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titude, et quoique cet ouvrage porte l'empreinte de ses opinions particulières sur la religion, dont son auteur s'est fait une malheureuse habitude, on y trouve néanmoins tant de vues grandes et instructives qu'il mérite l'attention de tous ceux qui veulent étudier ou écrire l'Histoire des siècles qu'il parcourt. » (HUGUES-BLAIK, Cours de Belles-Lettres, XXXVIme. Leçon.)

Tels sont les aveux de la seule nation qui, dans ce nouveau genre d'Histoire, puisse prétendre à l'honneur de nous disputer le prix.

Page 39. Il expose avec cette clarté l'une des qualités distinctives de son esprit et de son talent, les sublimes découvertes de Newton etc.

« J'ai saisi avec plaisir l'occasion, (dans l'Eloge de M. » de la Condamine) de rendre justice à un vieillard illus»tre, sur lequel tous les insectes de notre littérature s'a> charnent avec tant de bassesse et d'indécence. Je n'ai » pu dire qu'un mot de ses Elémens de la Philosophie > newtonienne. Sans cela, j'aurais fait observer que » cet ouvrage est encore le seul où les hommes qui » n'ont point cultivé les sciences, puissent acquérir » des notions simples et exactes sur le systême du monde » et sur la théorie de la lumière; que ces Elémens, bien » loin de renfermer des fautes grossières, comme l'ont » imprimé des gens qui n'étaient pas en état de les en» tendre ne renferment même aucune erreur qu'on » puisse imputer à M. de Voltaire ; car s'il y en a quel» ques-unes, ce sont des opinions qu'il a adoptées d'a

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» près le témoignage des auteurs les plus accrédités. » (Lettre de M. de Condorcet à M. de la Harpe.)

Page 41. Ce changement dont les effets se firent plus ou moins sentir dans toutes les classes d'écrivains, permit à la littérature des vérités et des erreurs qui ne pouvaient appartenir à une époque antérieure ; c'est ce qu'il ne faut jamais oublier, en jageant le dixhuitieme siècle, lorsqu'on veut être juste, et n'être rien de plus.

Cette observation est si importante que je m'étonne d'être le premier à la soumettre au public. Elle explique, ce me semble, pourquoi la littérature devait être plus indépendante au dix-huitième siècle, et par-là même se montrer plus hardie que dans le siècle précédent. Un écrivain philosophe a remarqué avant moi qu'il fut un moment où la philosophie eut ses enthousiastes et ses fanatiques; hommes toujours entraînés par le mouvement général, loin des limites du vrai; et qui, sophistes sous Louis XV, auraient été astrologues sous Charles VII. Alors, dans les écrits comme dans les discours, la hardiesse devint souvent de l'audace; l'indépendance des principes put, chez quelques écrivains, dégénérer en licence, je ne prétends point le nier : tel est malheureusement le cours de toutes les choses humaines. Une littérature dont les travaux embrassaient tous les objets qui importent au bonheur des hommes, dut enfanter des erreurs, des exagérations, d'autant plus remarquées qu'elles tenaient

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à des matières plus importantes. Mais ces exagérations, ces erreurs, que j'ai cru remarquer moi-même dans quelques ouvrages du dix-huitième siecle, je ne devais pas plus les combattre que je n'ai dû réfuter les nombreux accusateurs de la philosophie de ce siècle; car c'était un tableau littéraire qui m'était demandé, et non point un examen philosophique.

que me

Si je l'eusse fait cet examen, je n'aurais dissimulé ni les vérités, ni les erreurs : j'aurais cherché à démêler les unes et les autres avec cette défiance commande trop bien la faiblesse de mes lumières; et j'aurais continué à exprimer ma pensée avec cette sincérité, ce respect pour sa propre conviction, dont ne se départ jamais un homme qui veut conserver le droit de s'estimer. En avouant ce qui me paraît être des erreurs dans la littérature du dix-huitième siècle, j'aurais cru devoir, pour être juste, examiner ces trois questions importantes: d'abord, s'il est une littérature où l'on ne trouve pas de semblables erreurs : en second lieu, si les principes, vrais ou faux, qu'on a le plus reprochés aux philosophes de ce siècle n'ont pas été soutenus avec plus de liberté, exprimés avec moins de réserve par les philosophes de l'antiquité, ou par des philosophes modernes dans les âges précédens: enfin, s'il est une seule opinion dangereuse, accréditée par un écrivain célèbre du dix-huitième siècle, qui n'ait pas été combattue dans ce siècle, par un écrivain non moins célèbre ?

J'aurais ainsi été conduit à examiner s'il existe réel

lement une philosophie du dix-huitième siècle. Qu'est

ce, aurais-je pu demander, que cette philosophie? Est-ce la philosophie d'Helvétius, réfutée dans tous. ses principes, par le philosophe Rousseau? Est-ce la philosophie de Rousseau, combattue sur tant de points, par le philosophe Voltaire ?

Peut-être aurais-je trouvé pour dernière réponse à ces questions, que ce qu'on appelle la philosophie du dix-huitième siècle se réduit au principe commun qui parut alors diriger tous les travaux de la pensée, le zèle vrai ou affecté pour le bonheur des hommes. Peutêtre aurais-je aussi trouvé qu'à une époque vraiment éclairée, les erreurs, quelle qu'en soit la nature, souvent attaquées dès leur naissance, ne peuvent obtenir qu'une confiance locale et momentanée ; et qu'après la chute des erreurs qui se choquent et se détruisent mutuellement, la vérité reste encore pour l'honneur des écrivains et le bien de l'humanité.

Page 43. Des lettres Persanes. - Dans le premier de ses ouvrages, paraissant vouloir cacher la profondeur de ses réflexions sous le voile d'une fiction ingénieuse, il sut mêler avec adresse à des peintures étrangères l'examen de nos opinions sur des matières délicates, et rarement soumises avant lui à des discussions littéraires etc.

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Montesquieu suppose une correspondance entre deux Persans qui voyagent parmi nous. Ils nous découvrent leurs mœurs en étudiant les nôtres.

L'attachement aveugle qu'ils témoignent pour leurs préjugés nous inspire une juste défiance des nôtres.. Pensent-ils ainsi parce qu'ils sont nés en Asie? Pensonsnous différemment parce que nous sommes nés en Europe?

Usbeck et son ami se plaisent quelquefois à rapprocher de nos principes les plus sages et les plus utiles à nos yeux, ceux des leurs qui nous paraissent dangereux ou absurdes: ils nous en montrent le rapport, et l'espèce de fraternité. Nous voilà forcés de porter sur les uns et sur les autres un jugement uniforme.

Dans leur séjour en Europe, ils finissent par se familiariser avec la plupart de nos usages, et même par se défier d'un assez grand nombre des leurs. Que ferions. nous donc nous-mêmes dans un long séjour en Asie?

A ces leçons demi-voilées, à ces beautés qui naissent du fond de son sujet, et de la conception originale de son livre, Montesquieu ajoute des beautés sans nombre, prodiguées avec l'abondance et la variété du génie. Il multiplie les vérités de tout genre, il ne développe que Les vérités fécondes ; il peint d'un trait les choses, les hommes, les empires; il traite des questions qui ont enfanté des volumes, et il les épuise dans quelques pages. Ici, c'est la peinture d'un peuple que la dépravation des mœurs, l'égoisme et la division des intérêts précipitent vers sa destruction; que le malheur ramène à la vertu, le patriotisme à la prospérité, la prospérité aux richesses et à la décadence des mœurs. Le peintre s'ar

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