Page images
PDF
EPUB

plufieurs rencontres. Touts ceux qui étant guidés du même efprit, & fans être entiérement Pythagoriciens, ont donné la préférence à la philofophie de Pythagore, doivent être rangés fous la fecte Eléate, fort femblable à la fecte Eclectique que nous explique

rons bientôt.

Les deux principaux disciples de Xénophane, Parménide & Zénon (qu'il ne faut pas confondre avec Zénon de Cyttie chef des Stoïciens) étoient d'Elée, ville des Lucaniensen Italie, & firent donner à cette fecte le nom d'Eléate. Suivant les uns Xénophane n'eut aucun maître; d'autres ont écrit qu'il fut difciple [c] d'Archélaüs: mais il faudroit que ce fut un Archélaüs diffé. rent du maître de Socrate, Xénophane aïant été plus ancien que Socrate environ d'un fiècle.

Xénophane foutint la pluralité des mondes, réduifit les éléments au nombre de quatre, traita des météores, & donna une forme ronde à la divinité. Il fut poëte en même temps que philofophe, & il compofa un poëme de deux mille vers fur Colophon fa patrie. Parménide d'Elée, difciple de Xénophane, a auffiété, suivant quelques auDe Parmé- teurs, difciple d'Anaximandre. Platon a intitulé fon dialogue des idées du nom de Parménide. Zénon d'Elée autre difciple de Xenophane a paffé pour l' inventeur de la logique. Il étoit en réputation, fous la foixante & neuvième olympiade vers l'an 504. avant Jéfus

Bide.

24

[blocks in formation]

crite.

Démocrite étoit né à Milet la troifiéme année de la foixante-dix-feptiéme olympiade: il étoit donc plus âgé d'un DeDemoan que Socrate. Appollodore [f] ne place la naiffance de Démocrite, que fous la quatre-vingtiéme olympiade. Démocrite a été furnommé Abdéritain, parce qu'il paffa la plus grande partie de fa vie à Abdére ville de Thrace. Il étudia fous Leucippe, mais il ne s'en tint pas à ce maître, il alla chercher la fageffe & les connoiffances les plus étendues en Egypte, chez les Mages. chez les Chaldéens, & jufques chez les Gymnofophiftes des Indes & de l'Ethiopie imitant les voïages de Pythagore, pour la doctrine duquel, il témoigna toujours beaucoup d'eftime. Aulu GelY 2

[d] Ubi funt aut unde ifta corpufcula? Cur illa nemo præter unum Leucippum fomniavit? à quo Democritus eruditus bereditatem ftultitiæ reliquit Epicuro. Latang, inftit, lib. 3.c. 17.

Λεύκιππος πρῶτος ἀτόμεςἀρχὰς ὑπεστή qтo.Diog. Laërt in Leucipp. [] Sext. Empiric, adverf. mathematic Strab. lib. 16.

[f] Apollod.ap. Diog. Laërt, in Democr。

le donne à Démocrite [g] le titre du plus illuftre des philofophes..

Démocrite eut une ardeur extrême pour l'étude, il s'enfermoit dans les tombeaux, afin de mieux méditer. Quelques jeunes gens étant venus déguifés enfpe&res pour lui faire peur[b] il leur dit, fans lever les yeux de deffus fon livre; Ne cefferez vous point de faire les fols? Le philofophe Laberius rapporte que Démocrite s'aveugla par la réverbération d'un miroir ardent [i] pour ne pas voir la profperité des méchants: mais quelle apparence que Démocrite qui rioit de toutes chofes, ait conçû un fi violent dépit de la profpérité des méchants? il n'eft pas plus vraifemblable que pour fe délivrer des défirs & de l'inquiétude [k] que lui caufoit la vûë des femmes, ou afin d'étudier [7] fans aucune diftraction, il fe foit privé de l'ufage de la vûë, qui lui étoit fi neceffaire pour avancer fes progrés dans la philofophie. Auffi ce trait de l'hiftoire de Démocrite eft traité de fable par Plutarque [m], & eft regardé comme fort incertain par Cicéron [n]; mais il paffe pour conftant que Démocrite abandonna le foin de fon patrimoine[], pour ne

[g] Nobiliffimus philofophorum Democritus. Aul. Gall, lib. 1o. c. 12.

[b] Lucien, dans le dial, intit, l'incrédule. [i] ................ malis bene

Effe ne videret civibus. [k] Tertull. apolog. c. 46, [1] Aul. Gell. lib. 10. c. 17. [m] Plutarch. de curiofit.

[n] Democritus dicitur oculis fe privaffe; certe ut quam minime animus à cogitationibus abduceretur, patrimonium neglexit, agros deferuit incultos. Cic. de finib. lib. 3.

[ol ... Democriti pecus edit agellos, Cultaque, dum peregre eft animus fine corpore velox. Hor.

[p] Diog. Laërt in Democr, Suid, in voce

s'occuper que de la philofophie:

Il céda à fes frères la part qui lui reve noit [p]dans la fucceffion de leur pére, dont les richeffes devoient être fort grandes, puifqu'il reçut chez lui Xer-xés, lorfque ce Roi des Perfes paffa en Gréce. Valére Maxime ajoute même [9] que le pére de Démocrite régala les troupes immenfes de Xerxés, & que fes grandes richeffes le mirent en état de faire une li prodigeuse dépense fans s'incommoder.

Quelques auteurs rapportent que Dé mocrite vit Socrate à Athénes, mais qu'il ne voulut pas s'en faire connoître. Les Abdéritains érigérent une ftatue à Démocrite, à l'occafion de fon livre intitulé le Diacofme, dans lequel il réduifit en un fyftéme, la defcription & l'arrangement de l'univers. Ils changérent depuis de fentiments à fonégard; & prennant fes ris continuels [r] pour une marque de démence, ils firent venir Hippocrate de l'ifle de Cos fa patrie, pour traiter Démocrite. Aprés quelques entretiens qu'Hippocrate cut avec ce philofophe, il déclara au peuple d'Abdére , que non-feulement Démocrite n'étoit pas infenfé, mais qu'aucun homme n'étoit auffi capable

[blocks in formation]

que lai de guérir la folie des hom

mes.

Démocrite s'étoit fi peu crèvé les yeux, qu'Hippocrate,dans une lettre à Damagetus dit qu'étant appellé par les Abdéritains pour remédier à la folie de Démocrite,il le trouva appliqué à la lec. ture & à l'anatomie,qui font deux occupations qui demandent l'ufage de la víle. Ce fut auffi dans cette occafion [s] que Démocrite aïant falué à titre de fille une jeune perfonne qui accompagnoit Hippocrate, il la falua le lendemain à titre de femme, connoiffant à fes yeux qu'elle étoit devenuë femme pendant la nuit fagacité capable de rendre la philofophie odieufe à la moitié du genre humain, fuivant la réfléxion de l'auteur de la vie de Démocrite.

Son genie avoit beaucoup de force & d'étendue, il réunit la morale, les mathématiques, la phyfique, l'aftronomic, en un mot l'enyclopédie des fciences. Il établit pour premiers principes, les atomes & le vuide, & pour fouverain bien la tranquilité de l'ame.

Ariftoxéne témoigne que Platon eut deffein de fupprimer les ouvrages de Démocrite, pour fe faire honneur des découvertes de ce grand philofophe, mais que fes amis l'en détournérent, lui aiant repréfenté, qu'il y en avoit des exemplaires répandus en trop grand nombre, pour qu'il pût venir à bout de fon deffein. On lit dans l'échole de Salerne que Démocrite, à l'âge de cent neuf ans, finit fes jours par une abftinence volontaire de toute nourriture, & qu'en confidération de fa fœur, qui

[] Puellam Hippocratis comitem virginem primo, fequenti verò die faminam falutavit, quod nocturnæ deflorationis veftigia in ejus oculis perciperet, invifà generis humani dimidio fagacitate.

fouhaitoit de n'être pas privée de la célébration de certaine fête par un deuil domeftique, il prolongea fa vie de trois jours, par l'odeur des pains chauds. Diogéne de Laërce[] ne lui donne que cent quatre ans de vie, & Diodore de Sicile ne lui en donne que quatre-vingtdix. L'empereur Marc Auréle Antonin a écrit que Démocrite mourut mangë des poulx.

[ocr errors]

D'Heracli

On place ordinairement Héraclite à côté de Démocrite, à cause du con- te trafte des pleurs de l'un & des ris de l'autre, quoiqu'Héraclite foit de quelque temps plus ancien,que Démocrite; car Héraclite vivoit fous la foixante & neuviéme olympiade, environ cinq cents ans avant l'ère chrétienne. Il fut furnommé le ténébreux [×], à cause de fa grande obscurité. Platon même ne pouvoit entendre les écrits, à l'exception cependant d'une partie de fa phyfique, que Platon inféra dans fes ouvrages. Quelques auteurs font Héraclite difciple de Xénophane, d'autres ont écrit qu'il n'eut point de maître, & qu'il devint philofophe, par de profondes & continuelles méditations. Il étoit né à Ephéfe. Il établit le feu pour principe général de toutes chofes, & il annonça que le monde finiroit par un embrafement. Les uns ont attribué à cette réfléxion la caufe de fes larmes, d'autres eftiment qu'il gémiffoit & pleuroit continuellement de la folie des hommes.

La philofophie lui inspira un tel détachement des grandeurs, qu'il réfigna à fon frere la principauté d'Ephéfe. Da-^ rius fils d'Hyftafpe roi de Perfe recher

Y 3

Joann. Chryfoft. Magnenus in vitâ Democriti Suid.in voce Anjoxp.

[t] Diog. Laert. in Democr. [u] Lucien, dial des fetes àl'encan.Clarus obo bicuram linguam. Lueres,

6.

De Protha-, goras.

I.

D'Epicure.

cha fon amitié. Héraclite étant attaqué de l'hydropifie, demanda aux méde cins s'ils pourroient bien changer la pluïe en un temps fec & ferain [x], mais voïant qu'ils ne fçavoient que répondre à cette énigme, il ne voulut pas les confulter davantage, & de fon ordonnance, il fe mit dans du fumier, pour faire tranfpirer fes humeurs. Ce reméde ne lui réiiffit pas, & il mourut peu aprés, âgé de foixante ans.

Parmi les philofophes de la fecte Eléate, on trouve un Protagoras d'Abdére, qui aïant avancé que les connoiffances humaines étoient trop bornées, pour fçavoir ce qu'on devoit penfer des dieux, fut chaffé par les Athéniens de leur ville, & fes ouvrages furent condamnés au feu. Il fut le chef de l'art des Sophiftes, que Platon combat dans plufieurs de fes dialogues.

[blocks in formation]

de, trois cents quarante-deux ans avant l'ére Chrétienne, dans un bourg du territoire [b] d'Athénes. Sa famille étoit illuftre parmi celles de l'Attique. Il préféra la philofophie de Pythagore à celles de Platon & d'Ariftote. Cicéron [c] dit qu'Epicure arrofa fes jardins des eaux puifées dans les fources de Démocrite. Cicéron [d] un peu auparavant avoit blâmé l'ingratitude d'Epicure envers Démocrite. Ce fut peu de temps aprés la mort d'Aléxandre, vers la fin de la vie d'Ariftote, qu'Epicure fe fit chef de la fecte, qui à porté fon nom. Aucune fecte n'a eu autant de vogue, & ne s'eft foûtenuë avec autant d'éclat que l'Epicurienne. C'eft à cette grande réputation qu'on doit attibuer le déchaînement de toutes les fectes, pour lesquelles celle d'Epicure a toujours été un objet d'averfion & de jaloufie. Nous ne lisons pas les mêmes reproches contre Ariftoient bien davantage, que contre Epitippe & les Cyrénaïques, qui les méricure & fes fectateurs, parce que la fecte Cyrénaïque n'a jamais eu une vogue fort étendue, au lieu que l'Epicurienne a été la plus floriffante de toutes. Cette philofophie fut furtout celle des perfonnes les plus qualifiées de la Gréce & de Rome; & du temps de Diogène de Laërce, fous l'empereur Sévére, la fecte Epicurienne attirant à elle prefque touts les difciples, les profeffeurs des écholes abandonnées fe vengeoient en décriant les Epicuriens.

Cùm genuere virum tali cum corde repertum,

Omnia veridico qui quondàm ex ore profudit. Lucret.lib 6. in init.

[c] Democritus vir magnus imprimis, cujus fontibus Epicurus hortulos fuos irrigavit. Cic. de nat, deor, lib. 1.

[d] In Democritum ipfum, quem fecutus eft, fuit ingratus, Cic. de nat deor. lib. 1.

Louanges

Epicure a été fort dédommagé par les louanges qu'il a reçûës. Il a joui de fa réputation de fon vivant; les plus illuftres des Grecs recherchérent fon amitié, & fa patrie lui érigea des ftatuës. Ses difciples célébroient fa fête par des facrifices, & portoient fon image gravée fur des anneaux, comme une caufe infallible de bonheur. Lucréce n'hésite point à décider que le génie d'Epicure [e la autant furpaffé & effacé les autres efprits, que le foleil par fa lumiére efface celle des étoiles.

Saint Jérôme loue baucoup [f] la de la vertu tempérance d'Epicure: Sénéque nond'Epicure obftant l'antipathie de la fecte Stoïcienne, avouë [g] que les préceptes d'Epicure étoient accompagnés de fainteté & d'austérité, qu'il n'etoit pas moins rigide fur fa volupté, que les Stoïciens fur leur vertu. Epicure avoit écrit fur la porte de fon jardin [b]: Vous ferez reçû ici avec de la bouillie & de l'eau en abondance. Diogène de Laërce en a parlé avantageufement, & l'apologie que Gaffendi [i], dans la vie d'Epicure, a publiée des mœurs & de la morale de ce philofophe, a entiérement effacé toutes les anciennes impreffions défavorables au nom Epi

curien fur les mœurs de cette fecte.

Diogène de Laërce & Jamblique le

louent d'avoir témoigné beaucoup de piété envers les dieux, au-lieu que les plus célébres philofophes des autres fectes ont été accufés d'impiété, & que plufieurs ont été condamnés à mort ou au banniffement pour ce crime. Cicéron au contraire le regarde comme l'ennemi de la divinité, & il dit [k] que fi Epicure n'a pas renversé les temples & les autels, comme Xerxés, avec violence, il les a détruits, autant qu'il a pu, par fes raifonnements. Suivant Tertullien [1], c'eft annuller la divinité, que de nier la providence à la maniére des Epicuriens.

plus labo

phes.

Epicure a été le plus laborieux de touts les philofophes, & celui qui a Epicure le laiffé un plus grand nombre d'écrits. rieux des Chryfippe a voulu imiter la fécondité philofode la plume d'Epicure, mais Carnéade appelle Chryfippe un plagiaire, qui inféroit dans fes volumes des ouvrages entiers des autres auteurs, qui compofoit avec précipitation, & qui fembloit n'écrire que pour avoir la réputation d'avoir beaucoup écrit. Epicure fit un abregé de fa philofophie également utile, difoit-il, & à ceux qui ne pouvoient lire touts fes ouvrages, & à ceux qui les avoient lûs.

4.

Il ne nous refte de touts fes écrits, Philofopic que trois lettres inférées dans fa vie, d'Epicure. par Diogéne de Laërce. La prémiére

[e] Qui genus humanum ingenio fuperavit, & omnes Reftinxit ftellas exortus uti æthe

reus fol. Lucret. lib. 3. [f] S. Hieronym. advers. Jovinian. 1. 2. [g] Sen de vitá beat. c. 13.

[] Te polentâ excipiet, & aquam large adminiftrabit. Tr. hiftor. del' abftin. par le p. D. Grég. Berthelet.

[i] Quod ad mores attinet, Epicurum

maxime & fobrium & continentem extitiffe, ac fectam nullam philofophorumi illius fectà fuiffe fanctiorem Gaffend. de vitá Epicur.

[k] Nec enim manibus, ut Xerxes, fed rationibus Deorum immortalium templa & aras evertit.Cic.

[1] Epicurei otiofum & inexercitum, &, ut ita dixerim, neminem Deum admittunt. Tertull, ad nation. lib. 2. c. 2.

« PreviousContinue »