETTRES MANUSCRITES

QUI SE TROUVENT A LA BIBLIOTHÈQUE DU ROI'.

I.

L'intérêt est l'ame de l'amour-propre : de sorte que comme le corps privé de son ame est sans vue, sans ouïe, sans connoissance, sans sentiment et sans mouvement; de même l'amour-propre séparé, s'il le faut dire ainsi, de son intérêt, ne voit, n'entend, ne sent et ne se remue plus de là vient qu'un même homme qui court la terre et les mers pour son intérêt devient soudainement paralytique pour l'intérêt des autres; de là vient le soudain assoupissement et cette mort que nous causons à tous ceux à qui nous contons nos affaires ; de là vient leur prompte résurrection lorsque dans notre narration nous y melons quelque chose qui les regarde de sorte que nous voyons dans nos conversations et dans nos traités, que dans un même moment un homme perd connoissance et revient à soi, selon que son propre intérêt s'approche de lui ou qu'il s'en retire.

Lettre å madame de Sablė, manusc., folio 211.

II.

Ce qui fait tant crier contre les maximes qui découvrent le cœur de l'homme, est que l'on craint d'y être découvert. (MAXIME 103.) Manusc., folio 310.

III.

est fait, on en est assez content pour ne se mettre pas d'ordinaire fort en peine du succès de l'entreprise que l'on veut faire réussir; et il est certain que ceux qui s'exposent et font autant qu'il est nécessaire pour prendre une place que l'on attaque, ou pour conquérir une province, ont plus de mérite, sont meilleurs officiers, et ont de plus grandes et plus utiles vues que ceux qui s'exposent seulement pour mettre leur honneur à couvert; il est fort commun de trouver des gens de la dernière espèce, et fort rare d'en trouver de l'autre. (MAXIME 219.) Lettre à M. Esprit, manusc., folio 173.

V.

Le goût change, mais l'inclination ne change point. (MAXIME 252.)

Lettre à madame de Sablė, manusc., folio 223.

VI.

Le pouvoir que des personnes que nous aimons ont sur nous, est presque toujours plus grand que celui que nous avons nous-mêmes. (MAXIME 259.)

Lettre à madame de Sable, manusc., folio 244.

VII.

Ce qui fait croire si facilement que les autres ont des défauts, c'est la facilité que l'on a de croire ce que l'on souhaite. (MAXIME 397.)

Lettre à madame de Sable, manusc., folio 223.

VIII.

Je sais bien que le bon sens et le bon esprit ennuient à tous les âges, mais les goûts n'y mènent pas toujours, et ce qui seroit bien en un temps, ne seroit pas bien en un autre. Ce qui me fait croire que peu de gens savent être

L'espérance et la crainte sont inséparables. vieux. (MAXIME 425.) (MAXIME 168.)

Lettre à madame de Sablé, manusc., folio 222.

IV.

Il est assez ordinaire de hasarder sa vie pour empêcher d'être déshonoré; mais quand cela

Nous avons indiqué les numéros des Maximes auxquelles les Pensées de ce supplément peuvent servir de variantes.

Lettre à madame de Sablé, manusc., folio 202.

IX.

Dieu a permis, pour punir l'homme du péché originel, qu'il se fit un bien de son amourpropre pour en être tourmenté dans toutes les actions de sa vie. (MAXIME 494.)

Manusc., folio 510.

X.

Il me semble que voilà jusqu'où la philosophie d'un laquais méritoit d'aller ; je crois que toute gaîté en cet état-là est bien suspecte1. (MAXIME 504.)

Lettre à madame de Sablė, manusc., folio 164.

RÉFLEXIONS

DIVERSES

Je ne prétends pas détruire, par ce que je dis, la confiance si nécessaire entre les hommes,

puisqu'elle est le lien de la société et de l'amitié. Je prétends seulement y mettre des bornes et la rendre honnête et fidèle. Je veux qu'elle soit n'ait ni foiblesse ni intérêt. Je sais bien qu'il toujours vraie et toujours prudente, et qu'elle est malaisé de donner de justes limites à la manière de recevoir toute sorte de confiance de nos amis, et de leur faire part de la nôtre. On se confie le plus souvent par vanité, par envie de parler, par le desir de s'attirer la

DU DUC DE LA ROCHEFOUCAULD. confiance des autres, et pour faire un échange

I.

De la Confiance.

Bien que la sincérité et la confiance aient du rapport, elles sont néanmoins différentes en plusieurs choses.

La sincérité est une ouverture de cœur qui nous montre tels que nous sommes ; c'est un amour de la vérité, une répugnance à se déguiser, un desir de se dédommager de ses défauts, et de les diminuer même par le mérite de les avouer.

La confiance ne nous laisse pas tant de liberté: ses règles sont plus étroites; elle demande plus de prudence et de retenue, et nous ne sommes pas toujours libres d'en disposer. Il ne s'agit pas de nous uniquement, et nos intérêts sont mêlés d'ordinaire avec les intérêts des autres : elle a besoin d'une grande justesse pour ne pas livrer nos amis en nous livrant nous, mêmes, et pour ne pas faire des présents de leur bien, dans la vue d'augmenter le prix de ce que nous donnons.

La confiance plaît toujours à celui qui la reçoite: c'est un tribut que nous payons à son mérite; c'est un dépôt que l'on commet à sa foi; ce sont des gages qui lui donnent un droit sur nous, et une sorte de dépendance où nous nous assujettissons volontairement.

La Rochefoucauld cite, dans la 504 Maxime, le trait d'un laquais qui dansa sur l'échafaud où il alloit être roué.

Les Réflexions suivantes sont tirées d'un Recueil de pièces d'histoire et de littérature, Paris, 1751, tome 1er, page 32. Gabriel Brotier est le premier qui les ait insérées à la suite des Maximes, dans l'édition qu'il a donnée de cet ouvrage.

de secrets.

Il y a des personnes qui peuvent avoir raison de se fier en nous, vers qui nous n'aurions pas raison d'avoir la même conduite; et on s'acquitte avec ceux-ci en leur gardant le secret, et en les payant de légères confidences.

Il y en a d'autres dont la fidélité nous est connue, qui ne ménagent rien avec nous, et à qui on peut se confier par choix et par estime. On doit ne leur rien cacher de ce qui ne regarde que nous; se montrer à eux toujours vrais dans nos bonnes qualités et dans nos défauts même, sans exagérer les unes et sans diminuer les autres; se faire une loi de ne leur faire jamais des demi-confidences: elles embarrassent toujours ceux qui les font, et ne contentent jamais ceux qui les reçoivent. On leur donne des lumières confuses de ce qu'on veut cacher; on augmente leur curiosité; on les met en droit de vouloir en savoir davantage, et ils se croient en liberté de disposer de ce qu'ils ont pénétré. Il est plus sûr et plus honnête de ne leur rien dire, que de se taire quand on a commencé à parler. Il y a d'autres règles à suivre pour les choses qui nous ont été confiées; plus elles sont importantes, et plus la prudence et la fidélité y sont nécessaires.

Tout le monde convient que le secret doit être inviolable; mais on ne convient pas toujours de la nature et de l'importance du secret. Nous ne consultons le plus souvent que nousmêmes sur ce que nous devons dire et sur ce que nous devons taire. Il y a peu de secrets de tous les temps, et le scrupule de le révéler ne dure pas toujours.

On a des liaisons étroites avec des amis dont

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