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tude. La température de l'Océan, dans ces parages, est de 16 à 20 degrés, et les vents du nord-ouest qui y soufflent quelquefois impétueusement poussent des îles flottantes de varech, dans de basses latitudes jusqu'aux parallèles de 24 et même de 20 degrés. Les bâtimens qui retournent en Europe, soit de Montevideo, soit du cap de Bonne-Espérance, traversent ce banc de fucus que les pilotes espagnols regardent comme également éloigné des Petites-Antilles et des îles Canaries: il sert aux moins instruits à rectifier leur longitude. Le second banc de fucus est peu connu; il occupe un espace beaucoup moins grand par les 22 et 26 degrés de latitude, 80 lieues marines à l'ouest du méridien des îles Bahames. On le rencontre en allant des Caïques aux Bermudes.

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Quoique l'on ait observé des espèces de varech dont les tiges ont près de Soo pieds de long, et que ces cryptogames pélagiques prennent un accroissement très-rapide, il n'en est pas moins certain que, dans les

Le baudreux des îles Malouines; Fucus giganteus, Forster ou Laminaria pyrifera, Lamour.

parages que nous venons de décrire, les fucus, loin d'être attachés au fond, flottent en paquets détachés à la surface des eaux. Dans cet état, la végétation ne peut guère continuer plus long-temps qu'elle ne le feroit dans une branche d'arbre séparée de son tronc; et, pour expliquer comment des masses mobiles peuvent se trouver depuis des siècles dans les mêmes lieux, il faut admettre qu'elles doivent leur origine à des rochers soumarins qui, placés à quarante ou soixante brasses de profondeur, suppléent sans cesse à ce qui est emporté par le courant équinoxial. Ce courant entraîne le raisin du tropique dans les hautes latitudes, vers les côtes de la Norwège et de la France, et ce n'est pas, comme le pensent quelques marins, le Gulf-Stream qui accumule les fucus au sud des Açores'. Il seroit à désirer que les navigateurs sondassent plus fréquemment dans ces parages couverts d'herbes; car on assure que des pilotes hollandois ont trouvé une série de bas-fonds depuis le banc de Terre-Neuve

Barrow, Voyage à la Cochinchine, Tom. I,

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jusqu'aux côtes d'Écosse, en employant des lignes composées de fils de soie '.

Quant aux causes qui peuvent arracher les algues à des profondeurs où l'on croit généralement la mer peu agitée, elles ne sont pas suffisamment connues. Nous savons seulement, par les belles observations de M. Lamouroux, que si les fucus adhèrent aux rochers avec la plus grande force avant le développement de leur fructification, on les enlève au contraire avec beaucoup de facilité après cette époque, ou pendant la saison qui suspend leur végétation comme celle des plantes terrestres. Les poissons et les mollusques qui rongent les tiges des goêmons contribuent sans doute aussi à les séparer de leurs racines.

Depuis les vingt-deux degrés de latitude, nous trouvâmes la surface de la mer couverte de poissons volans'; ils s'élançoient dans l'air à douze, quinze et même dix-huit pieds de hauteur, et retomboient sur le tillac. Je ne crains point de revenir sur un objet dont les

1 Fleurieu, Voyage de l'Isis, Tom. I, p. 524. (La Billardière, Voyage, Tom. I, p. 331.)

* 2 Exocœtus volitans.

voyageurs font aussi souvent mention que des dauphins, des requins, du mal de mer et de la phosphorescence de l'Océan. Il n'y a aucun de ces objets qui ne puisse offrir encore pendant long-temps aux physiciens des observations intéressantes, pourvu qu'ils en fassent une étude particulière. La nature est une source inépuisable de recherches; et, à mesure que le domaine des sciences s'étend, elle présente, à ceux qui savent l'interroger, des faces sous lesquelles on ne l'avoit point encore examinée.

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J'ai nommé les poissons volans pour fixer l'attention des naturalistes sur l'énorme grandeur de leur vessie natatoire qui, dans un individu de 6,4 pouces, a déjà 3,6 pouces de long et 0,9 de large, et renferme 3 pouces cubes d'air. Comme cette vessie occupe plus de la moitié du volume de l'animal, il est probable qu'elle contribue à lui donner de la légèreté. On pourroit dire que ce réservoir d'air lui sert plus pour voler que pour nager; car les expériences que nous avons

Recherches sur la respiration des poissons et sur la vessie aérienne, dans les Mém. de la Société d'Arcueil, Tom. II, p. 359.

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faites, M. Provenzal et moi, ont prouvé que, même pour les espèces qui sont pourvues de cet organe, il n'est pas indispensablement nécessaire aux mouvemens d'ascension vers la surface de l'eau. Dans un jeune Exocet de 5,8 pouces de long, chacune des nageoires pectorales qui servent d'ailes offroit déjà à l'air une surface de 3 pouces carrés. Nous avons reconnu que les neuf cordons de nerfs qui vont aux douze rayons de ces nageoires, sont presque trois fois plus gros que les nerfs qui appartiennent aux nageoires ventrales. Lorsqu'on excite, par l'électricité galvanique, les premiers de ces nerfs, les rayons qui soutiennent la membrane de la nageoire pectorale s'écartent avec une force quintuple de celle avec laquelle les autres nageoires se meuvent lorsqu'on les galvanise par les mêmes métaux. Aussi le poisson est-il capable de s'élancer horizontalement, à vingt pieds de distance, avant de toucher de nouveau la surface de la mer avec l'extrémité de ses nageoires. On a très-bien comparé ce mouvement à celui d'une pierre plate qui bondit par ricochet à un ou deux pieds de hauteur au-dessus des

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