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prêtre français qui a un air bien distingué : sa figure et sa voix portent l'empreinte de la piété.

Ma lettre ne devant partir que samedi, ma profession faite, j'y ajouterai une croix comme on en met sur la tombe des morts.

Adieu encore, ma sœur et mes frères; ne cessons de prier notre Sauveur qu'il veuille bien nous réunir à son côté droit au grand jour de la résurrection.

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La famille avait demandé un certificat de profession pour obtenir le bienfait de l'amnistie accordé par le premier consul. Elle espérait que la mort civile du Trappiste serait considérée comme ayant le même effet que la mort naturelle. La lettre qui suit, écrite par un religieux de la Trappe, dispensa de faire cette nouvelle demande à la bienfaisance du gouvernement.

Lettre du Père... à la famille...

GLOIRE A DIEU.

Au Monastère de Saint-Suzanne de N. D. de la Trappe, le 28 du mois d'août de 1802.

MONSIEUR,

Nous vous envoyons, comme vous le demandez, un certificat de la profession de Monsieur votre frère dans ce monastère, légalisé par notre notaire royal: nous y en ajoutons un autre qui vous surprendra, et ne laissera pas de vous affliger, en vous apprenant que Monsieur votre frère mourut neuf mois après sa profession, et que le bon Dieu le retira de ce misérable monde pour le couronner dans le ciel. Les sentiments de religion dont vous êtes pénétré, Monsieur, me donnent tout lieu d'espérer que votre première tristesse sera bientôt convertie en une vraie joie, quand vous saurez quelque circonstance de la vie sainte de Monsieur votre frère, et de la mort précieuse qu'il a faite. Non, Monsieur, ne doutez pas un instant que Dieu ne lui ait fait miséricorde, et qu'il ne l'ait reçu dans le sein de sa gloire: ainsi ne pleurez point sa mort, mais enviez plutôt son heureux sort, et

priez-le d'être votre protecteur auprès du Sei-gneur pour vous obtenir le même bonheur. Monsieur votre frère vint dans ce monastère après avoir parcouru une partie de l'Espagne : il se présenta à l'hôtellerie, et déclara son désir d'entrer parmi nous. La pauvreté de la maison, et le grand nombre de religieux qui la composaient, ne nous permettaient guère de recevoir de nouveaux sujets; on lui fit beaucoup de difficultés pour l'admettre, et on finit par lui dire qu'on ne pouvait pas le recevoir. Mais la main de Dieu, qui l'avait conduit, le soutint dans toutes ces épreuves, et lui donna le courage de tout vaincre par sa patience et sa persévérance à demander son admission. Enfin notre R. Père abbé, qui est plein de bonté et de tendresse, voyant sa constance, lui dit qu'il le recevait pour Frère convers. Monsieur votre frère, qui ne cherchait Dieu et le salut de son ame, accepta la condition, et de suite entra aux cxercices de la communauté Il a été l'exemple et l'édifi-cation de tous dans la maison. Sɔn humilité était grande et profonde, son obéissance prompte, docile et aveugle, embrassant tous les commandements avec joie et avec une soumission d'enfant. Sa patience était à toute épreuve, et sa charité à l'égard de ses frères, tendre, constante et

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ardente. Il a pratiqué les autres vertus dans le même degré de perfection; la pauvreté était son amie particulière; il vivait dans un dépouillement entier de toute chose aussi le bon Dieu, qui voyait la bonne disposition de son cœur, couronna bientôt ses vertus, et écouta les désirs ardents qu'il avait de mourir pour ne plus l'offenser, disait-il, et jouir plus tôt de sa divine présence. Il fut attaqué d'une bydropisie qui lui fit souffrir, pendant environ quatre mois, tout ce que cette maladie a de plus douloureux et de plus crucl; mais avec quelle patience et quelle résignation à la sainte volonté de Dieu, n'a-t-il pas souffert tous ses maux ! Il voyait venir sa fin avec un grand contentement et une paix d'ame profonde. Il ne cessait de témoigner sa reconnaissance au Seigneur de l'avoir conduit dans cette maison de pénitence, où il avait trouvé tant de moyens de satisfaire à sa divine justice pour tous ses péchés, et pour se préparer à recevoir ses miséricordes, dans lesquelles il avait une pleine confiance. Je me rappelle qu'étant couché sur la cendre et la paille, sur laquelle il consomma son sacrifice, il prenait la main de notre R. Père abbé avec un amour qui attendrissait toute la communauté, qui était présente. Que mon bonheur est grand! disait-il, vous êtes l'au

teur de mon salut, vous m'avez ouvert les portes du monastère, et par cela même celles du ciel; sans vous je me serais perdu misérablement dans le monde ; je prierai le bon Dieu de récompenser votre grande charité à mon égard. Il reçut tous les sacrements au milieu de l'église, selon l'usage de notre ordre. Quelques jours avant sa mort, il demanda pardon aux Frères de tout ce qui avait pu les offenser dans sa conduite, et les pria de lui obtenir une sainte mort par le secours de leurs prières.

Il vous aimait tous bien tendrement; il parlait souvent de vous tous à son père-maître : celui-ci, le veillant la nuit qu'il mourut, le vit un instant avant d'entrer dans l'agonie plus recueilli qu'à l'ordinaire, et lui demandant s'il allait plus mal: Mes moments s'avancent, dit-il ; je viens de prier pour tous mes frères et sœurs, qui m'aiment beaucoup, ajouta-t-il; et bientôt après nous le remîmes sur la paille et la cendre, où, après six heures d'une agonie paisible et tranquille, il remit son ame entre les mains de Jésus-Christ, le 4 de janvier de la présente année. Unissonsnous ensemble, Monsieur, pour bénir Dieu, et le remercier des miséricordes dont il a usé à l'égard de Monsieur votre frère; et prions - le

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