Page images
PDF
EPUB

de l'armée catholique et royale, pour faire rentrer dans le devoir les scélérats qui méconnaissent l'autorité légitime. Rendons lesdits maires et officiers municipaux responsables de l'inexécution de ces ordres. Déjà Marvejols est tombé en notre pouvoir; quatre cents volontaires ont été défaits; vingt ont resté sur le champ de bataille; vingt autres, faits prisonniers, vont être exécutés.

C'est une chose digne de remarque dans l'histoire de notre nation, et faite pour étonner le scepticisme et l'incrédulité même, qu'aux grandes époques de ses transformations politiques, la France ait toujours été réduite aux descendans de ces cités chrétiennes dont les évêques fondèrent sur l'Évangile l'alliance avec un guerrier franc. Là où la foi à la religion de la Fraternité était plus profonde, là fut appliqué primitivement le principe de l'unité sociale, là, ce principe incarné par l'éducation et par la tradition s'est maintenu indestructible. Les luttes successives contre les ariens, contre les mahométans, contre les païens du nord, contre les Anglais, les Bourguignons et les Armagnac, contre les protestans, c'est la vieille France, le pays entre la Loire, le Rhin et la Meuse, qui les a toutes soutenues. C'est elle encore qui maintenant va combattre seule pour sauver la civilisation moderne.

Pendant que les Girondins s'occupaient de leur vengeance, pendant que le midi tout entier inclinait au fédéralisme, et que les uns et les autres, perdant de vue les royalistes et l'étranger, n'avaient plus de colère que pour renverser les Jacobins, Paris consolidait péniblement sa dernière victoire. Les conséquences étaient bien loin d'en être assurées. Il n'y avait de réellement obtenu que l'interdiction des séances de la Convention nationale aux trente-deux députés contre lesquels on s'était insurgé; quant à leur arrestation, elle semblait devoir se borner à une formalité parfaitement illusoire. Le conseil général révolutionnaire poursuivit l'exécution du décret (1). Pétion et Guadet, qui ne tar

(1) La commission révolutionnaire, nommée par les sections de Paris, et qui

dèrent pas à s'échapper, furent arrêtés par ses soins. Dans sa séance du 5 juin, il fut décidé 1° que les députés assez lâches pour quitter leur poste au moment du danger de la patrie, seraient mis en lieu sûr; 2o que deux bons citoyens sans culottes seraient envoyés auprès des députés déjà en arrestation pour aider le gendarme dans son service. Mais ces précautions étaient annulées à l'instant même par un décret de la Convention; elle recevait en effet une lettre de Gardien, se plaignant de ce que le ministre de la justice venait d'ajouter deux surveillans à celui qu'il lui avait déjà envoyé, et elle ordonnait qu'un seul gendarme veillerait sur les députés détenus. Cette mesure faisait prévoir combien de mollesse et de lenteur ou apporterait à passer du décret d'arrestation contre les girondins, au décret d'accusation, et enfin à leur mise en jugement. Le comité de salut public procédait avec une bienveillance marquée pour les conventionnels prisonniers de la Commune, et il suscitait à celle-ci de sérieux obstacles. Tantôt il la pressait de fournir les preuves nécessaires pour dresser l'acte d'accusation qu'elle avait sollicitée; tantôt il cherchait à accréditer le bruit que le comité révolutionnaire du conseil-général voulait s'emparer de tous les pouvoirs, et que d'un jour à l'autre il se poserait en maître absolu. La première demande excita de vives réclamations au sein de l'assemblée municipale. Il faut, s'écria un membre, être aveugle ou fourbe pour ne pas connaître les crimes des complices de Dumourier. Cependant, sur le réquisitoire de Chau

avait fait l'insurrection du 31 mai, se démet de ses fonctions le 6 juin. Les noms des membres qui la composaient auraient dû se trouver à la page 413 du XVII v., à la suite de la journée du 2 juin, article extrait du n. CLV de la Chronique de Paris. La fin de cet article ayant été omise par une erreur typographique, nous rétablissons ici ce qu'il y avait d'important.

« Nous, des membres de la commission révolutionnaire : Les citoyens: Clemence, de la section Bon-Conseil; Dunouy, section des Sans-Culottes; Bouin, de la section des Marchés; Auvray, de la section du Mont-Blanc; Séguy, de la section de la Butte-des-Moulins; Moissard, de Grenelle; Berot, canton d'Issy; Rousselin, section de l'Unité: Marchand, section du Mont-Blanc; Grespin, section des Gravilliers.

>> Le mot d'ordre dans la journée du 31 mai était : Insurrection et vigueur. » (Note des auteurs.)

mette, le conseil-général arrêta qu'il serait nommé une commission (séance du 5 juin), pour rédiger les plaintes du peuple contre les députés arrêtés, les porter à la Convention, et par ce moyen, accélérer le décret d'accusation. Ce fut à la séance du 4 que le conseil apprit les rumeurs relatives à son usurpation prochaine. Le membre qui en fit part ajouta que « plusieurs représentans du peuple, et notamment ceux du comité de salut public, avaient exprimé leurs inquiétudes à ce sujet ›. A ces mots, dit le procès-verbal‹ un cri d'indignation s'élève tant parmi les membres du conseil que dans les tribunes, et cette odieuse imputation est désavouée unanimement». Le lendemain fut votée à ce sujet une déclaration du conseil-général révolutionnaire, et des commissaires des quarante-huit sections, à la Convention nationale. Cette protestation, au nom du peuple de Paris, concluait ainsi : « Organes de cette portion intéressante du souverain, nous vous déclarons, mandataires du peuple, que nous voulons la République une et indivisible, que nous défendrons jusqu'à la mort la liberté et l'égalité, et l'inviolabilité de la représentation nationale. Nous vouons à l'exécration publique tout individu, toute autorité, toute section de la République voudrait s'arroger la domination et la dictature. >

Ce n'était là qu'une partie des entraves qui rendaient alors difficile la marche de la Commune. Le système de modération commandé par l'état des départemens, et que les Jacobins mettaient plus que jamais à l'ordre du jour, était souvent l'objet de diatribes violentes. Leclerc, ce jeune député lyonnais, qui figure dans le mois précédent, par des motions fougueuses, vient le 4 au conseil général et dit que c'était à tort qu'on avait jugé la révolution achevée. L'incarcération des gens suspects, continua-t-il, était un des principaux moyens de salut public. Mais tous les gens suspects sont-ils incarcérés? J'en doute, et les dangers sont toujours les mêmes? N'est-il pas possible d'ailleurs que les députés arrêtés n'aient déjà pris la fuite? Eh! pourquoi mettez-vous tant de lenteur à vous défaire de vos ennemis? Pourquoi craignez-vous de répandre quelques gouttes de

[ocr errors]

sang?.... L'orateur interrompu par une réprobation universelle, fut obligé de quitter la tribune, et le président le rappela à l'ordre. Le procès-verbal ferme de la sorte cet incident: ⚫ Hébert fait à ce sujet un discours plein d'énergie et de patriotisme. Il demande qu'on regarde comme mauvais citoyen tout homme qui proposera de répandre du sang. Son réquisitoire est unaniment adopté, non par l'épreuve d'une mise aux voix, mais par les applaudissemens universels de tous les citoyens présens. ›

Les Jacobins avaient maintenant l'initiative de toutes les propositions gouvernementales. On discutait et on votait dans ce club, avec un ordre et une discipline qui pouvaient servir d'exemple à la Convention, les motions que les députés devaient faire à la tribune nationale. Le 3 juin, Chasles parlait ainsi dans cette société :

Je crois qu'il est deux mesures indispensables : c'est de réorganiser entièrement les comités de la Convention, et de passer les jours et les nuits pour bien convaincre les départemens que c'est la faction qui a entravé notre marche, et qui nous a empêchés d'assurer le bonheur public. C'est à nous de déblayer les mille et une pétitions enfouies dans nos comités. Nos adversaires sont consommés dans les ruses de l'intrigue; nous devons nous attendre qu'ils n'auront laissé aucune pièce de conviction. Roland surtout n'aura pas manqué de soustraire toutes les pièces à sa charge. Je demande que nous formions un comité particulier, chargé de recueillir toutes les preuves de la conjuration; autrement nos efforts deviendront inutiles par la disette des preuves matérielles. Je demande aussi que le comité de correspondance invite toutes les sociétés affiliées à faire parvenir à ce comité tous les renseignemens relatifs à la faction. >

Ces mesures furent adoptées. Chabot proposa ensuite et fut vivement applaudi: 1° d'éclairer l'opinion publique par une profession de foi; 2o de fixer le prix du pain pour toute la République; 5o de presser l'établissement de la Constitution, dont la base devait être la propriété la plus sacrée, celle de l'exis

tence, et dont le but serait de donner du pain à tous les malheureux. Après Chabot, Robespierre jeune dit : « que les patriotes veillent sans cesse aux canaux qui transmettent les écrits; qu'ils ne laissent point passer le poison. Il ne faut point souffrir qu'aucun fil' de la trame conspiratrice puisse se renouer. La liberté de la presse ne doit pas être permise lorsqu'elle compromet la liberté publique (1). Ce sont les Gorsas, les Roland et autres écrivains qui ont corrompu l'opinion publique. Si j'étais juré, je ne m'arrêterais pas à juger un citoyen obscur; mais sí un député du peuple avait calomnié Paris, je le déclarerais à l'instant contre-révolutionnaire. (Journal de la Montagne, n. V et VI.) Ces paroles étaient la sanction des actes du comité révolutionnaire de la Commune qui arrêtait en effet les journaux à la poste, décachetait les lettres suspectes, et y apposait une griffe qui portait ces mots : Révolution du 31 mai.

A la séance des Jacobins du 5 juin, Peyre rappela là motion qu'il avait faite, il y avait un mois, d'établir une armée révolutionnaire composée de patriotes munis de certificats de civisme, et recommandés par les sociétés populaires. Léonard Bourdon proposa de renouveler les directoires des départemens, dont le plus grand nombre paraissait devoir se ranger du côté des Girondins. Cet avis, combattu par Jeanbon-Saint-André, ne fut pas accueilli. Ce n'est pas un moyen de régénération, dit Saint-André, de casser les corps administratifs; des hommes plus dangereux que les aristocrates décidés, domineraient dans les assemblées primaires. Il faut établir des comités de salut public qui fassent marcher les administrations en dépit d'ellesmêmes. Si ces comités sont bien organisés, s'ils sont composés de vrais patriotes pris dans le sein des sociétés populaires, ce stimulant sauvera la liberté. » Le club passa à l'ordre du jour. (Journal de la Montagne, n. VIII.)

(1) M. Thiers, tom V, p. 6 de son histoire, rapporte ainsi cette phrase qu'il attribue à Robespierre aîné: «La liberté de la presse doit être entière sans doute, mais ne pas être employée à perdre la liberté. » Il y a erreur de texte et erreur de personne. (Note des auteurs.)

« PreviousContinue »