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cités les plus populeuses; l'homme qui la porte ne consentirait pas plus à l'abandonner qu'à se dessaisir de son vote ou de son fusil. Et d'ailleurs quel peut être l'inconvénient? Non, l'idée de retrancher des municipalités n'a pu naître que dans la tête des aristocrates, d'où elle est tombée dans la tête des modérés.

› Telles sont les principales combinaisons sur lesquelles il était de notre devoir de vous présenter des détails avant de vous lire le projet de l'acte constitutionnel.

› Puissent nos faibles travaux avoir aplani quelques-unes des difficultés du grand ouvrage que vous allez entreprendre ! Puisse cet ouvrage, si nécessaire à la prospérité commune, être bientôt terminé! Puissiez-vous mériter la gloire d'avoir donné une consistance immortelle à votre patrie! Puisse la postérité vous bénir comme les fondateurs de la république française! Il n'existe point sur la terre une plus haute destinée. Puisse surtout la charte que vous allez consacrer à la sagesse humaine, ramener tous nos frères, amortir les haines locales, éteindre et les flambeaux de la discorde et les feux de la guerre, épouvanter les rois, consoler les peuples, rappeler nos troupes belliqueuses dans leurs foyers par la plus belle des victoires, celle de la raison; conquérir à l'humanité les nations étrangères, et planter enfin un rameau d'olivier sur toutes les citadelles !

› Pour nous, nous ne nous flattons point d'avoir atteint ce but; mais nous l'avons souhaité ardemment. On sera sensible. aux efforts de quelques hommes qui ont cherché le bonheur du peuple dans la nature et dans leur cœur, et en attendant que vous ayez élevé ce grand et majestueux édifice, ceux qui voudront embrasser une colonne de la liberté la trouveront peutêtre.

Sur la proposition de Robespierre, il fut décrété que ce projet serait imprimé en placards, envoyé à toutes les administrations, aux sociétés populaires et aux armées; que le lendemain à midi la discussion commencerait article par article, et serait continuée chaque jour à la même heure. Nous renvoyons au chapitre des travaux organiques de la Convention l'acte consti

tutionnel et l'analyse des débats qui portèrent sur le fond: ici nous n'en exposerons que l'influence révolutionnaire.

A l'heure où elle fut produite, la Constitution, considérée comme moyen gouvernemental et instrument de pouvoir, fut en butte aux deux oppositions que nous avons signalées. On a vu le côté droit faire tous ses efforts pour en empêcher la lecture; maintenant il ne néglige rien pour en retarder ou en embarrasser la discussion, et vaincu sur ce point, il infirme autant qu'il est en lui la valeur du résultat, en s'abstenant de voter. Le jour même où elle fut lue, l'opposition des exagérés préludait par des objections timides aux réclamations impérieuses qu'elle devait bientôt élever.

Dans la soirée du 10, Robespierre vint aux Jacobins et dit : << Tandis que les destinées du peuple français flottaient dans l'incertitude, tous les intrigans tâchaient de s'emparer des débris du gouvernement, et appelaient les despotes pour aider leurs projets criminels. Tous les bons citoyens demandaient une Constitution et craignaient de la demander en vain. Elle a été enfin présentée ce matin, et a rempli les vœux du peuple.

> Nous pouvons offrir à l'univers un code constitutionnel infiniment supérieur à toutes les institutions morales et politiques, un ouvrage susceptible sans doute de perfection, mais qui présente les bases essentielles du bonheur public, qui offre le dessein sublime et majestueux de la régénération française. Aujourd'hui la calomnie peut lancer ses traits empoisonnés. La Constitution, voilà la réponse des députés patriotes, car elle est l'ouvrage de la Montagne. (On applaudit.)

› Voilà notre réponse à tous les calomniateurs, à tous les conspirateurs, qui nous accusaient de ne vouloir que l'anarchie. Nous les accusons à notre tour, car les intrigans ne voulaient point de notre Constitution; mais nous la soutiendrons, et tous les amis de la liberté se rallieront à ce signal.

» Il s'est trouvé dans la Convention des hommes purs qui ont prouvé que les bonnes institutions n'étaient pas puisées dans l'es

prit subtil des intrigans, mais dans la sagesse du peuple. Cette Constitution est sortie dans huit jours du sein des orages, et elle devient le centre où le peuple peut se rallier sans se donner de nouvelles chaînes.

› C'est en vain que les amis des intrigans, ou leurs dupes, ont demandé que cette Constitution ne fût pas décrétée, que les hommes arrêtés fussent rappelés dans le sein de la Convention; en vain ont-ils protesté contre cette Constitution et même contre tout ce qui a été fait en l'absence des chefs de la faction des hommes d'état, les patriotes n'ont fait aucune attention à leurs clameurs.... Les aristocrates sont confondus; les intrigans ne pourront poursuivre le cours de leurs perfidies sans se déclarer ouvertement ennemis de la liberté, sans prouver qu'ils voulaient un tyran. Actuellement il faut nous occuper des grandes mesures de salut public; il faut opposer une force invincible aux ennemis armés dont nous sommes environnés.

› Nos ennemis intérieurs ne sont pas moins dangereux par les intelligences qu'ils ont avec les despotes étrangers. On prétend que les députés éloignés de la Convention se sont répandus dans les départemens où ils secouent les brandons de la guerre civile. On prétend que des bataillons s'avancent sur Paris. Sans examiner si ces bruits sont fondés ou non, je proposerai de déjouer tous les complots en éclairant l'opinion publique. Je n'indiquerai qu'une mesure pour arrêter les efforts des intrigans, c'est que nous nous appliquions sans cesse à éclairer les départemens sur ce qui s'est passé, et il est certain que nous avons autant d'amis qu'il y a de patriotes, et que nous n'aurons d'ennemis que parmi les feuillans, les modérés, les administrateurs, car c'est la même intrigue que celle que nous avons combattue et anéantie au 10 août.

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› Pour éclairer les départemens, je demande que la société fasse une adresse sur la Constitution qui vient d'être décrétée ; que dans cette adresse elle développe ses principes; qu'ensuite nos séances soient toujours consacrées aux grands objets, et que

les discussions sur les mesures de salut public et sur la Constitution partagent les travaux de cette société.

› Je demande qu'il y ait une union intime entre la municipalité et les sociétés populaires. Je demande, quant à présent, qu'il soit rédigé une adresse aux départemens, sur l'heureux événement qui paraît concilier les suffrages du peuple et de tous les amis de la liberté. ›

Chabot s'opposa à cette mesure. Sa critique fut principalement basée sur le motif que Jacques Roux, se disant envoyé par la section des Gravilliers, et approuvé par le club des cordeliers, développa avec tant de violence à la barre de la Convention, le 25 au soir. Le projet qui vous a été présenté aujourd'hui, dit Chabot, mérite sans doute de très-grands éloges parce qu'il surpasse tout ce qui nous a été donné jusqu'à ce jour ; mais s'ensuit-il que les hommes de la Montagne doivent le prôner avec enthousiasme, sans examiner si le bonheur du peuple est assuré par ce même projet. On ne s'appesantit pas assez sur le sort du peuple, et c'est ce qui manque à l'acte constitutionnel qui a été présenté. Il y manque d'assurer du pain à ceux qui n'en ont pas. Il y manque de bannir la mendicité de la République.

› Premier défaut de cette Constitution : elle ne parle pas des droits naturels de l'homme.

› Second défaut : elle laisse à l'arbitraire de la législature l'établissement de la Constitution; car quand bien même vous auriez décrété que l'impôt doit peser davantage sur les propriétés foncières que sur les propriétés individuelles, vous devez prévoir que des législateurs, et il y en aura long-temps d'aristocrates, viendront renouveler votre ouvrage, si vous ne décrétez pas l'impôt progressif.

Troisième défaut : cette Constitution élève un pouvoir colossal et liberticide. Lorsqu'on établit un pouvoir exécutif on sème les racines de la royauté. On dira : mais ce pouvoir n'aura pas un veto; mais s'il introduit dans le conseil exécutif un Brissot, il paralysera par son inaction toutes les mesures d'utilité et même de salut public. On me demandera quelle sera la garantie

de la liberté; je réponds : la garantie sera la guillotine. (On applaudit.)

.: La Constitution que l'on a présentée offre la racine du bien, et avec des amendemens on peut en faire la base du bonheur public. Je demande donc l'ajournement jusqu'à ce que nous ayons discuté tout ce qu'il y a de désastreux aux yeux de la philosophie et des amis de la liberté.

Robespierre.

fini;

Je déclare que je désire la discussion, et que je ne regarde pas cette Constitution comme un ouvrage j'ajouterai moi-même des articles populaires qui y manquent, et je ne demande qu'une adresse analogue aux circonstances, dont le but soit de relever l'esprit public abattu, et de répondre aux calomnies de nos ennemis. Jean-Bon-Saint-André appuya la proposition de Robespierre, et elle fut arrêtée par le club.

Cependant il ne cessait d'arriver de l'intérieur des nouvelles fâcheuses, et chaque jour elles faisaient naître quelques débats incidentels dans la Convention, en même temps qu'elles la stimulaient à l'achèvement de son œuvre constitutionnelle. Le 11, Lacroix, se fondant sur ce que plusieurs départemens s'occupaient de mesures liberticides provoquées par des représentans du peuple, demanda, pour éviter les malheurs de la guerre civile, qu'il fût fait un appel nominal; que tous ceux qui ne se. raient pas à leur poste fussent remplacés par leurs suppléans, et qu'il fût porté peine de mort contre les corps administratifs qui s'assembleraient et délibéreraient, soit pour convoquer les assemblées primaires, soit pour envoyer des troupes contre Paris, soit pour suspendre l'envoi des décrets de la Convention. Fermont s'étonna qu'on proposât des mesures si rigoureuses comme propres à maintenir la paix; il dit qu'il n'y avait pas d'autre moyen de ramener le calme que de rendre la liberté aux députés détenus. Roux (de la Marne) fit observer que c'était précisément parce que plusieurs d'entre eux s'étaient échappés, que quelques administrateurs s'agitaient aujourd'hui, et que le bon moyen d'étendre partout le trouble et la discorde serait d'obtempérer à la proposition de Fermont; il demanda l'ordre du

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