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BASQUE.

AVANT-PROPOS.

ORIGINE DE LA LANGUE BASQUE.

Ce sont les Phéniciens, si nous en croyons la renommée, qui les premiers nous ont enseigné l'art d'écrire :

Phoenices primi, famæ si credimus, ausi

Mansuram rudibus vocem signare figuris. Luc.

C'est d'eux que nous tenons cet art ingénieux
De peindre la parole et de parler aux yeux;
Et, par les traits divers de figures tracées,

Donner de la couleur et du corps aux pensées. Bréb.

Tyr et Sidon étoient leurs villes principales; leur langue étoit un dialecte de l'hébraïque, comme le témoignent les noms mêmes des lettres que Cadmus, un de leurs rois, apporta aux Grecs (*), et qui, en

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(*) Les lettres hébraïques se nomment Aleph, Beth, Ghimel, Daleth, etc., et les grecques Alpha, Béta (prononcez Vita), Gamma, Delta, etc.

son honneur, furent appelées cadméennes, c'est-à-dire orientales; car, en hébreu, Cadim fignifie l'Orient, et cadmoni oriental..

Environ 137 ans avant la fondation de Rome c'est-à-dire neuf siècles avant notre ère, les Phéniciens établirent une colonie sur la côte d'Afrique, près de l'endroit où est situé Tunis. Cette colonie reçut le nom de Carthada ou Villeneuve. Les Grecs l'appelèrent Kapynov, et les Romains Carthago. Après avoir étendu d'abord sa puissance le long des côtes, Carthage devint bientôt la reine des mers, et se montra redoutable rivale de la dominatrice du continent. Rome et Carthage se disputèrent pendant un siècle l'empire du monde; mais enfin celle-ci succomba. Parmi les trois guerres puniques, la seconde, qui dura 17 ans, est sans contredit celle qui fut la plus glorieuse pour les Carthaginois; et Annibal (dont le nom signifie gage de grandeur, handi-bahia) mit les Romains à deux doigts de leur perte.

Si nous pouvons établir, par un fait positif, l'affinité de la langue basque avec la carthaginoise, ne sera-t-on pas forcé de lui reconnoître une antiquité certaine de 27 siècles? et, comme le phénicien étoit lui-même un dialecte de l'hébreu, peut-on assigner au basque une plus noble origine?

Un poète comique latin, qui vivoit deux siècles avant J. C., et mourut l'an 570 de la fondation de Rome, M. A. Plautus, nous a laissé une comédie

intitulée Poenulus ou le petit Carthaginois, représentée à Rome vers le commencement de la deuxième guerre punique. Au cinquième acte de cette pièce, Hannon, carthaginois, vient à Calydon, ville d'Étolie, dans la maison d'Antidamas, avec lequel il étoit uni par les liens de l'hospitalité. Le but de son voyage est de chercher ses deux filles et son neveu Agorastoclès, que des pirates siciliens ont enlevés de Carthage, et transportés en pays étranger. Le vieillard carthaginois, suivi d'esclaves chargés de pesans paquets (*), ouvre la première scène du cinquième acte par un monologue en langue punique (**)..

Cette scène est composée de 27 vers, dont les II derniers sont latins. Samuel Bochart, ayant remarqué que les noms propres Antidamas et Agorastocles se rencontroient, dans les vers puniques, à peu près à la même place que dans les vers latins, en a conclu que ceux-ci n'étoient autre chose que la traduction des premiers; et, comme il y a un très-grand rapport entre le punique et l'hébreu, il a transcrit les 10 premiers vers en caractères hébraïques; puis, en coupant les mots différemment, et en modifiant certaines syllabes, il est parvenu à retrouver les mêmes pensées que présentoient les vers latins.

(*) Viden' homines sarcinatos consequi? (**) Hanno ponus loquitur punicè.

Voici d'abord les 11 vers latins qui terminent la première scène du cinquième acte:

Deos deasque veneror, qui hanc urbem colunt,
Ut, quod de med re hùc veni, ritè venerim;
Measque ut gnatas, et mei fratris filium,
Reperire me siritis; dii vostram fidem!
Quæ mihi surrepta sunt, et fratris filium.
Sed hic mihi antehac hospes Antidamas fuit:
Eum fecisse aiunt, sibi quod faciundum fuit.
Ejus filium hic prædicant esse Agorastoclem;
Deum hospitalem ac tesseram mecum fero :
In hisce habitare monstratu'st regionibus.

Hos percontabor, qui hùc egrediuntur foràs.

Citons ensuite les 10 vers puniques, tels qu'ils se lisent dans toutes les éditions de Plaute, au commencement de la même scène :

Ny thalonim valon uth si corathisima consith
Chym lach chunyth mumis tyalmyctibari imischi
Lipho canet hyth bymithii ad ædin bynuthii.
'Birnarob syllo homalonin uby misyrtoho
Bythlym mothyn noctothii nelechanti dasmachon
Yssidele brim tyfel yth chylys chon tem liphul
Uth binim ysdibur thinno cuth nu Agorastocles
Ythe manet ihy chyrsæ lycoch sith naso
Bynni id chil luhili gubylim lasibit thym

Body alyt herayn nyn nuys lym moncot lusim.

Plaute, Poenulus, act. v., sc. 1.r.

Philippe Parée, Jean Selden, Samuel Petit et Samuel Bochart ont essayé successivement de transcrire ces 10 vers puniques en caractères hébraïques. A cette occasion, il est essentiel de remarquer que dans la langue hébraïque, ainsi que dans tous ses dialectes, phénicien, chaldéen, syriaque, etc., on n'écrit que les consonnes, et jamais les voyelles. Les copistes ont donc pu, en suppléant les voyelles dans des mots qu'ils n'entendoient pas, commettre bien des erreurs que Bochart a cru devoir corriger. C'est ainsi qu'en basque les voyelles varient suivant les différens dialectes, et que l'on dit emaitea ou emaitia, astua ou astoa, cein ou zoin, dire ou dira. Je me bornerai à rapporter l'essai de Samuel Bochart sur les trois premiers des 10 vers puniques que je viens de citer :

Na eth elyonim veelyonoth, chekhorath yismecun zoth,
Khi melakhay yitthemu, matzlia middabarehem iski;
Lephurcanath eth beni eth yad adi ubenothay.

Traduction, selon Bochart :

Rogo deos et deas, qui hanc regionem tuentur, ut consilia mea compleantur, et prosperum sit ex ductu

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è manu prædonis, et filiarum mearum.

Entre les 10 vers puniques et les II vers latins, il reste encore à expliquer 6 vers, qui ont paru

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