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V.ALER E.

Ho çà, n'ay-je pas lieu de me plaindre de vous? Et pour n'en point mentit, n'étes-vous pas méchanDe vous plaire à me dire une chofe affligeante (ie, MARIA NE.

Mais vous, n'êtes vous pas l'homme le plus ingrat...
DORIN E.

Pour une autre faifon, laiffons tout ce débat,
Et fongeons à parer ce fâcheux mariage.

MARIA NE.

Di-nous donc quels refforts il faut mettre en ufage.
DORIN E.

Nous en ferons agir de toutes les façons,
Vôtre Pere fe mocque, & ce font des chanfons.
Mais, pour vous, il vaut mieux qu'à fon extrava-
gance,

D'un doux confentement vous prêtiez l'apparance,
Afin qu'en cas d'alarme, il vous foit plus ailé
De tirer en longueur cet hymen propolé.
En attrapant du temps, à tout on remédie,
Tantôt vous payerez de quelque maladie,
Qui viendra tout à coup, & voudra des délais :
Tantôt vous payerez de préfages mauvais ;
Vous aurez fait d'un mort la rencontre fâcheuse,
Caffé quelque miroir, ou fongé d'eau bourbeuse.
Enfin le bon de tout, c'eft qu'à d'autres qu'à lui,
On ne vous peut lier, que vous ne difiez oüi.

Mais pour mieux réüffir, il eft bon, ce me femble, Qu'on ne vous trouve point tous deux parlant enfemble.

à Valere. Sortez,& fans tarder,employez vos amis
Pour vous faire tenir ce qu'on vous a promis,
Nous allons reveiller les efforts de 1on Frere,
Et dans notre parti jetter la Belle-Mere.
Adieu.

VALERE à Mariane.

Quelques efforts que nous préparions tous, Ma plus grande efpérance, à vrai dire, eft en vous.

MARIANE à Valere.

Je ne vous répons pas des volontez d'un Pere,
Mais je ne feray point à d'autre qu'à Valere.

V.AL ER.E.

Que vous me comblez d'aife:& quoi que puiffe ofer..

DO

DORIN E.

Ah! jamais les Amans ne font las de jafer.

Sortez, vous dis-je.

Il fait un pas, & revient.

VALER E.

Enfin...

DORIN F.

Quel caquet eft le vôtre ?

Tirez de cette part; & vous, tirez de l'autre.

Les pouffant chacun par l'épaule.

Q

Fin du fecond Acte.

ACTE III

SCENE I.

DAMIS, DORIN E.

DAMIS.

Ue la Fondre, fur l'heure, achève mes
deftins;

Qu'on me traite par tout du plus grand des
Faquins,

S'il eft aucun refpect, ny pouvoir, qui m'arrête,
Et fi je ne fais pas quelque coup de ma tête.
DORINE.

De grace, modérez un tel emportement,
Vôtre Pere n'a fait qu'en parler fimplement;
On n'éxecute pas tout ce qui fe propofe;
Et le chemin eft long, du projet à la chofe.
DA MIS.

Il faut que de ce Fat j'arrête les complots,
Et qu'à l'oreille, un peu, je luy dife deux mots.
DORIN F.

Ha, tout doux;envers luy,comme envers vôtre Pere.
Laifiez agir les foins de vôtre Belle-Mere.
Sur l'efprit de Tartuffe, elle a quelque crédit ;
Il fe rend complaifant à tout ce qu'elle dit,
Et pourroit bien avoir douceur de cœur pour elle.

Flût

Plût à Dieu qu'il fût vray! la chofe feroit belle.
Enfin vôtre intérêt l'oblige à le mander ;

Sur l'hymen qui vous trouble, elle veut le fonder,
Sçavoir fes fentimens, & lui faire connoître
Quels fâcheux démêlez il pourra faire naître ;
S'il faut qu'à ce deffein il prête quelque efpoir.
Son Valet dit qu'il prie, & je n'ay pú le voir:
Mais ce Valet m'a dit qu'il s'en alloit defcendre.
Sortez donc, je vous prie, & me laiffez l'attendre.
DAMIS.

Je puis être préfent à tout cet entretien.

DORIN E.

Point, il faut qu'ils foient feuls.

DAMIS.

Je ne lui diray rien.

DORINE.

Vous vous mocquez, on fçait vos transports ordinai

res,

Et c'est le vrai moyen de gâter les affaires.

Sortez.

DAMIS.

Non, je veux voir fans me mettre en courroux.
DORIN E.

Que vous étes fâcheux! Il vient, retirez-vous.

SCENE II.

TARTUFFE, LAURENT, DORINE.

TARTUFFE, appercevant Dorine.

Laurent, ferrez ma Haire, avec ma Difcipline,
Et priez que toûjours le Ciel vous illumine.
Si l'on vient pour me voir, je vais aux prifonniers,
Des aumônes que j'ay, partager les deniers.

DORIN E.

Que d'affectation, & de forfanterie ?

TARTUFFE.

Que voulez-vous?

DORINE.

Vous dire...

TARTUFFE

Il tire un mouchoir de fa poche.

Ah! mon Dieu, je vous prie,

Avant que de parler, prenez-moi ce mouchoir.
DORIN E.

Comment?

TARTUFF E.

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Couvrez ce Sein, que je ne fçaurois voir. Par de pareils objets les ames font bleffées Et cela fait venir de coupables penfées. -DORIN E.

Vous étes donc bien tendre à la tentation;

Et la Chair, fur vos fens, fait grande impreffion.
Certes, je ne fçay pas quelle chaleur vous monte:
Mais à convojter, moi, je ne fuis point fi promte;
Et je vous verrois nü du haut jusques en bas.
Que toute votre peau ne me tenteroit pas.
TARTUFFE.

-Mettez dans vos difcours un peu de modeftie,
Ou je vais, fur le champ, vous quitter la partie.
DORINE,

Non, non, c'est moi qui vais vous laiffer en repos ;
Et je n'ay feulement qu'à vous dire deux mots."
Madame va venir dans cette Sale baffe,

Et d'un mot d'entretien vous demande la grace.'
TARTUFFE.

Hélas! trés-volontiers.

DORINE en foy-même.

Comme il fe radoucit!

Ma foy, je suis toûjours pour ce que j'en ay dit.
TARTUFFE.

Viendra-t-elle bientôt ?

DORIN E.

Je l'entens, ce me femble,

Oui, c'eft elle en perfonne ; & je vous laiffe enfem

ble.

SCENE III.

ELMIRE, TARTUFF E.

TARTUFFE

Que le ciel à jamais, par fa toute-bonté,
Et de l'ame, & du corps, vous donne la fanté;
Et béniffe vos jours autant que le défire
Le plus humble de ceux que fon amour infpire.

EL

ELMIR E.

Je fuis fort obligée à ce fouhait pieux:

Mais prenons une Chaife, afin d'être un peu mieux. TARTUFFE

Comment, de vôtre mal, vous fentez-vous remife?
ELMIR E.

Fort bien; & cette fiévre a bien-tôt quitté prife.
TARTUFFE

Mes priéres n'ont pas le mérite qu'il faut
Pour avoir attiré cette grace d'enhaut;
Mais je n'ay fait au Ciel nulle devote instance,
Qui n'ait eu pour objet vôtre convalescence.
ELMIR E.

Vôtre zéle pour moy s'eft trop inquiété.

TARTUFFE.

On ne peut trop chérir vôtre chére santé;
Et pour la rétablir, j'aurois donné la mienne.
ELMIR E.

C'eft pouffer bien avant la charité Chrétienne;
Et je vous dois beaucoup, pour toutes ces bontez.
TARTUFF E.

Je fais bien moins pour vous, que vous ne méritez.
ELMIR E.

J'ay voulu vous parler en fecret d'une affaire,
Et fuis bien aife, icy, qu'aucun ne nous éclaire.
TARTUFFE.

J'en fuis ravi de même; & fans doute il m'eft doux,
Madame, de me voir feul à feul, avec vous.
C'eft une occafion qu'au Ciel j'ay demandée,
Sans que, jufqu'à cette heure, il me l'ait accordéc.
ELMIR E.

Pour moi, ce que je veux, c'est un mot d'entretien,
Où tout vôtre coeur s'ouvre, & ne me cache rien.
TARTUFF E.
Et je ne veux auffi, pour grace finguliére,

Que montter à vos yeux mon ame toute entiére;
Et vous faire ferment, que les bruits que j'ay faits,
Des vifites qu'ici reçoivent vos attraits,

Ne font pas, envers vous, l'effet d'aucune haine; Mais plûtôt d'un transport de zéle qui m'entraîne, Et d'un pur mouvement...

ELMIR E.

Je le prens bien ainfi,

Et

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