MERCURE. Le beau sujet de fâcherie! Nous avons taut de temps ensemble à demeurer! Mais quoi! partir ainsi d'une façon brutale, MERCURE. Diantre! où veux-tu que mon esprit T'aille chercher des fariboles? Quinze ans de mariage épuisent les paroles; CLÉANTHIS. Regarde, traître, Amphitryon; Vois combien pour Alcmène il étale de flamme; Et rougis, là-dessus, du peu de passion Que tu témoignes pour ta femme. MERCURE. Hé! mon Dieu! Cléanthis, ils sont encore amaus. Et ce qui leur sied bien dans ces commencemens, CLÉANTHIS. Quoi! suis-je hors d'état, perfide, d'espérer MERCURE. Non, je n'ai garde de le dire; Mais je suis trop barbon pour oser soupirer, CLÉANTHIS. Mérites-tu, pendard, cet insigne bonheur De te voir pour épouse une femme d'honneur? MERCURE. Mon Dieu! tu n'es que trop honnête; Comment! de trop bien vivre on te voit me blâmer! MERCURE. La douceur d'une femme est tout ce qui me charme; CLÉANTHIS. Il te faudrait des cœurs pleins de fausses tendresses, MERCURE. Ma foi, veux-tu que je te dise? Comment! tu souffrirais, sans nulle répugnance, MERCURE. Oui, si je n'étais plus de tes cris rebattu, Et qu'on te vît changer d'humeur et de méthode. J'aime mieux un vice commode Qu'une fatigante vertu. Adieu, Cléanthis, ma chère amie, Pourquoi, pour punir cet infâme, FIN DU PREMIER ACTE. ACTE SECOND. SCÈNE PREMIÈRE. AMPHITRYON, SOSIE. AMPHITRYON. VIENS çà, bourreau, viens çà. Sais-tu,maître fripon, SOSIE. Si vous le prenez sur ce ton, AMPHITRYON. Quoi! tu veux me donner pour des vérités, traître, Des contes que je vois d'extravagance outrés? SOSIE. Non je suis le valet, et vous êtes le maître; AMPHITRYON. Cà, je veux étouffer le courroux qui m'enflamme, Et, tout du long, t'ouïr sur ta commission. Il faut, avant que voir ma femme, Que je débrouille ici cette confusion. Rappelle tous tes sens, rentre bien dans ton âme, Et réponds mot pour mot à chaque question. SOSIE. Mais de peur d'incongruité, De quel air il vous plaît que ceci soit traité. Ou bien user de complaisance? AMPHITRYON. Non; je ne te veux obliger Qu'à me rendre de tout un compte fort sincère. SOSIE. Bon. C'est assez, laissez-moi faire; AMPHITRYON. Sur l'ordre que tantôt je t'avais su prescrire... SOSIE. Je suis parti, les cieux d'un noir crêpe voilés, Pestant fort contre vous dans ce fâcheux martyre, Et maudissant vingt fois l'ordre dont vous parlez. AMPHITRYON. Comment, coquin! SOSIE. Monsieur, vous n'avez rien qu'à dire; Je mentirai, si vous voulez. AMPHITRYON. Voilà comme un valet montre pour nous du zèle! |