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pas qu'il fe rendit maitre de ces deux endroits.
Du moins s'il s'empara de la ville de Sidon,
ce qui n'eft pas vraisemblable, les Cananéens
la reprirent peu de temps après, puifque les Si- Jug.
doniens font alléguez dans le Livre des Juges
comme des exemples de la plus profonde fecu-
rité.

Jofué exécuta l'ordre que Dieu lui avoit donné de couper les jarrets aux chevaux des Cananéens, c'est ainfi que nos Verfions traduifent le terme de l'Original, qui fignifie plus ordinairement énerver. Par cette énervation quelques 49 Docteurs Juifs entendent je ne fai quelle incifion, que l'on fefoit aux pieds des chevaux. Ils veulent que Dieu ait ordonné d'énerver ainfi les chevaux, & non de les tuer, parce qu'il y a de la cruauté à ôter fans néceffité la vie aux Animaux. Peut-être cette moralité eft-elle trop rafinée le mot Hebreu py, gnaker, eft un terme affez général, qui peut fignifier détruire, & 5° nous avons déjà vû les raisons, pour lefquelles Dieu avoit défendu aux Ifraëlites d'avoir des chevaux & de la cavalerie.

49 KIMCHI in Jof. XI. 9. fol. npr.
jo Voi. ci-deffus pag. 188.

DIS

XVIII.7.

200

DISCOURS

VII,

Jofue partage la Terre de Canaan.
Jos. XIII, XIV, XV.

Uand Jofué eut atteint lage de
cent ans, Dieu lui commanda
d'exécuter l'ordre, qui avoit été
donné pendant la vie de Moy-
fe, touchant le partage
du païs

de Canaan. Il voulut que le refpect, qu'on auroit pour celui qui en avoit fait la conquête, prévint les difputes, que pourroit exciter la maniére, dont elle feroit diftriNombr, buée. C'eft dans le Livre des Nombres que *.&c. nous trouvons le commandement, dont Dieu preferit ici l'exécution. Mais pour examiner à fonds cette matiére, il faudroit s'engager dans des difcuffions, auxquelles des Traitez entiers pourraient à peine fuffire. Nous ne ferons donc ici que des remarques générales; & nous renvoyons aux Géographes, particuliérement au Traité d'Arias Montanus, qui a pour titre Caleb, ceux qui voudront démêler toutes les difficultez, qui fe trouvent dans les noms, & dans la pofition des lieux, qui échûrent à chaque Tribu, & à chaque Famille.

Voici les questions, que nous voudrions é clai

Ce Traité eft dans le 8. volume des grands Critiques, pag. 559.

claircir. La prémiére roule fur les païs, qui n'étoient point encore fubjuguez, lorfque Jofué entreprit de faire le partage de celui qu'il avoit conquis. La feconde fur les perfonnes qui y travaillèrent avec lui. La troifiéme fur le fort qu'on y employa. La quatriéme fur la proportion qui dût y être obfervée. La cinquiéme fur la portion des Sacrificateurs & des Lévites. La fixiéme fur quelques familles, qui furent diftinguées dans ce partage. Et la feptiéme fur les villes de refuge.

1. Nos premiéres remarques concernent les païs, qui n'étoient point encore fubjuguez lorfque Jofué entreprit de faire le partage. Je parle de ceux dont la conquête avoit été promife aux Ifraelites: il y en avoit plufieurs, qui n'avoient pas fubi le joug du Peuple de Dieu, ou qui l'avoient peut-être fecoué. On 11 Sam. en peut voir l'énumération dans les prémiers V. 6. &c. verfets du Chapitre XIII. du Livre de Jofué. Ce ne fut même que du temps de David, que le Territoire de la ville de Jérufalem fut entiérement foûmis au Peuple de Dieu. Les Interprétes ont recherché avec foin les caufes du retardement de ces conquêtes.

Quelques-uns l'ont attribué à la foibleffe de Jofué, & à la force des villes, qui avoient confervé leur liberté. C'eft la penfée de Jofephe, qu'il exprime d'une maniére injurieufe à Jofué, ou plûtôt à Dieu même, dont ce Général n'étoit que le miniftre: Fofué, dit-il, étant déjà avancé en âge, voiant que les villes qui lui restoient, `n'étoient pas faciles à prendre, &× evaλwrys, tant

2 JOSEPH. Antiquit. lib. V. cap. I. pag. 185.

31.

à caufe de leur affiète, que parce que ces peuples aiant vû que les Hébreux étoient fortis d'Egypte pour conquerir leur païs, avoient employé tout le temps, qui s'étoit paffé depuis, à mettre ces places en état de ne pouvoir être forcées, affembla le Peuple à Silo.

Quelques Juifs ont expliqué ce retardement d'une maniére moins glorieuse encore à Jofué. Ils ont cru qu'il avoit affecté de trainer la guerre en longueur, non feulement pour fe rendre plus refpectable, mais parce qu'il étoit averti qu'il mourroit dès qu'elle feroit terminée.

Il y a plus de vraisemblance, quoiqu'il n'y ait peut-être pas plus de vérité, dans la penfée du 4 Rabin Jofué Ben Kanha. Il prétend qu'un Gen. xxi. ferment, prêté par Abraham à Abimelech Roi de Guerar, engagea les Ifraëlites à épargner fa postérité, quoi qu'appartenant à une des fept nations, que Dieu leur avoit commandé de détruire. Il dit qu'en vertu de ce ferment d'Abraham, fes defcendans ne devoient pas feulement être favorables à Abimelech, mais à fon fils & à fon petit-fils: que ceux-ci occupèrent Voi. la Fortereffe de Jébus jufques à David'; mais v. 6. &c. que le dernier des deux étant mort, lorfque ce Prince monta fur le thrône, il pût, fans

II. Sam.

enfraindre le ferment du Patriarche, détruire leurs defcendans. C'eft par cette hypothèse Verf. 63. que ce docteur Juif prétend expliquer ces paroles Voi, aufi du Chapitre XV. de Jofué: Les enfans de Juda Jug. 1. ne purent depoffeder les Jébufiens, qui habitoient à Férufalem: c'est pourquoi le Jebusien a demeuré

21.

avec

3 Voi. SCHOTANUS Biblioth. Hift. Vet. & N. T. tom. II. pag. 402.

avec les Enfans de Juda à Jerufalem jusques à ce jour.

Nous ne fommes point obligez d'avoir recours à ces raifons. L'Ecriture nous en fournit plufieurs d'un autre genre.

Le prémière, c'eft que les Ifraëlites, lorsqu'ils arrivérent dans la Terre promife, étoient en trop petit nombre pour l'occuper toute entiére. Siles habitans naturels en avoient d'abord été chaffez, les bêtes fauvages y auroient multiplié: Fenverrai, eft-il dit dans le Chapitre XXIII. de l'Exode, j'enverrai des frélons, qui Verf. 28. chafferont les Héviens, les Cananéens & les auffi Héthiens de devant vous. Je ne les chafferai pas dans Deuter. une année, de peur que le païs ne devienne defert & VII. 22. que les bêtes des champs ne fe multiplient contre → vous: mais je les chafferai peu-à-peu, jufqu'à ce que vous foiez accrûs.

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La feconde raifon, c'eft que Dieu, qui avoit ordonné aux Ifraëlites d'exterminer entiérement les fept nations de peur qu'elles ne les détournaffent de fon culte, voulut, pour mettre leur obéiflance à l'épreuve, qu'ils ne vinflent pas entiérement à bout de ce grand ouvrage. Cela eft dit expreflément dans le Chapitre II. du Livre des Juges: Je ne dépoffederai plus aucune des nations, que Jofué laiffa quand il mourut, afin d'éprouver par elles Ifraël, & de voir s'ils garderont la voie de l'Eternel, comme leurs Pères.

Cette épreuve doit être rangée parmi les peines, dont le St. Efprit menace ceux qui manquent de le prévaloir des fecours qu'il leur a déjà accordez. Cette troifiéme raifon eft marquée

4 RABRI JOSUE BEN-KANHA, cité dans S. Ja rCHI, fur Jofué xv. 63. pag. 35..

Voi.

Verf. 21. v

22.

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