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donné des moyens aux contre-révolutionnaires; il faut éteindre ces discordes. L'état des grandes villes dont je parle devait devenir celui de Paris: on a ensanglanté ces villes; et, sans l'insurrection simultanée d'un peuple immense, l'aristocratie ensanglantait Paris, (Plusieurs voix: Oui, c'était le complot des traîtres dont le peuple vous a demandé justice! - N.... La correspondance de Barbaroux le prouve.)

Il rappela ensuite à la Convention qu'elle-même avait reconnu la nécessité de cette insurrection; qu'elle en avait approuvé le principe et le caractère patriotique. Puis il ajouta; D'après ce qui s'est passé, d'après l'ordre qui règne dans Paris, vous ne devez plus avoir d'inquiétude. Les autorités que le peuple a établies, sauront maintenir la tranquillité publique, en même temps que protéger ses droits et sa liberté. Au contraire, si vous voulez les changer, vous dites à l'aristocratie que vous improuvez ce que le peuple a fait, ce que vous avez fait vous-mêmes; vous réveillez les espérances des malveillans, vous ranimez une seconde fois les sections aristocratiques contre la masse du peuple; vous laissez aux malintentionnés les moyens de calomnier, d'opprimer les patriotes, et de troubler encore la tranquillité publique. Est-ce dans le moment où vous n'avez pas assez de vertu, de sagesse et d'énergie, pour dompter tous les ennemis extérieurs et intérieurs de la liberté, que vous devez chercher à comprimer le zèle, l'effervescence même du patriotisme? Est-ce dans le moment où des traîtres s'agitent de toutes parts, que vous devez supprimer les comités de surveillance, les comités révolutionnaires que le peuple, fatigué de trahisons, a choisis pour déjouer les complots, et opposer une force active aux efforts de l'aristocratie? Si donc, abandonnant le projet de donner ce triomphe aux ennemis de la liberté, et Jaissant au mouvement révolutionnaire du peuple les suites qu'il doit avoir, vous ne les considérez plus que dans les rapports avec les députés détenus, examinez leur affaire, ouvrez la discussion, prenez à leur égard les mesures que votre sagesse vous dictera. »

Au sujet des otages, Robespierre se borna à dire qu'il ne pen

sait point que cette idée méritât examen. Il ne partagea l'avis du comité que sur l'urgence d'une loi contre les étrangers, encore la voulait-il plus sévère qu'elle n'était demandée: « Il est souverainement impolitique, fit-il observer, lorsque les puissances étrangères bannissent de chez elles tous les Français qui pourraient y porter nos principes, de recevoir tout ce qu'il nous envoient pour verser leur poison parmi nous. Il se résuma en ditrois points : 1° une

sant : « Je réduis mes propositions à ces bonne loi sur les étrangers; 2° la suite des mesures à prendre sur l'arrestation de vos membres; 5° l'ordre du jour sur les autres

mesures. >

Robespierre finissait à peine son discours que Fonfrède s'écria: Si Barrère veut répondre à la critique amère que le préopinant vient de faire au comité de salut public, je lui cède la parole. Avant que l'interpellation fùt achevée, Barrère était à la tribune. Il déclara que si le comité avait prévu l'accueil défavorable fait à ses propositions, il aurait offert des mesures d'une toute autre énergie; mais qu'il avait dû s'accommoder aux circonstances, considérer l'état où se trouvait la Convention, et la relever à celui où elle devait être. Il abandonna la mesure des otages; il insista pour les autres, notamment la libre circulation des lettres et des journaux, annonçant, à cet égard, que le comité central révolutionnaire avait donné des ordres à la poste, non-seulement pour la suspension des journaux, mais encore pour l'inspection des lettres apportées par les facteurs de la Convention nationale.

Jean-Bon-Saint-André expliqua ainsi ce redoublement de surveillance du comité central: Le respect pour la circulation des écrits et pour le secret des lettres a été inutilement réclamé par nous depuis six mois. Nous avons été pendant long-temps exposés à cette violation de la part d'hommes attachés au parti même qui aujourd'hui réclame. Mais ce n'est pas là ce dont il s'agit en ce moment. Le comité de salut public vous a proposé une mesure ayant pour objet d'éviter tout retard au départ des courriers. Mais il ne suffit pas de vous occuper de cet objet particulier.

Vous n'apprendrez pas sans indignation les manoeuvres que l'on emploie pour établir des correspondances avec les émigrés. (Bazire. Le couvert de Liddon, membre de cette assemblée, servait à la correspondance d'un émigré ».) On a découvert des correspondances écrites sous des noms supposés connus par les agens des postes. Il faut savoir enfin si, sous le prétexte de la liberté, on peut tuer la liberté elle-même; il faut savoir si des principes sacrés, dans des temps ordinaires, pourraient être suivis constamment sans danger dans l'état terrible de crise où nous nous trouvons. › Là-dessus Fronfrède déclara qu'on avait eu tort d'ouvrir les lettres à Marseille et à Bordeaux, mais que si l'on continuait de les ouvrir à Paris, il inviterait tous les départemens à suivre cet exemple. La discussion fut arrêtée par Barrère qui retira le projet du comité de salut public, et en promit un nouveau d'après les observations qui avaient été faites.

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Ce fut cet avortement qui donna lieu au manifeste lu le 9 aux jacobius par Billaud-Varennes, et dont nous avons fait plus haut l'analyse. Ce qu'on n'avait pas voulu dire la veille, sous forme de controverse, et afin d'éviter tout conflit avec le comité de salut public, on le lui adressa le lendemain sous forme de conseil. La marche révolutionnaire était maintenant indiquée au pouvoir jusque dans les détails, et les dangers du moindre retard avaient été placés sous ses yeux.

Tout d'ailleurs exigeait de promptes décisions. Si l'on avait appris (le 8) l'arrestation de l'ex-constituant Charrier, chef des rebelles de la Lozère, et celle de son aide-de-camp Laporte, les progrès des fédéralistes augmentaient d'heure en heure. Le 9, la Convention avait reçu l'adresse des administrateurs de Bordeaux, où ils annonçaient que des cris de fureur et de vengeance avaient éclaté dans cette ville à la nouvelle de la séance du 3 juin, et qu'il était impossible de calculer les suites de cette effervescence. Le même jour, une adresse de Montpellier, aussi hostile que la précédente, était également parvenue.

L'achèvement rapide de la Constitution était le moyen sur lequel les jacobins comptaient le plus pour rallier tous les

hommes de bonne foi, et pour étouffer dans sa cause la scission départementale que le 31 mai avait fait éclater. Les adversaires des Girondins n'étant, en effet, connus dans les provinces que sous des couleurs anarchiques, il leur importait de montrer leur véritable caractère, et leur véritable but dans l'œuvre qui jugerait toutes les autres, dans l'acte constitutionnel. Aussi le comité de salut public travaillait-il jour et nuit. Il fut prêt le 10. Le côté droit qui n'ignorait pas combien cette démarche allait être avantageuse à la Montagne, et que c'était là la prise de possession de ce parti, eut recours, pour l'empêcher, aux manoeuvres qui ne manquaient jamais de déchaîner des tempêtes dans le sein de la Convention. A la séance du 10, et pendant qu'on laissait au comité de salut public le temps de relire son travail, de violens débats s'engagèrent pour savoir si la Constitution serait présentée avant que le sort des députés détenus fût décidé (1).

Desvars (de la Charente) et Camboulas commencèrent l'attaque. Ils choisirent la question la plus irritante et la plus difficile à défendre pour le côté gauche, celle des inquisiteurs établis à la poste par le comité central révolutionnaire de la Commune, pour décacheter les lettres et censurer les journaux. Ils demandèrent que le comité de salut public fût entendu sur-le-champ à cet égard, toute affaire cessante.

Thuriot répondit: Les vrais amis de la liberté ne regarderont jamais comme un délit d'avoir arrêté l'envoi de quelques journaux qui, au lieu de la vérité, ne s'attachent qu'à répandre le poison de la calomnie, et dont les traits incendiaires allument les torches de la guerre civile, dont les auteurs sont, à mon sens, coupables de haute trahison.... (Les tribunes applaudissent.) On vous parle de calmer les inquiétudes de la France; faites la Constitution, et la France applaudira. › (On applaudit.)

(1) Le Moniteur et toutes les collections faites d'après ce journal ne donnent qu'une idée très-imparfaite de cette séance. Beaucoup d'interpellations, beaucoup d'incidens, plusieurs discours y sont omis ou complétement défigurés. Nous suivons pour notre analyse le Républicain français, n. CCIII. Ce journal est souvent plus étendu que le Moniteur, et trace plus intégralement le drame des séances de la Convention. (Note des auteurs.)

La partie droite renonçant à ce premier moyen, insista pour qu'au moins le comité de salut public fit son rapport sur les membres de la Convention détenus. La gauche réclama l'ordre du jour, la lecture des articles constitutionnels. Après une première épreuve, le président prononça que l'ordre du jour était adopté. De vives réclamations s'élevèrent à droite, et une seconde épreuve ayant amené le même résultat, l'appel nominal fut invoqué avec force.

Dumont s'écria : « L'appel nominal!.... Il faut que la France sache qu'on nous a arraché un décret qui ôte la liberté à nos collègues, et que ceux-là qui ont prononcé ce décret ne veulent pas qu'on statue définitivement sur le sort de ceux qu'ils ort proscrits. Pendant qu'on appuyait à gauche le maintien du décret rendu, Vernier paraissait à la tribune pour une motion d'ordre. Il demanda formellement que la Constitution ne fut pas discutée avant qu'on n'eût prononcé sur les victimes du 31 mai. Dans la contestation qui s'ensuivit, et dans laquelle parlèrent successivement, au milieu d'interruptions de toute espèce, Saint-André, Thuriot, Engerrand, Levasseur, Couppé et Fermont, le principal argument du côté droit fut que l'unité et l'intégralité de la Convention étaient nécessaires pour la validité de l'acte constitutionnel. Saint-André réfuta cette objection par l'absurde: Si l'intégrité numérique d'une assemblée délibérante, dit Saint-André, était nécessaire pour l'existence d'un décret, il s'ensuivrait que tous les décrets rendus depuis l'absence de vos commissaires aux armées et dans les départemens, et de ceux retenus prisonniers chez les étrangers seraient nuls, et que le moment où vous pourriez vous occuper de la Constitution, dépendrait de la bonne volonté de M. de Cobourg. › (Les tribunes applaudissent.)

Levasseur et un membre de la droite qui n'est pas autrement désigné par le journal que nous analysons (1), prirent la question sous un point de vue qui la rendit extrêmement claire. Le

(4) Le Moniteur ne renferme pas un mot des deux discours que nous transcri(Note des auteurs.)

yons ici,

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