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Quant aux modifications survenues chez ces malades dans les mouvements affectés à l'exercice de la vision, elles ne sont pas aussi complètes que les vivisections pourraient le faire espérer. Le malade de Joire avait conservé le fonctionnement de sa pupille. Il n'avait ni strabisme, ni aucun mouvement convulsif du globe oculaire. Mais c'est le seul qui ait fourni des résultats négatifs sous ce rapport. Chez le premier malade de Serres, les yeux roulaient dans les orbites avec une rapidité que l'observateur pouvait difficilement suivre. Notez que chez lui la lésion n'avait pas détruit les tubercules. Elle constituait pour eux un corps étranger, une épine capable d'exciter leur action. La femme hystérique avait les pupilles constamment contractées. Les yeux étaient tantôt fixes, tantôt dans la plus grande mobilité. Chez elle aussi il n'y avait pas destruction des tubercules; leur base était seulement envahie par un épanchement. La femme de 68 ans avait encore une certaine agitation des globes oculaires. Enfin, le malade de Wood avait les pupilles immobiles. Si ces symptômes ne viennent pas confirmer d'une manière suffisante le rôle à la fois producteur et coordinateur que nous avons attribué aux tubercules dans la physiologie normale, on peut dire qu'ils sont loin d'être contraires à cette idée, puisque le fait de Joire vient seul lui faire échec. Peut-être, dans ce cas, les noyaux des différents nerfs moteurs de la vision continuaient-ils à associer leurs actions, en vertu de l'aptitude acquise? Peut-être étaient-ils encore reliés aux corps genouillés par quelques fibres et quelques cellules des tubercules que les cysticerques n'avaient fait que refouler?

Relativement à l'opinion de Serres, qui voulait faire des tubercules un centre ayant de l'influence sur l'ensemble des actes de la locomotion, et qui voulait y placer le siége anatomique de la chorée, il faut avouer que les cas observés par lui étaient bien de nature à engendrer cette idée dans son esprit, puisque trois de ses malades présentaient des mouvements choréiformes plus ou moins généraux. Mais, évidemment, on ne saurait accorder une importance aussi grande à un organe nerveux aussi petit. Tout ce qu'il est rationnel de penser, c'est que les tubercules font partie du système des centres du mouvement; que leur part spéciale consiste dans les mouvements oculaires; mais que, comme les différentes parties de ce système sont agencées entre elles de façon à s'influencer réciproquement, il en résulte la possibilité d'une influence indirecte de ces éminences sur le fonctionnement des autres centres moteurs.

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Après avoir supporté les tubercules quadrijumeaux, les pédoncules cérébraux s'engagent chacun dans deux masses grises appelées couche optique et corps strié. L'ordre anatomique nous conduit donc à faire l'histoire de ces masses immédiatement après celle des tubercules quadrijumeaux. Commençons par les couches optiques. Chacune d'elles représente un ovoïde recourbé sur lui-même, dirigé dans le sens antéro-postérieur et à grosse extrémité tournée en arrière. Malgré cette forme ovoïde, les anatomistes ont été obligés, pour les besoins de la description, de lui reconnaître des faces distinctes. Parmi les faits relatifs aux rapports et à la conformation de ces diverses faces, la physiologie exige seulement que je vous rappelle : 1° que la face supérieure est libre dans le ventricule latéral, dont elle concourt à former le plancher. C'est là une condition qui fait que la couche optique est exposée à subir les conséquences des modifications pathologiques qui peuvent survenir dans cette cavité, mais qui lui permet de remplacer, par un léger refoulement, une faible partie de la pression exercée par les tumeurs ou les foyers sanguins du cerveau; 2° que sa face interne se trouve de même libre dans le ventricule moyen, dont elle forme la paroi latérale, et qu'elle vient ainsi multiplier les effets précédents; 3° que c'est par la portion antérieure de sa face inférieure qu'une partie des pédoncules cérébraux s'engage dans les lobes cérébraux; 4° que la partie postérieure de cette même face est encore libre, et présente les deux saillies appelées corps genouillés interne et externe, qui donnent naissance aux racines interne et externe du nerf optique; 5o que c'est de sa face, ou plutôt de son côté externe, qu'émanent les fibres blanches qui doivent la relier aux cellules intellectuelles de la couche corticale des lobes cérébraux.

Quand on fait des coupes en différents sens de la couche optique, on s'aperçoit qu'elle ne forme pas une seule et même masse de substance grise, et qu'elle renferme quatre noyaux de cette substance parfaitement distincts les uns des autres. Trois de ces noyaux se dessinent même à l'extérieur par de légères saillies. Ils occupent la

zone interne de la couche optique et sont placés l'un à côté de l'autre, dans le sens antéro-postérieur. Pour ne rien préjuger de leurs destinées physiologiques, on peut les désigner par les épithètes d'antérieur, de moyen et de postérieur. Se basant sur certains faits anatomiques et pathologiques, Luys croit pouvoir affirmer que l'anté

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Fig. 45.

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Courbe de la couche optique (a) et du noyau ventriculaire du corps strié (b).-c, noyau olfactif. d, noyau optique. e, noyau acoustique. h, noyau central. m, fragments des fibres qui, parties de la couche corticale du cerveau, vont converger vers le noyau de l'encéphale.

rieur est affecté à l'olfaction. C'est pourquoi il le nomme centre olfactif. Tout ce qu'on peut assurer, c'est qu'il reçoit directement le tania, qui, lui-même, est le prolongement médiat des fibres de la racine du nerf olfactif. Ce centre se dessine nettement à l'extérieur, et fait saillie à l'extrémité antérieure de la couche optique. Il regarde le moyen, qui est le plus volumineux des trois, comme un centre visuel, et il l'appelle centre optique. Il prétend qu'il reçoit des fibres qui viennent des corps genouillés, d'autres qui viennent des tubercules quadrijumeaux. Quant au postérieur, Luys suppose qu'il reçoit des émanations du nerf acoustique, et il lui donne le nom de centre acoustique. Le quatrième noyau mérite l'épithète de médian. Il est situé en dehors des précédents et dans les profondeurs de la couche optique. Luys le regarde comme le centre de toutes les impressions de la sensibilité générale. Il est du reste manifestement en continuité avec la substance grise centrale de la moelle, du bulbe, de la protubérance et du pédoncule cérébral.

Le volume réel de ces différents centres varie d'un gros pois à

une petite noisette. Ils offrent une coloration rougeâtre uniforme. Dans l'état pathologique, on constate dans leur masse des décolorations partielles et des taches grisâtres. Ils sont formés par une forte proportion de substance amorphe, et par une grande quantité de cellules nerveuses, qui ont une certaine analogie avec les cellules ganglionnaires. Elles ont 0mm,02 à 0mm,03; sont à un ou deux prolongements ovoïdes de couleur jaunâtre. Elles sont souvent chargées de granulations pigmentaires. Leur noyau est très-petit. Leurs prolongements sont difficiles à apercevoir.

Physiologie normale.

L'irritation des couches optiques provoque toujours des signes d'une vive douleur. Elles paraissent douées d'une sensibilité exquise, qui contraste avec l'insensibilité absolue de toutes les autres parties des lobes cérébraux. Magendie, qui le premier a signalé ce fait, n'hésitait pas à l'attribuer au tissu propre de la couche optique. Mais, depuis, Longet, Vulpian et Schiff ont pensé voir là une propriété d'emprunt due au passage des fibres supérieures des pédoncules cérébraux. Quand l'irritation porte sur une seule couche optique, en dehors des manifestations de souffrance, l'animal peut parfois donner le spectacle du mouvement de manége. Ce résultat a été obtenu par Longet, Lafargue et Flourens.

A l'époque des premières tentatives réellement scientifiques, on regarda la couche optique comme un centre visuel. L'idée était toute naturelle puisque les nerfs optiques ont leur origine apparente dans les corps genouillés, qui sont des saillies appartenant à la face inférieure des couches optiques. Cette opinion, qui n'avait peut-être que l'inconvénient d'envisager exclusivement une seule des fonctions des couches optiques, fut bientôt abandonnée généralement sous l'influence de la coïncidence d'un certain nombre de faits pathologiques qui lui étaient peu favorables. L'anatomie comparée, en assimilant les lobes optiques des oiseaux aux tubercules quadrijumeaux des mammifères, et en montrant que, chez les premiers animaux, les nerfs optiques aboutissent à ces lobes, fortifia davantage cette tendance et attira vers les tubercules quadrijumeaux l'attention des physiologistes à la recherche des centres visuels. C'est dans cette disposition des esprits que les expériences de Serres vinrent faire

considérer les couches optiques comme des organes affectés à la locomotion et en collaboration avec les corps striés pour deux départements distincts du système musculaire. Il a incisé chez un chien la couche optique droite, et la patte antérieure gauche fut seule paralysée. Il incisa la couche optique gauche, et la patte antérieure droite devint inerte, le train postérieur conservant toute sa motilité. Il opéra de même chez un autre animal successivement sur les corps striés, droit et gauche; et il produisit au contraire la paralysie isolée de la patte postérieure gauche, puis celle de la patte postérieure droite. Il en a conclu que les couches optiques président aux mouvements volontaires des membres thoraciques et les corps striés à ceux des membres abdominaux, et que tous ces centres exercent leur action d'une manière croisée. Loustau, par des expériences analogues, abonda dans le même sens. Mais Serres se fit surtout fort d'une déclaration de Rolando qui, quoique regardant le cervelet comme l'unique source des mouvements volontaires, avoue que la section des fibres qui se rendent des couches optiques aux corps cannelés affaiblit considérablement les pattes antérieures. Quoique Schiff semble aussi se rallier à cette influence spéciale sur les membres thoraciques, on peut dire qu'aujourd'hui la plupart des médecins, se basant sur des faits pathologiques que nous aurons à juger et l'inconstance des résultats signalés par Serres dans les vivisections, se contentent de considérer les couches optiques comme concourant avec les corps striés à la motilité volontaire, sans qu'il y ait pour ces centres une affectation déterminée à telle ou telle partie du corps. C'est là en particulier l'opinion de Longet et de Vulpian, qui, tous deux, ont vu la destruction des couches optiques entraîner la paralysie des quatre membres.

Il est un autre groupe de physiologistes modernes, parmi lesquels on compte Tood, Carpenter et Luys, qui voient au contraire dans la couche optique un centre de sensibilité. Luys surtout a su systématiser complétement l'idée première. Il s'appuie sur les dispositions anatomiques qu'il a trouvées pour les couches optiques, et avant tout sur les faits pathologiques que nous interrogerons comme lui dans un instant. Pour Luys, comme nous l'avons déjà donné à entendre dans l'étude de la constitution anatomique, la couche optique est la réunion de tous les centres de perceptivité. C'est là que sc centralisent, mais dans des compartiments distincts, toutes les impressions sensorielles, générales et spéciales. C'est là que sont

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