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MARIANE.

Un Pere, je l'avouë, a fur nous tant d'empire,
Que je n'ai jamais eu la force de rien dire.
DORIN E.

Mais raisonnons. Valere a fait pour vous des pas; L'aimez-vous, je vous prie, ou ne l'aimez-vous pas? MARIAN E.

Ah! qu'envers mon amour, ton injustice eft grande. Dorine, me dois-tu faire cette demande?

T'ay-je pas là deffus ouvert cent fois mon cœur ?
Et fçais tu pas, pour lui, jufqu'où va mon ardeur?
D'ORIN E.

Que fçai-je fi le cœur a parlé par la bouche,
Et fi c'est tout de bon que cet amant vous touche ?
MARIAN E.

Tu me fais un grand tort, Dorine, d'en douter,
Et mes vrais fentimens ont fceu trop éclater.

DORIN E.

Enfin vous l'aimez donc ?

M.ARIAN E.

Oui, d'une ardeur extrême.

DORIN E.

Et felon l'apparence, il vous aime de même ?

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Sur cette autre union, quelle est donc vôtre attente? MARIANE.

De me donner la mort, fi l'on me violente.

DORIN E.

Fort bien. C'est un recours où je ne fongeois pas ? Vous n'avez qu'à mourir, pour fortir d'embarras : Le remede fans doute eft merveilleux. J'enrage, Lors que j'entens tenir ces fortes de langage.

MARIAN E.

Mon Dieu, de quelle humeur, Dorine, tu te rens? Tu ne compâtis point aux déplaifirs des gens.

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DORIN E.

Je ne compâtis point à qui dit des fornettes,
Et dans l'occafion mollit comme vous faites.
MARIA NE.

Mais que veux-tu ? fi j'ai de la timidité,
DORIN E.

Mais l'amour dans un coeur yeur de la fermeté.
MARIANE.

Mais n'en gardé-je pas pour les feux de Valere?
Et n'eft-ce pas à luy de m'obtenir d'un Pere?
DORIN E.

Mais quoi? fi vôtre Pere eft un bourru fieffé,
Qui s'eft de fon Tartuffe entierement coiffé,
Et manque à l'union qu'il avoit arrêtée,
La faute à vôtre amant doit-elle être imputée!
MARIAN E.

Mais par un haut refus, & d'éclatans mépris,
Ferai-je, dans mon choix, voir un cœur trop épris?
Sortirai-je pour lui, quelque éclat dont il brille,
De la pudeur du fexe, & du devoir de fille ?
Et veux tu que mes feux par le monde étalcz...
DORIN E.

Non, non, je ne veux rien. Je vois que vous voulez
Etre à Monfieur, Tartuffe ; & j'aurois, quand j'y

penfe,

Tort de vous détourner d'une telle alliance.
Quelle raifon aurois-je à combattre vos vœux ?
Le parti de foi-même, eft fort avantageux,

Monfieur Tartuffe ! Oh, oh, n'eft ce rien qu'on propose:

Certes, Monfieur Tartuffe, à bien prendre la chofe,
N'eft pas un homme, non, qui fe mouche du pie,
Et ce n'eft pas peu d'heur, que d'être la moitié.
Tout le monde déja de gloire le couronne,
Ileft noble chez lui, bien fait de fa perfonne,
Il a l'oreille rouge, & le teint bien fleuri;
Vous vivrez trop contente avec un tel mari,
MARIANE.

Mon Dieu...

DORIN E..

Quelle allegreffe aurez-vous dans votre ame, Quand d'un époux fi beau vous vous verrez la fem

me!

MAR

MARIANE.

Ha, ceffe, je te prie, un femblable difcours,
Et contre cet hymen ouvre-moi du fecours.
C'en eft fait, je me rens, & fuis prête à tout faire:
DORIN E.

Non, il faut qu'une fille obéiffe à fon Pere,
Voulut-il lui donner un finge pour époux.
Vôtre fort eft fort beau, dequoi vous plaignez vous?
Vous irez par le coche en fa petite ville,

Qu'en Oncles, & Confins, vous trouverez fertile;
Et vous vous plairez fort à les entretenir.
D'abord chez le beau monde on vous fera venir.
Vous irez vifiter, pour vôtre bien-venuë,
Madame la Baillive, & Madame l'Eleuë,
Qui d'un fiége pliant vous feront honorer.
Là, dans le Carnaval, vous pourrez espérer
Le bal, & la grand' bande; à fçavoir deux mufertes,
Et, par fois, Fagotin, & les Marionettes.
Si pourtant vôtre époux....

MARIANE.

Ah! tu me fais maurir

De tes confeils plûtôt, fonge à me fecourir,

DORIN E.

Je fuis vôtre fervante.

M.ARIANE.

Eh, Dorine, de grace...

DORIN E.

Il faut',
, pour vous punir, que cette affaire paffe.

Ma pauvre Fille !

MARIAN-E.

DORINE.
Non.

M. ARIANE,

Si mes vœux déclarez...

DORIN E

Point, Tartuffe eft vôtre homme, & vous en tâterez,

MARIANE.

Tu fçais qu'à toi toûjours je me fuis confiée.

Fai-moi....

DORINE.

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Non,vous ferez ma foi, Tartuffiée, MARIA NE.

Hé bien, puis que mon fort ne fçauroit t'émouvoir.

Laif

Laiffe-moy déformais toute à mon désespoir.
C'eft de lui que mon cœur empruntera de l'aide,
Et je fçais de mes maux l'infaillible reméde.
Elle vent s'en aller.

DORIN E.

Hé, là, là, revenez ; je quitte mon courroux.
Il faut, nonobftant tout, avoir pitié de vous.
MARIA NE.

Vois tu, fi l'on m'expofe à ce cruel martyre,
Je te le dis, Dorine, il faudra que j'expire.
DORIN E.

Ne vous tourmentez point, on peut adroitement,
Empêcher... Mais voici Valere vôtre amant.

O

SCENE IV.

VALERE, MARIANE, DORINE.

VALER E.

N vient de débiter, Madame, une nouvelle,
Que je ne fçavois pas, & qui fans doute eft belle.

Quoi?

MARIANE.

VALER E.

Que vous épouferez Tartuffe.
MARIANE.

Il eft certain,

Que mon Pere s'eft mis en tête ce deffein.

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Ouy, férieufement:

Il s'eft, pour cet hymen, déclaré hautement,

VALER E.

Et quel eft le deffein où vôtre ame s'arrête,

Madame ?

MARIANE,

Je ne fçay.

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Je vous confeille, moi, de prendre cet époux.

MARIANE.

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Le choix eft glorieux, & vaut bien qu'on l'écoute.

MARIANE.

Hé bien, c'est un confeil, Monfieur, que je reçois.

VALERE.

Vous n'aurez pas grand' peine à le fuivre, je crois.
MARIANE.

Pas plus qu'à le donner en a fouffert vôtre ame.
VALER E.

Moi, je vous l'ai donné pour vous plaire, Madame.
MARIANE.
Et moi je le fuivrai, pour vous faire plaifir.

DORIN E.
Voyons ce qui pourra de ceci réûffir.

VALER E.

C'est donc ainfi qu'on aime? & c'étoit tromperie,
Quand vous...

MARIANE.

Ne parlons paint de cela, je vous prie. Vous m'avez dit tout franc, que je dois accepter Celuy que pour époux, on me veut préfenter: Et je déclare, moi, que je prétens le faire, Puis que vous m'en donuez le confeil falutaire. VALER E.

Ne vous excufez point fur mes intentions,

Vous

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