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que

C'eft ainfi Rahab fit à ces deux hommes un accueil, qui immortalifa fon nom dans l'Eglife. Le fuccès des moyens qu'elle employa pour les fauver; les éloges dont le St. Efprit a relevé fa conduite; la nobleffe du principe dont elle fut animée; le rang qu'elle occupa dans la Republique d'Ifraël, elle & fa poftérité; tout cela n'a pas empêché que les Interprétes n'ayent mis en question, fi cette femme fut innocente ou criminelle dans les démarches qu'elle fit à l'égard des deux Efpions; tout cela n'a pas même empêché que le plus grand nombre ne l'ait condamnée.

Il y a eu peu de perfonnes véritablement, qui fe foient recriées fur l'aparente perfidie, dont elle étoit coupable envers fon Prince, & fur ce qu'elle trahiffoit fa Patrie, en favorifant le deffein de ceux qui venoient l'envahir. On convient affez généralement, ce me femble, qu'un ordre du Ciel peut dégager un Sujet de l'obéiflance qu'il doit naturellement à fon Souverain, & un Citoyen des engagemens qui l'attachent aux personnes, avec lefquelles il étoit entré en Corps de Societé : mais nous ne devons pas être furpris que plufieurs n'ay nt pû concevoir, que la diffimulation & le menfonge dont ufa Rahab, & qui paroiffent fi oppofez aux ordres de Dieu, ayent été, par une dispense Divine, innocens dans cette occafion. Nous propoferons dans un autre endroit nos pensées fur cette célébre question.

Le raport des Efpions embrafa le courage de Jofué, & celui de tous les Ifraëlites. Ils

cru

23. Dans le XXX, Difcours. Voi, dans le Tome fui

crurent que des hommes atterrez étoient à de-. mi vaincus, & ils regardérent la frayeur des Cananéens comme le prélude de leur défaite. Ils fe difpoférent à prendre poffeffion d'un païs qu'ils confideroient déjà comme conquis, & ils s'aprêtérent à marcher, moins pour aller au combat qu'à la victoire & au triomfe. Il falloit paffer à travers les eaux du Jourdain. Rien ne paroiffoit moins praticable. Leur Foi fupléa à leur Raifon: ou plûtôt ils fe perfuadérent que rien n'étoit plus raifonnable que de s'appuyer fur la parole de Dieu, qui leur promettoit de les conduire lui-même dans une route fi nouvelle & fi périlleufe. Avant que de raconter les circonftances miraculeufes de ce paffage, il eft à propos de décrire un fleuve fi célébre dans P'Hiftoire fainte.

te Céfa

On l'appelle aujourd'hui Scheriah. C'eft le plus grand de tous ceux de la Palestine: peutêtre eft-ce le feul de cette contrée qui mérite le nom de fleuve. Il y a quelques conteftations entre les Géografes fur fon origine. L'opinion* Il faut la plus commune eft, qu'il tire fa fource de diftindeux fontaines qui font au pied du Mont Li-guer cetban, dont l'une s'appelle For, & l'autre Dan; rée de que ces deux fontaines réuniffant leurs eaux & celle qui leur nom près de la ville de Dan, voifine de porte le celle qui porte le nom de* Panéade, ou de Phi- nom, qui lippe de Céfarée que Philippe le Tetrarche avoit fut ba:ie batie, forment le fleuve qui s'appelle Fourdain. par HéMr. Reland fait dériver ce nom d'un mot Grand, Hébreu qui fignifie couler. D'autres difent & qui eft

même

rode le

qu'il vient de deux mots, dont l'un veut dire quelque

fleu

24. RELAND Palaftin. Lib. I, cap. 43. pag. 271. 25. Vid. ibidem

fois apel lée la Tour de Straton.

fleuve, & l'autre la ville de Dan.

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Voici un paflage de Jofephe plus précis en core fur l'origine du Jourdain: On a crû, ditil, que Panéade étoit le lieu de fa fource. Cependant il ne fait que fe cacher fous terre dans cet endroit-là: Ja véritable fource eft dans un Lac fituée à la droite de la Trachonite, & qui eft appellé Fiole, à caufe de fa figure ronde, fitué à cent vingt ftades de Céfarée.

"Le Jourdain, formé à Panéade du con cours de deux riviéres, fait divers détours en fortant de cette ville, " fépare la Trachonite d'avec la Galilée fuperieure, baigne les villes de Seleucie, forme entre Céfarée & la Mer de Ga lilée un étang large de trente ftades, qui porte le nom de Meron ou Semechonitis: il prend de là fon cours vers l'Orient, & étant groffi par un grand nombre de fontaines, il arrofe la ville de Chorafin, & celle de Capernaum: il fe répand jufques dans la Mer de Galilée, ou plûtôt c'eft là que le Jourdain trouvant un lit plus fpacieux, forme ce vafte Lac, qui s'appelle tantôt Lac ou Mer de Tiberiade, tantôt Lac ou Mer de Genefareth, quelquefois Mer de Galilée, & qui a, au raport de Pline, feize cens mille pas de longueur, & fix mille de largeur. Le Jourdain

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en

26. JOSEPH. de Bello Judaico Lib. I. cap. 21. fect. 3. pag 1007.

1

27. ADRICHOMIUS Theatrum Terra fancta pag, 109. col. I.

28. Idem ibidem.

29. Voyez un recueil exact de divers fentimens des Geographes fur le cours du Jourdain, & fur diverfe's queftions touchant ce fleuve, DAPPERS Palestin. pag. 149. tit. Vliet of Fordaen.

30. PLIN. Hiftor. Lib. V. cap. 15. pag. 72. Voi, auffi

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viéres.

en fortant de ce Lac fait encore divers détours, & à deux lieues de là eft groffi par les eaux Et par de la riviére, ou comme parle Moyfe, du tor- celles de rent de fabboc, & prend le nom de Jourdain le diverses grand: puis il fépare la Perée de la Samarie, & autres tila Judée de la Moabitide: il partage en deux cette vallée qui s'étend de Genefareth jufques à la Mer Morte, où il va fe jetter après une infinité de détours, qui ont fait dire à Pline qu'il n'y arrive que malgré lui; il traverse cette Mer & fe perd, comme parle " Adrichomius, dans un gouffre voifin, ou comme dit "Paufanias, dans les Marais même de l'Afphaltite. "La longueur du Jourdain eft d'environ cent milles, & fa largeur eft prefque par-tout de foixante pas. Mais lorsque les Ifraëlites le pafférent, il étoit beaucoup plus large: c'étoit dans la faifon de la moiffon des orges: & c'eft alors que les neiges du Mont Liban, au raport des Hiftoriens facrez & de celui des 36 profa pes, ont accoûtumé de fe fondre, & groffiflent les eaux de ce fleuve. Il eft vrai que la diver fité des témoignages des Hiftoriens & des Voyageurs modernes ne nous permet pas de déterminer, fi ce débordement fe fait encore aujour d'hui, comme du temps de Jofué. " Maundiel, qui

STRABON Lib. XVI. pag. 1095. 31. PLIN. ibidem, velut invitus.

32 ADRICHо м. ubi fupra.

33. PAUSAN. Eliac. Cap. VII. pag. 391.

34. A BULENSIS in Genef. 13. quæft. 69. ADR Í CHOM. in tit. Nephthali. num. 59. pag. 109. col. 2. 35. Voi. Jof. III. 15.

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36. TACIT. Lib. V. pag. 425,

37. MAUNDRUEL Journei from Alep, &c. pag. 9f Voi auffi WELS Geograf, of the new Testament. parti

1. pag. 38.

Tom. III.

B

Nomb.

33

qui étoit dans ce païs le 30. de Mars, c'est-à-dife, dans la même faifon que les Ifraëlites pasférent le Jourdain, affure non feulement qu'il n'y vit aucune marque d'inondation, mais que fes eaux étoient fort au-deffous de leur rivage ordinaire. Doupdan au contraire raporte, que lorsqu'il s'y trouva, (c'étoit auffi dans la même faifon) fes eaux étoient jaunes & bourbeufes, comme celles de la Seine en hyver : qu'il étoit extremément profond & rapide, tout prêt à fe déborder par les neiges fondues du Mont Liban. Cette raifon du débordement du Jourdain, pour le dire en paflant, eft bien plus naturelle que celle qu'en rendent quelques » Auteurs, qui la raportent à une prétendue communication de ce fleuve avec celui du Nil, auquel on attribue auffi cette particularité, que fes eaux croiffent en été, au lieu que le débordement des autres riviéres arrive principalement en hyver.

39

Tel étoit le Jourdain, dont le paffage miraculeux devoit, ainfi que nous l'avons dit, confirmer la vocation de Jofué. Voici l'ordre que ce Général obferva dans cette marche.

Jofué I. I. Il fomma la Tribu de Ruben, celle de 13. 15. Gad, & la moitié de celle de Manaffé, de la XXXH. parole qu'elles avoient donnée à Moyfe, par laquelle, quoique mifes en poffeffion du païs fitué en deça du Jourdain, elles s'étoient enga

20.

gees

38. DOUEDAN voyages, &c. Cap. XXXI. pag. 291. 39. Voi. RELAND. Palaft. Lib. I. Chap. XLIII. pag. 274. Quelques-uns difent qu'il communique avec le Paradis Terreftre, & que c'eft le fleuve dont parle Moyfe Généfe XXV. 10. voi. fur ce paffage FRANCIS, QUARES MIUs Terra Sancta elucidatio Tom. II.lib. 6, S. 4. pag. 738.

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