![[ocr errors]](https://books.google.com.cy/books/content?id=5QlpAAAAcAAJ&output=html_text&pg=PA179&img=1&zoom=3&hl=en&q=coup&cds=1&sig=ACfU3U0E_jerY-0PDyGuwLLOlb3z3idXrQ&edge=0&edge=stretch&ci=44,1514,10,11)
CHANT V.
L
'Aurore cependant d'un jufte effroi troublée Des Chanoines levés void la troupe assemblée, Et contemple long-temps, avec des yeux confus, Ces vilages fleuris qu'elle n'a jamais vûs. Chez Sidrac auffi-toft, Brontin d'un pis fidele Du Pupitre abbatu va porter la nouvele. Le Vieillard de fes foins benit l'heureux fuccés, Et fur un bois détruit baftit mille procés. L'espoir d'un doux tumulte echauffant fon courage, Il ne fent plus le poids ni les glaces de l'âge, Et chez le Treforier de ce pas, à grand bruit, Vient étaler au jour les crimes de la nuit. Au recit imprevû de l'horrible infolence, Le Prelat hors du lict impetueux s'élance. Vainement d'un breuvage à deux mains apporté Gilotin, avant tout, le veut voir humecté. Il veut partir à jeun, il fe peigne, il s'apprefte. L'yvoire trop hafté deux fois rompt fur fa tefte, Et deux fois de fa main le bouïs tombe en morceaux. Tel Hercule filant rompoit tous les fufeaux. Il fort demi paré. Mais déja fur fa porte
Il void de faints Guerriers une ardente cohorte, Qui tous remplis pour lui d'une égale vigueur Sont prefts pour le fervir à deferter le Choeur. Mais le Vieillard condamne un projet inutile. Nos deftins font, dit-il, écrits chez la Sybile. Son antre n'eft pas loin. Allons la confulter, Et fubiffons la loi qu'elle nous va dicter. Il dit: à ce confeil, où la raison domine, Sur les pas au Barreau la Troupe s'achemine, Et bien-toft dans le Temple entend, non fans fremir, De l'Antre redouté les foupiraux gemir.
Entre ces vieux appuis, dont l'affreufe Grand Sale Soûtient l'énorme poids de fa voute infernale,
H 6
![[ocr errors]](https://books.google.com.cy/books/content?id=5QlpAAAAcAAJ&output=html_text&pg=PA179&img=1&zoom=3&hl=en&q=coup&cds=1&sig=ACfU3U0E_jerY-0PDyGuwLLOlb3z3idXrQ&edge=0&edge=stretch&ci=813,583,10,10)
Eft un Pilier fameux des Plaideurs refpecté, Et toujours de Normans à midi frequenté. Là fur des tas poudreux de facs & de pratique Heurle tous les matins une Sybile étique: On l'appelle Chicane, & ce monftre odieux Jamais pour l'équité, n'eut d'oreilles ni d'yeur. La Difette au teint bleme, & la trifte Famine, Les Chagrins devorans, & l'infame Ruïne, Enfans infortunés de les raffinemens, Troublent l'air d'alentour de longs gemiffemens. Sans ceffe feuilletant les loix & la Coûtume, Pour confumer autrui le Monftre fe confume, Et devorant maifons, palais, chafteaux entiers, Rend pour des monceaux d'or, de vains tas de papiers. Sous le coupable effort de fa noire infolence Themis a veu cent fois chanceler fa balance. Inceffamment il va de détour, en détour, Comme un hibou fouvent il fe dérobe au jour. Tantoft les yeux en feu c'eft un Lion fuperbe, Tantoft humble ferpent il fe gliffe fous l'herbe. En vain, pour le domter, le plus jufte des Rois Fit regler le cahos des tenebreufes Loix, Ses griffes vainement par Puflort accourcies Se ralongent déja toûjours d'encre noircies, Et fes rufes perçant & digues & remparts, Pancent brèches déja rentrent de toutes parts.
Le Vieillard humblement l'aborde & le faltë, Et faifant, avant tout, briller l'or à fa vie : Reine des langs procés, dit-il, dont le fçavoir Rend la force inutile & les loix fans pouvoir, Toi pour qui dans le Mans le Laboureur moiffonne, Pour qui naiffent à Caen tous les fruits de l'Automne, Si dés mes premiers ans heurtant tous les mortels, L'encre a toûjours pour moi coulé fur tes autels. Daigne encor me connoistre en ma saison derniere. D'un Prelat qui t'implore exauce la priere.
Un
Monfieur Pufort Confeiller d'Eftat eft celui qui a le plus contribué à faire le Code.
Un Rival orgueilleux de fa gloire offenfé A detruit le Lutrin par nos mains redressé. Epuife en fa faveur ta fcience fatale:
Du Digeste & du Code ouvre nous le Dédale, Et montre nous cet art connu de tes Amis Qui dans fes propres loix embaraffe Themis.
La Sybile à ces mots déja hors d'elle-mefme Fait lire fa fureur fur fon vifage bléme, Et pleine du Demon qui la vient oppreffer, Par ces mots eftonnans tasche à le repouffer. Chantres, ne craignés plus une audace infenfee. Je vois, Je vois au Chaur la maffe replacée. Mais il faut des combats. Tel eft l'arreft du Sort: Et fur tout evités un dangereux accord. Là bornant fon difcours encor toute écumante, Elle foufle aux Guerriers l'efprit qui la tourmente: Et dans leurs cœurs brûlans de la foif de plaider Verfe l'amour de nuire, & la peur de ceder. Pour tracer à loifir une longue requeste, A retourner chés foi leur brigade s'apprefte. Sous leurs pas diligens le chemin difparoift, Et le Pilier loin d'eux déja baiffe & décroift.
Loin du bruit cependant les Chanoines à table Immolent trente mets à leur faim indomtable. Leur appetit fougueux par l'objet excité. Parcourt tous les recoins d'un monftrueux pasté, Par le fel irritant la foifeft allumée. Lorfque d'un pié leger la promte Renommée Semant par tout l'effroi vient au Chantre éperdu Conter l'affreux détail de l'oracle rendu.
Il fe leve enflammé de mufcat & de bile,
Et pretend à fon tour confulter la Sybile. Evrard a beau gemir du repas deferté, Lui mefme eft au Barreau par le nombre emporté. Par les détours eftroits d'une barriere oblique Ils gagnent les dégrés & le Perron antique, Ou fans ceffe étalant bons & méchans écrits Barbin vend aux paffans des Auteurs à tout prix..
H 7
Là le Chantre à grand bruit arrive & fe fait place, Dans le fatal inftant que d'une égale audace Le Prelat & fa Troupe, à pas tumultueux, Defcendoient du Palais l'escalier tortueux. L'un & l'autre Rival s'arreftant au paffage. Se mefure des yeux, s'obferve, s'envilage. Une égale fureur anime leurs efprits. Tels deux fougueux Taureaux de jaloufie épris, Auprés d'une Geniffe au front large & fuperbe, Oubliant tous les jours le pafturage & l'herbe, A l'afpect l'un de l'autre embrazés, furieux, Déja, le front baiffé, fe menacent des yeux. Mais Evrard en paffant coudoié par Boirude Ne fçait point contenir fon aigre inquietude, Il entre chés Barbin, & d'un bras irrité Saififfant du Cirus un volume écarté, Il lance au Sacristain le tôme épouvantable. Boirude fuit le coup: Le volume effroiable, Lui raze le vifage, & droit dans l'eftomac Va frapper en fiflant l'infortuné Sidrac. Le Vieillard accablé de l'horrible Artamene Tombeaux piés du Prelat fans pouls & fans halaine. Sa Troupe le croit mort & chacun empreffé, Se croit frappé du coup dont il le void bleffé. Auffi-toft contre Evrard vingt Champions s'élancent : Pour foûtenir leur choc les Chanoines s'avancent. La Discorde triomphe, & du combat fatal Par un cri donne en l'air l'effroiable fignal. Chés le Libraire abfent tout entre, tout le mefle, Les livres fur Evrard fondent comme la grefle Qui dans un grand jardin, à coups impetueux, Abbat l'honneur naiffant des rameaux fructueux. Chacun s'arme, au hazard du livre qu'il rencontre. L'un tient l'Edict d'amour, l'autre en faifit la Montre. L'un prend le feul Jonas qu'on ait veu relié, L'autre un Taffe François en naiffant oublié. L'Eleve de Barbin, commis à la boutique, Veut envain s'opposer à leur fureur Gothique,
Les volumes fans choix à la tefte jettés
faifi par Gaillerbois
Sur le Perron poudreux volent de tous coftés. Là, prés d'un Guarini Terence tombe à terre. Là, Xenophon dans l'air heurte contre un la Serre. O que d'Ecrits obfcurs, de Livres ignorés Furent en ce grand jour de la poudre tirés ! Vous en fuftes tirés Almerinde & Simandre: Et toi, rebut du peuple, inconnu Caloandre, Dans ton repos, dit-on, Tu vis le jour alors pour la premiere fois. Chaque coup fur la chair laiffe une meurtriffure. Déja plus d'un Guerrier fe plaint d'une bleffure. D'un le Vayer épais Giraut eft renversé. Marineau d'un Brebeuf à l'épaule bleffé, En fent par tout le bras une douleur amere, Et maudit la Pharfale aux Provinces fi chere. D'un Pinchefne in quarto Dodillon eftourdi A long-temps le teint pafle, & le cœur affadi. Au plus fort du combat le Chapelain Garagne Vers le fommet du front atteint d'un Charlemagne. Des vers de ce poëme effet prodigieux: Tout preft à s'endormir baaille & ferme les yeux, A plus d'un Combattant la Clelie eft fatale. Girou dix fois par elle éclate & fe fignale. Mais tout cede aux efforts du Chanoine Fabri. Ce Guerrier dans l'Eglife aux quereles nouri Eft robufte de corps, terrible de vifage, Et de l'eau dans fon vin n'a jamais fceu l'ufage. Il terraffe lui feul & Guibert, & Graflet, Et Gorillon la baffe, & Grandin le fauffet, Et Gerbais l'agreable, & Guerin l'infipide. Des Chantres deformais la brigade timide S'écarte & du Palais regagne les chemins. Telle à l'afpect d'un loup, terreur des champs voifins, Fuit d'Agneaux effraiés une troupe bélante: Ou Tels devant Achille, aux campagnes du Xante, Les Troyens fe fauvoient à l'abri de leurs tours. Quand Brontin à Boirude adreffe ce discours.
« PreviousContinue » |