Un Rivalorgueilleux de la gloire offenfé, A détruit le Lutrin par nos mains redrellé. Epuise en la faveur ia science fatale: Du Digeste & du Code ouvre-nous le Dédale, Ermontie-nous cet art connu de tes Amis, Qui dans ses propres loix embarasse Themis.
La Sibylle à ces mots déja hors d'elle-mesme Fait lire la fureur sur son visage blême ; Et pleine du Demon qui la vient oppresser. Par ces mots étonnans rasche à le repoutier : Chantres, ne craignez plus une audace infenfée. Je vois , je vois au Chaur la malfe replacee. Mais il faut des combars. Teleft l'arrest du Sort: Et sur tout évitez un dangereux accord. Lá bornant fon discours, encor toute écumante, Elle soufle aux Guerriers l'esprit qui la tourmente, Et dans leurs cæurs brûlans de la foif de plaider, Verse l'amour de nuire , & la peur de ceder. Pour tracer à loifir une longue requeste, A retourner chez soy leur brigade s'appreste. Sous leurs pas diligens le chemin disparoist, Et le Pilier loin d'eux déja baisse & décroift.
Loin du bruit cependant les Chanoines à table Immolent trente mets à leur faim indomtable. Leur appetit fougueux par l'objet excité Parcourt tous les recoins d'un monstrueux parté. Par le sel irritant la foifeftallumée. Lorsque d'un pié leger la prompte Renommée Semant par tout l'effroy, vient au Chantre éperdo Conter l'affreux détail de l'oracle rendu. Il se leve enflammé de muscat & de bile, Et pretend à son tour consulter la Sibylle. Evrard a beau gemir du repas deserté, Lui-melme est au Barreau par le nombre emporté. Parles detours étroits d'une barriere oblique Ils gagnent les degrez & le Perron antique, Où sans cesse étalant bons & méchans écrits, Barbin vend aux paffans des Auteurs à tout prix.
Là
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Là le Chantre à grand bruit arrive & se fait place, Dans le fatal instant que d'une égale audace Le Prelat & sa troupe, à pas tumultueux, Descendoient du Palais l'escalier tortueux, L'un & l'autre Rivals’arreftant au paffage, Se mesure des yeux, s'observe, s'envisage. Une égale fureur anime leurs esprits. Tels deux fougueux Taureaux de jaloufie épris, Auprés d'une Genisse au front large & superbe , Oubliant tous les jours le pasturage & l'herbe, A l'aspect l'un de l'autre embrazez, furieux, Deja, le front baiffé, se menaccor des yeux. Mais Evrard en passant coudoyé par Boirude, Ne sçait point contenir son aigre inquietude. Il entre chez Barbin, & d'un bras irrité, Saisissant du Cyrus un volume écarté, Illance au Sacristain le tôme épouvantable. Boirude fuit le coup: Le volume effroiable Lui raze le visage , & droit dans l'eftomac- Va frapper en fitlant l'infortuné Sidrac. Le Vieillard accablé de l'horrible Artamene, Tombe aux piés du Prelat sans pouls & sans haleine. Sa Troupe le croit mort, & chacunemprese, Se croit frappé du coup donc ille void blessé. Aufli toft contre Evrard vingt champions s'élancent: Pour solltenir leur choc les Chanoines s'avancent. La Discorde triomphe , & du combat fatal Par un cri donne en l’air l'effroiable fignal. Chez le Libraire absent tout entre, tout se mefle , Les Livres sur Evrard fondent comme la grelle Qui dans un grand jardin, à coups impetueux, Abbat l'honneur naissant des rameaux fructueux. Chacun s’arme au hazard du livre qu'il rencontre. L'un tient le Næud d'amour, l'autre en failt la Montre, L'un prend le seul Jonas qu'on ait vû relié, L'autre un Tasse François en naissant oublié. L'Eleve de Barbin, commis à la boutique, Veut en vain s'opposer à leur fureur Gothique,
Les
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Les volumes sans choix à la teste jettez Sur le perron poudreux volent de tous costez. Là, prés d'un Guarini Terence tombe à terre. Là, Xenophon dans l'air heurte contre un la Serre. O que d'Ecrits obscurs, de Livres ignorez Furent en ce grand jour de la poudretirez ! Vous en faftes tirez, Almerinde & Simandre: Et toy, rebut du peuple, inconnu Caloandre, Dans ton repos, dit-on, faifi par Gaillerbois, To vis le jour alors pour la premiere fois. Chaque coup sur la chair laisse une meurtrissure. Déja plus d'un Guerrier se plaint d'une blessure. D'un le Vayer épais Giraut est renversé. Marineau d'un Brebeuf à l'épaule bleflé. En sent par tout le bras une douleur amere, Et maudit la Pharfale aux Provinces sichere. D'un Pinchesne in quarto Dodillon étourdi A long-temps le teint pane , & le coeur affadi. Au plus fort du combat le Chapelain Garagne Vers le sommet du front'atteint d'an Charlemagne, ( Des vers de ce Poëme effet prodigieux ! ) Tout preft à s'endormir baaille & ferme les yeux. A plus d'un Combattant la Clelie eft fatale. Girou dix fois par elle éclare & fe fignale. Mais tout cede aux efforts du Chanoine Fabri. Ce Guerrier dans l'Eglise aux querelles nourri, Eft rohuste de corps,
terrible de visage, Et de l'eau dans son vin n'a jamais sceu l'usage. Il terrasse lui feui& Guibert & Graffet, Et Gorillon la basse , & Grandin le fauffet , Et Gerbais l'agreable, & Guerin l'infipide. Deschantres desormais la brigade timide S’écarte & du Palais regagne les chemins. Telle à l'aspect d'un Loup, terreur des champs voisins, Fuit d'Agneaux effrayez une troupe hêlante : Ou tels devant Achille , aux campagnes du Xante, Les Troyens se fauvoient à l'abri de leurs tours. Quand Brontin à Boirude adreffe ce discours.
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Illustre Porte-croix, par qui nostre banniere N'a jamais en marchant fait un pas en arriere, Un Chanoine lui seul triomphant du Prelat, Durochet à nos yeux ternira t-il l'éclat ?
à Non, non, pour tecouvrir de la main redoutable, Accepte de mon corps l'épaisseur favorable. Vien , & fous ce rempart à ce Guerrier hautain Fais voler ce P** qui me reste à la main. A ces mots il lui rend le doucereux ouvrage. Le Sacristain boüillant de zele & de courage, Le prend, se cache , approche , & droit entre les yeux Frappe du noble écrit l’Athlete audacieux : Mais c'est pour l'ébranler une foible tempeste. Le livre fans vigueur mollit contre sa teste. Le Chanoine les voit de colere embrazé. Attendez, leur dit-il, Couple lâche & ruze, Et jugez fi ma main aux grands exploits novice Lance à mes Ennemis un livre qui molliffe. A ces mots il failit un vieil Infortiat Grolli des visions d'Accurfe & d'Alciat, Inutile ramas de Gothique écriture, Dont quatre ais mal unis formoient la couverture, Entourée à demi d'un vieux parchemin noir, Où pendoit à trois clous,un reste de fermoir. Sur l'ais qui le soûtient auprés d'un Avicenne Deux des plus forts Mortels l'ébranleroient à peine. Le Chanoine pourtant l'enleve fans effort, Et sur le Couple pfle, & déja demi-mort Fait tomber à deux mains l'effroiable tonnerre. Les Guerriers de ce coup vont mesurer la terre, Et du bois & des clous meurtris & déchirez, Long-temps, loin du Perron, roulent sur les degrez.
A u spectacle étonnant de leur cheûte impréveuë Le Prelat pousse un cri qui penetre la nuë. Ilmaudit dans sonceur le Demon des combats, Et de l'horreur du coupil recule fix pas. Mais bien toit rappellant son antique proüesse Htire du manteau fa dextre pengeresse,
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Il part, & de les doigts faintement alongez Benit tous les paffans en deux files rangez. Il sçait que l'Ennemi, que ce coup va surprendre, Desormais sur ses piés ne l'oferoit attendre, Et déja voit pour lui tout le peuple en.courroux Crier aux combattans: Profanes, à genoux. Le Chantre qui de loin voit approcher l'orage, Dans son coeur éperdu cherche en vain du courage :: Sa fierté l'abandonne, il tremble, il cede, il fuit, Le long des factez murs fabrigade le fuit, Tout s'écarte à l'instant : mais aucun n'en réchappe:,, Par tout le doigt vainqueur les suit & les ratrappe. Evrard seul en un coin.prudemment retiré Se croyoit à couvert de l'insulte sacré: Mais le Prelat vers lui fait une marche adroite. Il l'observe de l'ail, & tirant vers la droite, Tout d'un coup tourne à gauche, & d'un bras fortuné, Benit subitement le Guerrier consterné. Le Chanoine surpris de la foudre mortelle, Se dresse, & leve en vain une teste rebelle:- Sur ses genoux tremblans il tombe à cet aspect, Et donne à la frayeur ce qu'il doit au respect.
Dans le Temple aufli-totle Prelat plein de gloire Va goûter les doux fruits de fa lainte victoire. Et de leur vain projet les Chanoines punis, S'enretournent chez eux éperdus., & benis.
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