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dans le Gouvernement, et que l'Etat manque de liaison.

Lequel vaut le mieux, d'un Gouvernement fimple ou d'un Gouvernement mixte? Question fort agitée chez les politiques, et à laquelle il faut faire la même réponse que j'ai faite ci-devant fur toute forme de Gouvernement.

Le Gouvernement simple est le meil leur en foi, par cela seul qu'il est simple. Mais quand la puiffance exécutive ne dépend pas affez de la législative, c'eft-à-dire, quand il y a plus de rapport du Prince au Souverain que du Peuple au Prince, il faut remédier à ce défaut de proportion en divisant le Gouvernement; car alors toutes ses parties n'ont pas moins d'autorité fur les fujets, et leur divifion les rend toutes enfemble moins fortes contre le Souverain.

On prévient encore le même incorvénient en établissant des magistrats intermédiaires, qui, laiffant le Gouver nement en fon entier, fervent feule

ment à balancer les deux puissances et à maintenir leurs droits refpectifs. Alors le Gouvernement n'eft pas mixte, il eft tempéré.

On peut remédier par des moyens femblables à l'inconvénient oppofé, et quand le Gouvernement eft trop lâche, ériger des tribunaux pour le concentrer. Cela fe pratique dans toutes les démocraties. Dans le premier cas on divife le Gouvernement pour l'affoiblir, et dans le fecond pour le renforcer; car les maximum de force et de foibleffe fe trouvent également dans les Gouverne mens fimples, au lieu que les formes mixtes donnent une force moyenne.

CHAPITRE VIII.

Que toute forme de Gouvernement n'est pus propre à tout Pays.

La liberté n'étant pas un fruit de tous

les climats, n'eft 'pas à la portée de tous les peuples. Plus on médite ce principe établi par Montesquieu, plus on en sent la vérité. Plus on le contefte, plus on donne occafion de l'établir par de nouvelles preuves.

Dans tous les Gouvernemens du monde la perfonne publique consomme et ne produit rien. D'où lui vient donc la fubftance confommée? Du travail de fes membres. C'eft le fuperflu des par ticuliers qui produit le nécessaire du public. D'où il fuit que l'état civil ne peut fubfifter qu'autant que le travail

des hommes rend au- delà de leurs befoins.

Or, cet excédent n'eft pas le même dans tous les pays du monde. Dans plufieurs il eft confidérable, dans d'autres médiocre, dans d'autres, nul, dans d'autres négatif. Ce rapport dépend de la fertilité du climat, de la forte de travail que la terre exige, de la nature de fes productions, de la force de fes habitans, de la plus ou moins grande confommation qui leur est nécessaire, et de plufieurs autres rapports femblables desquels il eft compofé.

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D'autre part, tous les Gouvernemens ne font pas de même nature; il

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y en a de plus ou moins dévorans,

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et

les différences font fondées fur cet autre principe, que, plus les contributions publiques s'éloignent de leur fource et plus elles font onéreufes. Ce n'est pas fur la quantité des impofitions qu'il faut mefurer cette charge, mais fur le che min qu'elles ont à faire pour retourner

dans les mains dont elles font forties; quand cette circulation eft prompte et bien établie, qu'on paie peu ou beau coup, il n'importe; le peuple eft toujours riche et les finances vont toujours bien. Au contraire, quelque peu que Le peuple donne, quand ce peu ne lui revient point, en donnant toujours bientôt il s'épuife; l'Etat n'est jamais riche, et le peuple est toujours gueux.

Il fuit de-là que plus la distance du peuple au Gouvernement augmente, et plus les tributs deviennent onéreux; ainfi dans la démocratie le peuple est le moins chargé, dans l'ariftocratie il l'eft davantage, dans la monarchie il porte le plus grand poids. La monarchie ne convient donc qu'aux nations opulentes, l'aristocratie aux Etats médiocres en richeffe ainfi qu'en grandeur, la démocratie aux Etats petits et pauvres.

En effet, plus on y réfléchit, plus on trouve en ceci de différence entre les Etats libres et les monarchiques; dans

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