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De mes emportemens elle n'eft point complice,
Ni de mon amour même, & de mon injustice.
Loin de me retenir par des confeils jaloux,
Elle me conjuroit de me donner à vous.
En un mot, féparez ses vertus de mon crime.
Pourfuivez, s'il le faut, un courroux légitime;
Aux ordres d'Amurat hâtez-vous d'obéir :
Mais laiffez-moi, du moins, mourir fans vous haïr.
Amurat avec moi ne l'a point condamnée.
Epargnez une vie assez infortunée.

Ajoutez cette grace à tant d'autres bontés,

Madame, & fi jamais je vous fus cher...

ROXAN E.

Sortez.

POUR

SCENE V...

ROXANE, ZATIME.

ROXAN E.

OUR la dernière fois, perfide, tu m'as vûe, Et tu vas rencontrer la peine qui t'est dûe.

ZATIM E.

Atalide à vos pieds demande à se jetter,

Et vous prie un moment de vouloir l'écouter,
Madame. Elle vous veut faire l'aveu fidèle

D'un fecret important qui vous touche plus qu'elle,

ROXAN E.

Oui, qu'elle vienne. Et toi, fuis Bajazet qui fort;
Et, quand il fera tems, viens m'apprendre fon fort.

SCENE VI.
ROXANE, ATALID E.

ATALIDE.

JE ne viens plus, Madame, à feindre disposée,

Tromper votre bonté fi long-tems abusée.

Confufe, & digne objet de vos inimitiés,

Je viens mettre mon cœur & mon crime à vos pieds.
Oui, Madame, il eft vrai que je vous ai trompée.
Du foin de mon amour feulement occupée,
Quand j'ai vu Bajazet, loin de vous obéir,

Je n'ai, dans mes discours, fongé qu'à vous trahir.
Je l'aimai dès l'enfance; &, dès ce tems, Madame,
J'avois, par mille foins, fù prévenir fon ame.
La Sultane fa mère, ignorant l'avenir,
Hélas, pour fon malheur, fe plut à nous unir!
Vous l'aimâtes depuis. Plus heureux l'un & l'autre,
Si, connoiffant mon cœur, ou me cachant le vôtre,
Votre amour de la mienne eût fû fe défier!
Je ne me noircis point pour le juftifier.
Je jure par le Ciel, qui me voit confondue,
Par ces grands Ottomans, dont je fuis defcendue,
Et qui tous, avec moi, vous parlent à genoux,

Pour le plus pur

du fang qu'i 'ils ont tranfmis en nous; Bajazet à vos foins, tôt ou tard plus fenfible, Madame, à tant d'attraits n'étoit pas invincible. Jaloufe, & toujours prête à lui repréfenter Tout ce que je croyois digne de l'arrêter, Je n'ai rien négligé, plaintes, larmes, colère, Quelquefois atteftant les mânes de fa mère ; Ce jour même, des jours le plus infortuné, Lui reprochant l'espoir qu'il vous avoit donné, Et de ma mort enfin le prenant à partie, Mon importune ardeur ne s'eft point rallentie, Qu'arrachant, malgré lui, des gages de fa foi, Je ne fois parvenue à le perdre avec moi. Mais pourquoi vos bontés feroient-elles laffées ? Ne vous arrêtez point à fes froideurs paffées. C'est moi qui l'y forçai. Les noeuds que j'ai rompus, Se rejoindront bientôt quand je ne ferai plus. Quelque peine pourtant qui foit dûe à mon crime, N'ordonnez pas vous-même une mort légitime ; Et ne vous montrez point à fon cœur éperdu, Couverte de mon fang par vos mains répandu. D'un cœur trop tendre encore épargnez la foibleffe. Vous pouvez de mon fort me laiffer la maîtreffe, Madame, mon trépas n'en fera pas moins prompt. Jouiffez d'un bonheur dont ma mort vous répond. Couronnez un Héros dont vous ferez chérie. J'aurai foin de ma mort, prenez foin de sa vie. Allez, Madame, allez. Avant votre retour,

J'aurai

J'aurai d'une rivale affranchi votre amour.

ROXAN E.

Je ne mérite pas un fi.grand sacrifice.

Je me connois, Madame, & je me fais juftice.
Loin de vous féparer, je prétends aujourd'hui
Par des vœux éternels vous unir avec lui.
Vous jouirez bientôt de fon aimable vue.
Levez-vous. Mais que veut Zatime toute émue?

SCENE

VII.

ROXANE, ATALIDE, ZATIME.

AH,

ZATIM E.

venez vous montrer, Madame, ou, désormais,

Le rébelle Acomat eft maître du Palais !

Profanant des Sultans la demeure facrée,

Ses criminels amis en ont forcé l'entrée.
Vos Efclaves tremblans, dont la moitié s'enfuit,
Doutent file Vifir vous fert ou vous trahit.

ROXAN E.

Ah, les traîtres! Allons, & courons le confondre.
Toi, garde ma captive, & fonge à m'en répondre.

Tome II.

H

SCENE VIII.

ATALIDE, ZATIM E.

ATALI D E.

HELAS, pour qui mon cœur doit-il faire des vœux >

J'ignore quel deffein les anime tous deux.

Si de tant de malheurs quelque pitié te touche,
Je ne demande point, Zatime, que ta bouche
Trahiffe, en ma faveur, Roxane & fon fecret.
de grace, dis-moi ce que
dis-moi ce que fait Bajazet ?

Mais, de

L'as-tu vû? Pour ses jours n'ai-je encor rien à craindre ?

ZATIM E.

Madame, en vos malheurs je ne puis que vous plaindre.

ATALI D E.

Quoi, Roxane deja l'a-t-elle condamné?

ZATIM E.

Madame, le fecret m'eft fur-tout ordonné.

ATALID E.

Malheureufe, dis-moi feulement s'il refpire.

ZATIM E,

Il y va de ma vie, & je ne puis rien dire,

ATALI D E.

Ah, c'en eft trop, cruelle! Achève, & que ta main
Lui donne de ton zèle un gage plus certain.
Perce toi-même un cœur que ton filence accable,
D'une efclave barbare efclave impitoyable!

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