Page images
PDF
EPUB

19

plus le fils de Cyrus, Smerdis; mais ce sont les mages qui règnent, c'est un que je laissai gouverneur de ma maison, et son frère Smerdis. Celui qui maintenant saurait les punir et venger ma honte, a misérablement péri par ses plus proches! lui n'étant plus, ceci me reste à vous recommander ô Perses, chose nécessaire et que je veux qui s'exécute après ma mort: je vous l'enjoins exprès au nom des dieux royaux, à vous tous, et à ceux surtout des Achéménides qui se trouvent ici présents; ne laissez pas la souveraineté retourner aux Mèdes ; que s'ils l'ont usurpée par ruse, il faut par ruse la leur ôter, ou si la force les soutient, force plus grande les doit abattre. Faites ces choses, et ainsi puisse la terre vous donner tous ses fruits, vos femmes, vos brebis engendrer, vous étant libres à jamais; que si vous ne reprenez l'empire ou n'y faites du moins vos efforts, je vous veux et voue le contraire de tous ces biens: et davantage que puissent avoir tous les Perses une fin pareille à la mienne. »

Cambyse en disant ces paroles, déplorait son sort, et les Perses, quand ils virent le roi pleurer, se mirent tous à déchirer ce qu'ils avaient sur eux d'habits, et se lamenter sans mesure. Ensuite l'os s'étant carié, la cuisse fut tantôt pourrie et le mal emporta

Cambyse fils de Cyrus, après un règne de sept ans et cinq mois en tout, n'ayant lignée d'enfants ni mâle ni femelle. Les Perses là présents entrèrent en méfiance, et doutaient que vraiment les mages fussent devenus maîtres des affaires, soupçonnant Cambyse de dire à mauvais dessein ce qu'il disait de la mort de Smerdis, pour soulever contre lui la Perse. Eux tous tenaient pour assuré que c'était Smerdis fils de Cyrus qui se déclarait roi; car Prexaspès niait fortement avoir tué Smerdis, car il n'eût pas fait sûr pour lui, Cambyse mort, de confesser que le fils de Cyrus avait péri de sa main

,་

e

Le mage donc après que Cambyse fut mort, régna paisiblement, profitant du nom qu'il avait le même que Smerdis fils de Cyrus pendant les sept mois qui restaient à remplir les huit ans de Cambyse, durant lesquels il fit tant de bien, qu'à sa mort tout le monde en Asie le regretta, hormis les Perses; car envoyant de tous côtés aux nations qu'il gouvernait, il publia une exemption de milice et d'impôts pour trois ans : le mage fit cette publication aussitôt son avènement, mais il fut au huitième mois reconnu en cette manière.

Otanès était fils de Pharnaspèse, par sa naissance et ses richesses égal aux plus grands

de la Perse. Le premier de tous, cet Otanès soupçonna Smerdis de n'être pas le fils de Cyrus, mais bien celui qui était de fait, remarquant qu'il ne sortait point de la citadelle, ni jamais n'appelait à le voir aucun des notables Persans. Sur ce soupçon voici qu'il fit: une fille à lui, nommée Phédyme, avait été femme de Cambyse, et lors était au mage qui vivait avec elle, comme aussi avec toutes les femmes de Cambyse; Otanès envoyant devers cette sienne fille, lui fit demander près de qui elle couchait coutumièrement, si c'était Smerdis fils de Cyrus, ou quelqu'autre. Elle lui envoya disant qu'elle ne savait, n'avait oncques vu le fils de Cyrus, ni lors ne connaissait qui était son mari. Le père, par un autre message lui repart : Si tu ne connais Smerdis fils de Cyrus, sache d'Atossa quel est l'homme avec qui toutes deux vous demeurez, elle et toi, car sans faute elle connaît son frère. A cela sa fille renvoie : Je ne puis ni voir Atossa, ni parler à nulle des femmes qui sont enfermées quant et moi; car cet homme-ci, quel qu'il soit, dès le premier moment qu'il prit la royauté, nous dispersa, logeant l'une ici, l'autre là. Cette réponse ouïe, Otanès dès-lors comprit ce que c'était, et devers elle envoie un troisième message, disant ainsi : Comme bien née, tu dois, ma

fille, faire ce qu'ordonne ton père, quelque péril qu'il y puisse avoir; car s'il n'est le fils de Cyrus, Smerdis, mais celui que je pense, couchant avec toi et prenant pouvoir sur les Perses, qu'il n'en ait pas long-temps la joie, mais soit puni comme il mérite; toi donc à présent fais ceci, quand tu seras au lit avec lui et le sentiras endormi, tâte à ses oreilles; si tu le trouve ayant des oreilles assure-toi que tu habites avec Smerdis fils de Cyrus; s'il n'en a, c'est le mage Smerdis. Phédyme là-dessus renvoie, disant que le péril est grand à telle chose faire, car si lui n'ayant point d'oreilles se sent toucher à cet endroit, elle sait qu'il la détruira, que toutefois elle le fera. Ainsi promit-elle à son père d'exécu ter ce qu'il voulait. Cambyse régnant avait fait, pour quelque raison non petitc, couper les oreilles à Smerdis le mage. Cette Phédyme donc, la fille d'Otanès, afin d'accomplir ce qu'elle avait promis à son père, quand lui échut d'aller chez le mage, car c'est la coutume des Perses d'appeler leurs femmes tour à tour, vint et dormit auprès de lui; le sentant au fort de son somme, tâte à ses oreilles où sans peine elle put connaître que cet homme n'avait point d'oreilles, et sitôt qu'il fut jour, dépêchant vers son père, lui mande la chose comme elle était, lequel en fait part à deux

autres, Aspathine et Gobryas, les premiers des Perses et de qui plus il se fiait, leur déclarant tout de point en point. Eux qui déjà en avaient eu quelque méfiance, furent aisés à persuader et des raisons et du récit que leur fit Otanès, et fut convenu que chacun se donnerait un compagnon, celui des Perses dont il croirait la foi la plus sûre. Otanès choisit Intapherne, Gobryas Mégabyze, Aspathine Hydarnès. Etant donc ceux-là six en tout, arrive à Suzes Darius fils d'Hystapès venant de Perse où son père était gouverneur; les six apprenant sa venue, d'un commun accord résolurent de le mettre des leurs.

Assemblés, ces sept qu'ils étaient se jurèrent la foi et se mirent à délibérer, et quand ce vint à Darius à déclarer son sentiment, il leur dit ces mots : « Je pensais vraiment seul savoir que c'est le mage qui règne à présent, le fils de Cyrus ayant péri; pour cela j'étais venu exprès afin de brasser mort à ce mage; mais puisqu'il se trouve que vous le savez aussi, non pas moi seul, je suis d'avis d'agir sur l'heure, non différer, car il n'est bon en nulle sorte. » A quoi Otanès répondit:

[ocr errors]

Enfant d'Hystapès, tu naquis de père vaillant, et me sembles bien n'avoir pas moins de valeur que ton père; toutefois, en cette entreprise, garde-toi de précipiter rien: il nous

« PreviousContinue »