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égards & avec certaines circonftances, ne pofféde pas une Souveraineté parfaite (a). Les Princes d'Allemagne font en même-tems Souverains & dépendans. S'ils font Souverains des Peuples qu'ils gouvernent, ils reconnoiffent un Supérieur de qui ils dépendent à certains égards; diftingués en cela des Souverains dont la Souveraineté eft parfaite, par la fujettion qui eft corrélatif de la Souveraineté. Je me range fans peine à l'avis d'un Auteur François qui appelle Princes fujets ceux qui ont, à la vérité, les droits de Souveraineté fur le peuple, non comme Officiers, mais en propriété comme Seigneurs, & qui néanmoins ont eux-mêmes un Supérieur duquel ils font Sujets naturels (b). Cet Ecrivain estime que les Princes fujets ne font pas véritablement Souverains, & il met les Princes d'Allemagne au nombre des Princes sujets. Ils le font fi bien, qu'ils donnent la main chez eux aux Ambaffadeurs de France & d'Espagne.

L'Empereur d'Allemagne lui-même n'eft pas Souverain, il n'eft que le Chef d'une République. Il jouit de quelques droits qu'on appelle les droits réservés de l'Empereur. Ces droits appartiennent immédiatement à l'Empire qui les lui abandonne, pour fervis de relief à fa dignité. Ce Prince n'a de vraie puissance que comme Président à la Diette générale, par lui ou par fes Commiffaires & exécutant les Réfolutions de la Diette; car en le prenant individuellement & agissant fans le concours de l'Empire, il n'a aucun des attributs qui font la marque effentielle & infaillible de la Souveraineté. J'ai dit quelles font les marques de la Souveraineté. Qu'on en examine le caractére, qu'on les compare avec les Loix qui conftituent la République Germanique,

(a) Qui Rex eft, Regem, maximi non habeat.

(b) Loyfeau, des Seigneuries Ch. 2. des Seigneuries Souveraines N. 34, 35 &.39. Tome IV.

S

& l'on trouvera que l'Empereur, en tant que tel, ne doit, en aucun cas, être regardé ni comme Puiffant ni comme Souverain.

Tant de Couronnes repofoient fur la tête des derniers Empereurs de la Maifon d'Autriche, indépendamment de leur qualité de Chef de l'Empire, qu'on s'étoit accoutumé à regarder ces Princes comme des Monarques puiffans, & on avoit raifon, car ils l'étoient; mais ils ne l'étoient qu'à cause de leurs Etats héréditaires, & non à caufe de la dignité Impériale, que la puiflance qu'ils tiroient de leurs Etats héréditaires faifoit refpecter. En dernier lieu dans ces courts inftans où l'Empire a été, dans la Maifon de Baviére, infiniment moins puiffante que celle d'Autriche ne l'étoit, il femble que le Public ait regardé la dignité Impériale comme moins confidérable, & on a eu en effet peu de refpect pour elle. Aujourd'hui qu'elle eft dans la Maifon de Lorraine, elle paroît tirer une affez grande considération des Etats que pofféde la Reine de Hongrie femme de l'Empereur. Dans ces diverfes époques, la dignité Impériale a été effentiellement la même, & les circonftances qui lui ont donné plus ou moins d'éclat, aux yeux des Peuples, n'ont rien changé à ce qu'elle eft en elle-même. Ne confondons point les objets. Pour connoître ce qu'eft l'Empereur d'Allemagne en tant que tel, il a toujours fallu, & il faut toujours féparer d'avec la dignité Impériale les Royaumes & les Principautés qui n'en dépendent point; il faut considérer que l'Empereur n'a pas une Puiffance abfolue & Souveraine fur le Corps Germanique, mais feulement une Puiffance miniftériale & dépendante. Il faut fonger que le Chef de ce Corps n'a aucuns Sujets.

Il y a même cette différence entre l'Empereur & les Princes de l'Empire, que ceux-ci, depuis la paix de Weftpha

lie, peuvent faire des Alliances entre eux & avec les étrangers, pourvu qu'elles n'intéressent pas l'Empire, & qu'elles n'ayent pour but que la confervation de leurs Etats, au lieu que celui-là ne le peut, en tant qu'Empereur, fans le confentement des Diettes.

Depuis qu'il y a eu des Dominations on a connu une Puissance suprême & primitive qui ne relève que de Dieu &

X X.
Des Souverains

qui font Vaffaux

à cette occafion des Alleas & des Bénéfices, des

Fiefs, des Sermons

de fidélité, des

Investitures

de fon épée; mais cette Puiffance qui s'appelle Souveraineté, de la Suzeraineté, en a produit une autre qui lui eft fubordonnée & qu'on nomme Suzeraineté. La fupériorité d'une Puiffance fur une au- Hommages, & des tre fait la Suzeraineté, & c'est l'établissement des Fiefs qui lui a donné la naiffance parmi prefque toutes les Nations de l'Europe. Depuis qu'il y a des Fiefs, il y a des Suzerains & des Suzerains de différentes claffes. Dans une même Domination, le Souverain qui eft auffi Suzerain au premier degré, a, fur un de fes Sujets qui eft Seigneur de Fief, outre le droit de Souveraineté, celui de Suzeraineté ; ce qui n'empêche pas que ce même Sujet qui fe trouve être Suzerain du fecond ordre, ne foit à fon tour Suzerain fur un autre Noble relevant de lui; & ce Noble, à fon tour, s'il a luimême des vassaux, eft pareillement Suzerain, mais il ne l'est qu'à un degré bien plus bas que le Suzerain du premier ordre. Le Roi de Naples eft feudataire du S. Siége, & plusieurs autres Princes d'Italie le font de l'Empire d'Allemagne, fans l'être tous au même titre. Quelques-uns font vaffaux raifon de Fiefs Royaux & francs, qui ne font tenus précifément qu'à la reconnoiffance du haut & fuprême Domaine Impérial, fans aucune charge. Tel eft, par exemple, le Roi de Sardaigne, comme Duc de Savoye, comme Prince de Piémont, comme Marquis de Montferrat. Il eft vaffa! de l'Empire, mais cette dépendance ne diminue en rien fa Souveraineté; & des Jugemens rendus dans fes Etats, on n'ap

pour

pelle point au Conseil Aulique, ni à la Chambre de Wetzelaer. Quelques autres Princes font d'un rang inférieur, foumis aux contributions impofées par l'Empire, & fujets aux facultés du Commiffaire Impérial.

Les Souverains, pour être vaffaux d'autres Souverains, ne ceffent pas d'être Souverains eux-mêmes. La féodalité exige du vaffal, qu'il fe conduise d'une maniére qui ne blesse pas la féodalité à laquelle il s'eft engagé envers la Puissance dont fon Fief relève; mais elle n'empêche point, par ellemême, l'exercice des droits de la Souveraineté. » Bodin (dit » l'un de nos Auteurs) prétend que le Feudataire n'est pas Souverain, fous prétexte de cette maxime vulgaire, que » le Souverain eft celui qui ne reconnoît point de fupérieur, qui est bien vrai en propres termes, mais proprement fupé» rieur celui qui a la Seigneurie publique. Or eft-il que le Seigneur de Fief n'a que la Seigneurie directe........... Aussy y a-t-il grande différence entre le Seigneur ayant la Seigneurie publique, auquel son sujet doit obéissance parfaite, » & le Seigneur de Fief auquel le vaffal ne doit que la foi » & l'assistance en guerre, & qui ne diminue ni la liberté du » vassal en foi, ni même la puiffance abfolue qu'il a lui» même fur fes propres Sujets (a)..

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دو

A l'occasion de la Vaffalité, je traiterai ici des Alleus & des Bénéfices, des Fiefs, des Sermens de fidélité, des Hommages, & des Inveftitures dont il faut connoître la nature.

Les Grecs, les Romains, & les autres anciens-Peuples n'établirent point l'ufage des Fiefs, ils ne connurent de dignités que celles que donnent les emplois. Ce furent les Francs, dorfqu'ils s'établirent dans les Gaules, & les Peuples du Nord, quand ils envahirent le pays des autres Nations, qui inventérent l'ufage des Fiefs. Les Empereurs Ro (a) Loyseau, Ch. 2. des Seigneuries Souveraines, N. 43 & 44.

que

mains en avoient cependant en quelque maniére donné l'exemple, par l'usage dans lequel ils étoient de récompenfer les Officiers & les Soldats qui s'étoient fignalés dans la conquête d'une Province, en leur accordant des Terres situées sur les frontières dont ils leur donnoient toute la propriété utile, à la charge de continuer le métier de la guerre; car le but de ces conceffions étoit d'intéreffer ces hommes de guerre à garder les frontières, en défendant avec plus d'attention & de valeur les Terres qui leur appartenoient (a). L'on ne doit point non plus regarder les Lombards, comme les premiers auteurs de l'ufage des Fiefs. Ce n'eft pas fur leur exemple les autres Nations l'ont introduit. L'hiftoire de France fait mention des Fiefs fous le régne de Childebert I; Aimoin (b) & Grégoire de Tours (c) en parlent. Paul-Emile (d) & Cujas (e) affurent que les Rois de France étoient dans l'ufage d'établir dans les Villes, des Ducs ou des Comtes; & nous allons voir que c'eft à cet établissement que les Fiefs dûrent leur origine parmi nous. Il paroît certain que les Francs dans les Gaules & les Lombards en Italie, introduifirent à-peu-près dans le même tems l'ufage des Fiefs dans ces différens pays, & que c'est aux Lombards qu'on doit le progrès de cet ufage en Italie, comme on le doit aux Francs dans les Gaules. De cet ufage des Fiefs, il fe forma un nouveau Corps de Loix qu'on appella Féodales, qui fixérent la nature & la forme des Fiefs. C'est ce qu'il est nécessaire d'expliquer dans un grand détail.

Au tems de nos Rois de la premiére & de la feconde race, il n'y avoit que de deux fortes de biens immeubles ::

(a) Ut attentiùs militarent, propria rura defendentes. Lamprid. apud; Loyfean des Offices, L. 1. C. 1. N. 104. in fine.

(b) Lib. 1. Cap. 14.

(c) Gregor. Turon. Hift. Franc. lib. 4. Cap. 4

(d) P. Emil. de reb. Franc. l. F

(e) Cujac. de Feud. in princip.

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