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aux Ouvrages avant qu'ils ayent paru; & que la plufpart des Lecteurs ne lifent ce qu'on leur a élevé fi haut, qu'avec un deffein formé de le rabbaiffer.

Je declare donc que je ne veux point profiter de ces difcours avantageux : & non-feulement je laiffe au Public fon jugement libre, mais je donne plein pouvoir à tous ceux qui ont tant critiqué mon Ode fur Namur, d'exercer auffi contre ma Satire toute la rigueur de leur Critique. J'efpere qu'ils le feront avec le mefme fuccés: & je puis les affeurer que tous leurs difcours ne m'obligeront point à rompre l'efpece de vœu que jai fait de ne jamais deffendre mes Ouvrages, quand on n'en attaquera que les mots & les fyllabes. Je fçaurai fort bien foûtenir contre ces Cenfeurs, Homere, Horace, Virgile, & tous ces autres grands Perfonnages dont j'admire les écrits: mais pour mes écrits que je n'admire point,

REMARQUES.

fie, pour vanger les Anciens, outragés dans ces deux Ouvrages. Il ht d'abord une ode à la manière de Pindare, afin de juftifier ce Poëte des reproches injuftes, que M. Perrault lui avoit

faits en particulier dans fon Parallele, Tom. I. p. 27: Nôtre Auteur maltraité lui-même dans la fuite de cet Ouvrage, ne voulut pas répondre exprès, convaincu, difoit-il, que les

c'eft à ceux qui les aprouveront à trouver des raifons pour les deffendre. C'est tout l'avis que j'ai à donner ici au Lecteur.

La bienfeance neanmoins voudroit, ce me femble, que je fiffe quelque excufe au Beau Sexe, de la liberté que je me suis donnée de peindre fes vices. Mais au fond, toutes les peintures que je fais dans ma Satire font fi generales, que bien loin d'apprehender que les Femmes s'en offenfent, c'eft fur leur approbation & fur leur curiofité que je fonde la plus grande efperance du fuccés de mon Ouvrage. Une chose au moins dont je fuis certain qu'elles me loüeront; c'eft d'avoir trouvé moyen, dans une matiere auffi délicate qu'eft celle que j'y traite, de ne pas laiffer échaper un feul mot qui puft le moins du monde blesser la pudeur. J'efpere donc que j'obtiendrai aisément ma grace, & qu'elles ne feront pas plus choquées des predications que je fais contre leurs

REMARQUES.

Ecrits, qui ne roulent que fur des Difputes particulières ou perfonnelles, ne font pas de longue durée, & qu'il faut, autant qu'on le peut, choisir des fujets généraux pour plaire au

Public, & fur-tout pour aller à la Poftérité. Il reprit donc fon premier deffein, & compofa fa dixiéme Satire, dans laquelle il fe contenta de faire fentir en paffant le ridicule des Jugemens

defauts dans cette Satire, que des Satires que les Predicateurs font tous les jours en Chaire contre ces mefmes defauts.

REMARQUES.

de M. Perrault. Elle fut achevée en 1693, & parut en 1694, avec le refte de fes Ouvrages, dont il fut fait cette année-là deux Edi

tions confécutives; la première in-4°. & l'autre in 12. Dans toutes les deux, cette Pièce eft intitulée: Dialogue, ou Satire X.

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SATIRE X.

ENFIN bornant le cours de tes galanteries,
Alcippe, il eft donc vrai, dans peu tu te maries,
Sur l'argent, c'est tout dire, on eft deja d'accord.
Ton Beaupere futur vuide fon coffre fort:
5 Et déja le Notaire a, d'un ftile energique,
Griffoné de ton joug l'inftrument autentique.
C'est bien fait. Il eft tems de fixer tes defirs.
Ainfi que fes chagrins l'Hymen a fes plaifirs.

REMARQUES.

VERS 1. Enfin bornant le cours de tes galanteries, &c.] M. Racine n'êtoit pas content de ces deux Vers la conftruction ne lui en paroiffoit pas aflés nette.

9

Il le manda à M. de Maucroix
Chanoine de Rheims, leur ami
commun, qui penfa de même •
& propofa de mettre à la place
ces deux autres Vers:

Alcippe, il eft donc vrai qu'enfin l'on te marie,
Et que tu prens congé de la galanterie.

Mais M. Defpréaux ne s'en ac-
commoda point, les aïant trou-
vés foibles & profaïques.
VERS 6.

l'infirument au

>

tentique. ] INSTRUMENT, en ftile
veut dire, tou-
de Pratique
tes fortes de Contrats. DES-
PRE' AUX,

Quelle joye en effet, quelle douceur extrême!
10 De fe voir careffé d'une Epoufe qu'on aime :
De s'entendre appeller petit Cœur, ou mon Bon
De voir autour de foi croiftre dans fa maison,
Sous les paifibles loix d'une agreable Mere,
De petits Citoyens dont on croit cftre Pere!

15 Quel charme! au moindre mal qui nous vient menacer
De la voir auffi-toft accourir, s'empreffer,
Selayer d'un peril qui n'a point d'apparence
Et fouvent de douleur fe pafmer par avance!
Car tu ne feras point de ces Jaloux affreux,
20 Habiles à fe rendre inquiets, malheureux,

Qui tandis qu'une Epoufe, à leurs yeux se desole, Penfent toûjours qu'un Autre en fecret la console. Mais quoy, je voy déja que ce difcours t'aigrit? Charmé de Juvenal, & plein de fon efprit 25 Venez-vous, diras-tu, dans une piece outréc, Comme luy nous chanter: Que dés le temps de Rhée,

REMARQUES.

VERS II. petit Cœur, ou mon Bon.] Ce font les noms de tendrefle que Madame Colbert donnoit à fon mari.

VERS 18. Et fouvent de douleur fe palmer par avance.] Ce caractère convient à la plupart des Femmes. Cependant le Poëte a eu particulièrement en vue fa Bellefour, la Femme de Jerome Boileau fon Frère aîné, laquelle témoignoit des fraïeurs exceffives au moindre mal dont fon mari êtoit menacé, elle fe pâmoit; il lui falloit jetter de l'eau fur le vifage.

VERS 24, Charmé de Juvenal,

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